Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812. Pierre de Lacretelle

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Название Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
Автор произведения Pierre de Lacretelle
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066084752



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Romezin, et cinq fils: Antoine et Aymard, les deux plus jeunes, entrèrent dans les ordres; un autre, Pierre, fut «apoticaire»; le cadet, Sébastien, alla s'établir à Toulouse et l'aîné, Antoine, épousa Marguerite de Baulmes et de Jussac. Quant aux biens qu'il possédait alors, ils comprenaient une maison à Montfaucon, et deux terres, le grand et le petit Rebecque.

      Mais si ce long document ne fournit que de très vagues renseignements sur l'état et la situation des Des Roys au début du xvie siècle, sa rédaction soignée et sa forme souvent recherchée dénotent chez Denis une habitude de la langue polie peu commune à l'époque; issu d'une lignée érudite, apparenté à des ecclésiastiques lettrés[40], lui-même docteur en droit, il avait tenu à préciser élégamment les moindres détails de sa pompe funéraire, parfois, il est vrai, avec un soin un peu macabre comme on peut en juger par ce début:

      Préalablement à Dieu tout puissant et à la benoyste Vierge Marie sa mère et par intercession de tous les saints et saintes du Paradis, je recommande mon âme et mon corps après mon trépassement et, avant toute œuvre, je rends à Dieu mon créateur grâces de ma nativité, corps et membres dont il m'a créé, des cinq sens qu'il m'a prestés, des beaux enfants qu'il m'a donnés, et de tous les biens qu'il lui a pleu me donner durant ma vie en ce monde.

      Item je me confesse à lui et à la glorieuse Vierge Marie, à monsieur Saint Denis, Saint Christophe et à tous les saints et saintes du Paradis de tous les peschés et méfaits en quoy durant maditte vie je suis escheu et desquels je n'en aurais été autrefois confessé.

      Item veux et ordonne que mon âme séparée du corps, mon dit corps soit veillé par mes bons amis et puis dedans un tombeau porté dans l'église de Montfalcon et dessus la couverte apartenant au curé de la dicte Église par ses droits accoutumés; veux aussi m'estre mis un linceul blanc sur le chef avec une croix noire du long et de travers en mémoire de la Sainte Croix.

      Item que ceux qui porteront mondit corps, reconnaissant que suis venu en ce monde nud, seront pieds nuds; en contentement de leur peine je donne à chacun c'est à sçavoir deux aulnes et demie de mandel noir et dîner afin qu'ils prient Dieu pour mon âme.

      Item veux qu'à ma sépulture soient convoqués tous les prêtres de cette ville de Montfalcon et de Raucoules et du Pailhet lesquels seront tenus de dire à haute voix le psautier ainsi qu'il est accoutumé et après ledict psautier veux qu'ils disent les litanies et là où on dit ora pro nobis, ils diront ora pro eo.

      Suivent, pendant quatre pages, l'ordre de son convoi; les noms des amis qu'il prie d'y assister, le nombre de messes qu'il requiert—autant qu'il aura vécus d'ans «en ce misérable monde»—et jusqu'à la décoration de l'église où il ordonne «qu'il soict faict lume de six livres de cire tant en quatre petites torches qu'en autres chandelles tellement que tout le chandellier neuf soit garny».

      La question des legs était plus brièvement traitée; il laissait sa femme usufruitière de ses biens, lui donnait ses joyaux, anneaux, ceintures, et une tasse martellée; abandonnait au curé de Montfaucon une partie de sa garde-robe «comme robe, pourpoint, chausses et une bonne chemise»; ses fils héritaient chacun de cent livres et ses filles de dix sols tournois; enfin, à tous les membres de sa famille et à ses amis il léguait «trois aulnes de bon mandel noir» pour porter son deuil, avec cette originale restriction que la qualité de l'étoffe devait varier entre trente et cinquante sols l'aune, suivant le degré de parenté.

      Le fils aîné de Denis Des Roys, Antoine, fut à la fois l'exécuteur et le légataire universel de ce bizarre testament. Après avoir fait ses études de droit comme son père, il fut reçu licencié, titre auquel tous tenaient beaucoup puisqu'il est mentionné dans leurs contrats jusqu'au milieu du xviiie siècle. Il épousa, le 21 juin 1533, Marguerite de Baulmes et de Jussac, fille de Charles et d'Anne de Meyre[41].

      Seuls de tous les Des Roys, Antoine connut des jours mouvementés: nommé en 1542 lieutenant criminel au bailliage de Velay, il fut victime d'une erreur judiciaire, qui lui valut en 1552 d'être condamné en cour du parlement de Toulouse au bannissement perpétuel et à la confiscation de ses biens. Il aurait, paraît-il, après avoir fait arrêter de faux monnayeurs, profité de leurs dépouilles avec quelques-uns de ses collègues qui partagèrent son sort. L'affaire demeure assez mystérieuse, mais il semble avoir été dénoncé à tort par des ennemis. Quoi qu'il en soit, il fut réhabilité publiquement en 1558 et rentra en possession de son titre.

