Название | Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812 |
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Автор произведения | Pierre de Lacretelle |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066084752 |
Jean-Louis Des Roys mourut le 14 octobre 1798, et sa femme le 10 juillet 1804. De leur mariage étaient nés six enfants; l'aîné, Pierre-François, né le 12 février 1738, fut conseiller à Rouen et mourut sans avoir été marié le 8 mai 1810. «Il m'avait presque tenu lieu de père pendant mon enfance, écrira sa nièce en inscrivant la triste nouvelle, et avait contribué à mon mariage en me donnant 10000 francs comptant et en m'en assurant 12000 après lui.»
Des quatre filles de Mme Des Roys, l'aînée, Catherine Julie, née le 9 janvier 1761, épousa en 1778 Charles-Henrion de Saint Amand, frère du président Henrion de Pansey; la seconde, Émilie (22 janvier 1762-1827), fut mariée à Louis Papon de Rochemont; la troisième, Césarine, née le 29 novembre 1763, devint la femme de Pierre-Benoît Carra de Vaux Saint-Cyr, et la dernière, Alix, devint Mme de Lamartine[55]. Enfin le dernier des fils, Lyon Des Roys, eut une triste existence d'homme de lettres manqué qui fournit la véritable explication des terreurs de Mme de Lamartine lorsqu'elle vit son fils tourmenté lui aussi, à vingt ans, de la même fièvre poétique.
Il était né à Lyon le 5 novembre 1768, et la ville qui, pour rendre hommage à son père alors échevin, avait tenu à être son parrain, délégua le prévôt des marchands au baptême; la cérémonie eut lieu en grande pompe le jour suivant en la cathédrale de Saint-Paul; la marraine fut, par procuration, Marie-Françoise de Beaumont, fille de Gaspard Grimod de la Reynière et tante de Mme Des Roys[56]. Ainsi, l'enfant semblait promis à quelque belle destinée alors que la réalité fut tout autre: ce qu'on sait de lui révèle un certain désordre mental, le délire de la persécution, un amour effréné de la publicité, et surtout un véritable désespoir de ne pas dépasser la médiocrité.
Il fit ses études au collège de Juilly, d'où il fut chassé en 1793 par la Révolution; en 1799 il était maître répétiteur de mathématiques dans cet établissement qui venait de rouvrir sous une nouvelle direction. Pour occuper ses loisirs, il rima alors un poème sur la géométrie, une tragédie en cinq actes, la Mort de Caton, une comédie, l'Antiphilosophe. Ce fut l'origine de tous ses malheurs: en juillet 1799 il abandonna le collège pour Paris, rêvant la gloire littéraire, et s'imaginant avec présomption que son génie suffirait à le faire vivre. La lutte qu'il soutint pendant trois ans pour arriver à la célébrité, les railleries, les épigrammes dont il fut accablé eurent quelque retentissement à l'époque, et un critique dramatique, qui l'avait pris en grippe, Salgues[57], mena même contre lui une campagne de ridicule où il finit par succomber. On peut en juger par ces quelques extraits de l'Observateur des spectacles, où l'odyssée de Lyon Des Roys fut l'occasion de plusieurs articles.
Le cit Desroys n'est point un de ces petits-maîtres à la mode qui ont fondé leur succès sur les grâces de leur figure et l'élégance de leurs manières; c'est un homme simple, nourri à la campagne et dont la physionomie se rapproche un peu de celle de quelques personnages fêtés sur le théâtre Montansier. Habitué à composer des idylles pour les bergeries de Montmirail et des tragédies pour le curé de sa paroisse, il n'a guère connu jusqu'à présent de plus grandes solennités que celles de la messe ou du prône... La nature, avare dans ses productions originales, n'enfante pas tous les jours de ces êtres privilégiés destinés à réjouir les journalistes. Sous ce rapport, le cit. Desroys est une de ses conceptions les plus heureuses, et nous ne saurions trop nous empresser de le faire connaître.
