Название | Mémoires de Mr. d'Artagnan |
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Автор произведения | Gatien Courtilz de Sandras |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066083182 |
Le rendez-vous étoit pour le lendemain matin à cent pas de l'Hermitage de St. Louïs qui est en deça de Fontainebleau tout au milieu de la foret, mais devant que nous y arrivassions nous trouvâmes une escouade de nôtre compagnie qui nous cherchoit pour empêcher nôtre combat: nôtre Capitaine en avoit été averti dès le soir même, par un Billet du Breteur, qui se croyant plus fort sur le pavé de Paris qu'à la Campagne, ne voulût pas se hazarder de ne plus voir les commeres qu'il avoit laissées en ce Païs-là. Besmaux témoigna être bien fâché de ce qu'on l'empêchoit ainsi de contenter son ressentiment, pendant que nous ne nous en souciâmes gueres Mainvilliers & moi. Nous savions qu'il n'y alloit point du nôtre, quand même nous ne nous battrions pas, & cela nous suffisoit pour être contens. Pour ce qui est du Bretteur, il l'étoit encore bien plus que nous. Il avoit fait le brave à peu de frais, & il pretendoit que Besmaux lui en dut avoir la même obligation que s'il eut tué son homme, & qu'il lui eut aidé par-là à remporter la victoire. Cette escouade nous remena à nôtre quartier, où Mr. des Essarts nous fit mettre tous quatre en prison, parce que nous avions osé contrevenir aux ordres du Roi. Il parloit même de faire faire le procès au Bretteur, parce que c'étoit lui qui avoit porté parole à Mainvilliers. Celui-ci en eut bientôt nouvelle, par une femme de sa connoissance, qui le vint voir, sachant qu'il avoit été mis en prison. Mr. des Essarts qui n'étoit pas ennemi de la joye alloit à Paris voir quelquefois cette femme qui étoit une femelle commode, & où il y avoit toûjours fort bonne Compagnie. Au reste la rencontrant comme elle sortoit du Château, & qu'il y alloit entrer, pour demander au Roi qu'il lui plut faire un exemple de ce Bretteur, il lui demanda par hazard si elle ne le connoissoit point. Elle lui répondit en Gascon qu'elle écorchoit un peu, langage qui plaisoit beaucoup à des Essarts, si jou le connois Cadedis c'est lou meilleur de mes amis: des Essarts qui savoit son nom le lui avoit dit, & c'étoit là-dessus qu'elle lui parloit de la sorte, mais ce Capitaine lui ayant répondu serieusement qu'il ne falloit point railler, & que plus elle étoit de ses amis, plus elle le devoit plaindre, puis qu'il alloit travailler à le faire pendre, elle le pria de n'en point parler au Roi, qu'elle ne l'eut vû, elle lui dit par une espece de presentiment qu'il auroit peut-être quelque chose à alleguer pour sa justification; qu'elle l'iroit voir de ce pas, qu'elle lui en rendroit reponse avant qu'il fut une heure tout au plus.