      À sa mort, survenue entre 1575 et 1583, il ne laissait pas d'enfants et institua comme héritier son neveu Sébastien, fils de son frère Pierre. Celui-ci eut alors à soutenir un long procès contre les frères et sœurs de Marguerite de Jussac, qui réclamèrent la restitution des biens de Jussac et de Baulmes dont ils prétendaient qu'Antoine ne pouvait disposer par suite de sa condamnation. Finalement, après dix-sept ans de plaidoiries et d'appels il obtint gain de cause; pourtant il se défit bientôt de ces terres qui lui avaient coûté tant de mal, puisqu'en 1636 Jussac, qui relevait de l'évêque du Puy, appartenait à Christophe de la Rivoire, sieur de Chadenac[42].

      Après ces années agitées, aggravées encore par la guerre religieuse qui ravagea le pays de 1560 à 1595 et dont le Puy et Montfaucon eurent durement à souffrir, les Des Roys reprennent leur vie monotone et sans histoire. Sébastien, qui avait épousé en 1588 demoiselle Claude de Guilhon[43], laissa quatre enfants: une fille, Marie, femme de Jean Pollenon, et trois fils: l'aîné, Gaspard, marié à Jeanne de Cohacy, mourut sans héritier; le plus jeune, Pierre, avocat au Puy, fut un avocat distingué et qui connut en son temps une certaine notoriété: on lui doit quelques ouvrages de droit qui sont d'une langue claire et furent utilisés après lui pendant de longues années[44]; de son mariage avec Catherine des Olmes, d'une très vieille famille du pays[45], il laissa quatre filles, dont la descendance subsiste encore[46]. Le cadet, Melchior, avocat comme ses pères, eut de son union avec Françoise de Marnans deux filles mortes religieuses, une autre mariée à Pierre Roche, et un fils, Baltazar, né en 1610, qui épousa Claude des Olmes en 1650. En mourant, il laissait un fils, Pons Gaspard, né en 1652, marié en 1681 à Louise de Mure, père lui-même de deux fils, dont l'un, Claude, épousa en 1722 Françoise Pagey, et l'autre, Cristofle, sa cousine Marie de Romezin. Tous, continuant les traditions de la famille, avaient fait leurs études de droit à Grenoble et étaient avocats.

      Il faut arriver jusqu'au milieu du xviiie siècle pour rencontrer quelque variété dans l'histoire de la famille Des Roys. Le grand-père de Lamartine nous est en effet mieux connu; son existence fut celle d'un homme de cœur et d'un fonctionnaire parfait.

      Jean-Louis Des Roys était fils de Claude Des Roys, avocat au Parlement de Grenoble, et de Françoise Pagey; il naquit à Champagne en Vivarais le 27 août 1724 et de bonne heure se prépara à suivre la carrière de son père. Le 5 août 1745, il fut reçu licencié en droit à l'université de Valence et admis un an plus tard, le 20 juin 1746, comme avocat au Parlement de Grenoble. Il y fit ses débuts au barreau, et, ayant acquis quelque réputation, alla s'établir à Lyon en 1750. Bientôt, sa notoriété devint suffisante pour qu'il reçût des lettres de bourgeoisie en 1764, et fut élu échevin de la ville en 1766, puis premier échevin en 1767.

      Il abandonna le barreau en 1772 pour des fonctions infiniment plus importantes, ayant été appelé cette année-là à l'intendance des domaines de la maison d'Orléans. Dans ses lettres de nomination, le duc rendait hommage à ses talents, son activité, sa probité pendant sa gestion des affaires de la ville, si bien que les Lyonnais, très satisfaits de ses services, lui offrirent aussitôt une situation analogue à celle qu'on venait de lui assurer. Mais la nomination de sa femme comme sous-gouvernante des enfants du duc de Chartres acheva de le décider.

      Il avait épousé à Lyon, le 12 avril 1757, Mlle Marguerite Gavault, fille de François Gavault, receveur du grenier à sel de Saint-Symphorien, puis lieutenant civil et criminel de l'élection de Lyon, et de Françoise Mauverney. Cette alliance va donner lieu à quelques cousinages, qui, pour être authentiques, n'en sont pas moins imprévus. Françoise Mauverney était fille de François Mauverney et de Marguerite Grimod, et ce nom de Grimod, illustré au xviiie siècle par toute une dynastie de puissants fermiers