Déjà les deux nymphes[58], arrivées au point où les soins paternels cessaient d'être nécessaires, aspiraient à se produire dans le grand monde, à étaler les charmes dont elles étaient parées, lorsque le cit. Desroys, en père tendre et compatissant, s'est déterminé à les transporter dans sa malle à Paris. Mais sur quel théâtre exposera-t-il ces rares merveilles de la nature? Il a à choisir entre la salle Montansier, les boulevards ou la République[59]. La République aura ses préférences. Déjà le cit. Desroys a mis son habit du dimanche: un bas de soie réservé pour le jour de Pâques a succédé à la guêtre qui déguise la faiblesse de son mollet et l'épaisseur de ses orteils; une cravatte brodée à crête de coq enveloppe son long col et dépasse son menton; un linge mouillé dans un gobelet a fait disparaître les traces de poussière qui s'étendent sur son front; sa main, blanchie par le savon, soutient avec orgueil ses deux filles chéries qu'il se hâte de présenter au sévère Florence[60].
Illustre semainier qui rédigez l'annonce des spectacles et convoquez le conseil suprême qui, dans son indulgence ou ses rigueurs, élève ou abaisse la puissance poétique, généreux Florence, soyez favorable au Sophocle de Montmirail!
C'est dans cet appareil et présenté par ces propos un peu lourds, que Lyon Des Roys aborda le comité de lecture du Théâtre-Français, et une épigramme complaisamment recueillie par son terrible ennemi nous apprend l'accueil qu'il en reçut:
Dieu paternel, quel dédain, quel accueil!
De quelle œillade altière, impérieuse,
Le fier Batiste écrase ton orgueil,
Pauvre Desroys! la Raucourt est moqueuse;
Elle riait, Saint-Prix te regardait
D'un air de prince, et Dugazon dormait;
Et renvoyé, penaud, par la cohue,
Tu vas gronder et pleurer dans la rue.
Le jeune auteur fut pourtant ravi de tant de bruit fait autour de son nom, et ce refus, loin d'abattre son courage, ne fit qu'exciter sa verve; lui-même rendit publique sa mésaventure dans une Épître à Dazincour, célèbre comique du temps, qui l'avait patronné paraît-il auprès du comité de lecture; c'est allégrement qu'il s'écriait:
Touchés de mon discours modeste,
Les premiers talents comme toi
Se sont déjà montrés pour moi:
Monvel, Talma, Mars et Devienne;
Mais la fâcheuse et dure antienne
De l'implacable Grandménil
M'a renvoyé dans mon chenil!
Va, ne crains pas que je m'y tue!
Ma muse est à la fin connue,
Ami, voilà ce qui m'en plaît,
C'est pour cela que j'ai tout fait.
L'échec paraît néanmoins lui avoir été plus pénible qu'il ne le laissait entendre, puisque peu de temps après il publia une Épître aux Comédiens dont la préface est pleine d'amertume:
Je suis bien loin de prétendre, y lit-on, valoir mieux que les Legouvé, les Arnaud, les Collin; mais quand je vois jouer des pièces aussi froides que celles qu'on nous donne souvent, alors l'indignation s'empare de mon esprit et je trouve qu'on me fait injure de ne pas du moins essayer les miennes.
Combien peu, pourtant, il était exigeant:
Que demandai-je aux comédiens? une lecture de la pièce entière? Non, mais une lecture du premier acte, de la première scène! Si j'avais été entendu, j'étais content, je leur promettais un ennui très court, mais ils n'ont pas voulu courir le danger.
Il terminait enfin par le procès du comité de lecture:
Comité secret et invisible qui rend les réponses les plus rébarbatives; en se barricadant de la sorte, les acteurs de Paris ne peuvent être abordés que par un petit nombre de favoris dont la fortune est déjà faite, et par conséquent l'ardeur refroidie.
Pour se venger des comédiens qui l'évinçaient, de la critique qui le raillait, et persuadé que l'opinion prévenue contre lui ne demandait