Des Essarts lui répondit qu'il étoit obligé d'informer le Roi de tout ce qui se passoit dans sa Compagnie, mais que comme il étoit encore de bon matin, il ne vouloit pas, en faveur de leur connoissance, lui refuser le tems qu'elle lui demandoit, qu'il alloit au lever de Mr. de Cinqmars grand Ecuyer de France, & qu'il s'en reviendroit ensuite chez lui, où il l'attendroit de pied ferme, pourvû qu'elle ne demeurât pas davantage qu'elle le lui promettoit, qu'elle savoit où il étoit logé, & qu'il donneroit ordre à ses gens de la faire parler à lui, quelque personne qu'il put y avoir dans sa Chambre, Mr. des Essarts fut faire sa visite après cela, & cette femme de son côté s'en étant allée faire la sienne, elle surprit extrémement le Breteur par les nouvelles qu'elle lui annonca. Il croyoit s'être tiré d'affaire habilement par le Billet qu'il avoit écrit, & d'avoir accordé également le soin qu'il devoit avoir de son honneur & de sa vie. Il savoit que son écriture n'étoit point connuë de Mr. des Essarts, & qu'il n'auroit garde de la montrer à personne qui la pût reconnoître, mais ce que lui venoit de dire cette femme le mettant dans l'obligation de la faire connoître lui-même, à moins que de s'exposer au hazard de tout ce qui lui en pouvoit arriver, il lui répondit, après y avoir un peu songé, qu'il faloit que Mr. des Essarts fut fol de lui vouloir faire une affaire de ce qui méritoit recompense, qu'il n'avoit jamais prétendu se battre pour une aussi méchante cause que celle de Besmaux, qu'il n'avoit jamais été homme à soutenir sa vanité aux depends de sa vie, que bien loin de là il eut été le premier à l'en railler, s'il l'eut suë aussi-tôt que les autres, qu'aussi avoit-ce été lui qui avoit averti des Essarts qu'il vouloit faire couper la gorge à quatre personnes pour son nihil au dos, que puis qu'il avoit gaigné le devant de son baudrier à la sueur de son corps, il devoit encore en gaigner le derriere avant que de le mettre, qu'il ne se fut fait aucune affaire par là ni à lui ni à personne, & qu'il avoit bien affaire qu'il fit le Gascon, pendant qu'il étoit gueux comme un peintre.
Il tâcha de faire rire cette femme en lui apprenant ce qui avoit été cause de leur querelle. Il crût que le plaisir qu'elle y prendroit ne lui donneroit pas le tems de faire reflexion sur le grand soin qu'il auroit eu de conserver sa vie; elle ne lui dit pas ce qu'elle en pensoit, parce que si elle le lui eut reproché, il étoit homme à lui reprocher autre chose; elle se contenta donc de lui dire qu'elle étoit ravie qu'il se put si bien justifier, que cependant comme des Essarts étoit un fin Gascon, & qu'il ne se contenteroit pas de paroles, il falloit qu'il l'instruisit lui-même de tout ce qu'il venoit de lui dire, par un nouveau Billet. La proposition lui déplut, parce qu'il ne trouvoit pas qu'il lui fut autrement glorieux de lui apprendre lui-même le soin qu'il avoit eu de sa vie. Mais la même raison qui l'y avoit obligé l'y obligeant encore en cette rencontre, il vainquit ses scrupules, & écrivit tout ce que cette femme voulut. Il la chargea même de sa lettre, & celle-ci l'ayant renduë à des Essarts, il ne l'eut pas plûtôt lûë & confrontée avec celle qu'il avoit déja de lui qu'il le fit sortir de prison. Il prit pour pretexte, que, comme il n'étoit pas soldat comme nous, il n'avoit point de jurisdiction sur lui. Il parla cependant au Roi de nôtre affaire, mais d'une maniere à ne nous pas nuire. Le Roi lui dit qu'il l'en laissoit le maître, mais qu'il ne feroit pas trop mal de nous laisser quelques jours en prison, afin, qu'une autre fois nous prissions garde à ne pas manquer à nôtre devoir. Nous y demeurâmes cinq jours, ce qui est bien du tems à de la jeunesse qui ne demande qu'à avoir toûjours un pied en l'air. Au sortir de là nôtre Capitaine nous fit embrasser Mainvilliers & moi, avec Besmaux, & nous deffendit les voyes de fait de la part de sa Majesté. Il nous deffendit même de parler jamais à personne du baudrier, mais quand ç'eut été sa Majesté elle-même, qui de sa propre bouche nous eut fait cette deffense, je ne sçais s'il eut été en nôtre pouvoir de lui obéïr. En effet, bien-loin que nous gardassions le silence là-dessus, Besmaux n'eut plus d'autre nom dans le Regiment que Besmaux le Baudrier, tout de même qu'on appelloit le Lieutenant Colonel d'un certain Regiment de Fontenay coup d'épée, & qu'on apelle encore aujourd'hui un Conseiller du Parlement, mendat coup de poignard.
Besmaux ne me voulut pas de bien de ce que j'avois ainsi voulu servir de second à son ennemi. Il trouva