Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812. Pierre de Lacretelle

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Название Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
Автор произведения Pierre de Lacretelle
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066084752



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Lamartine postérieurement à 1820, sauf lorsqu'il nous a été possible de les vérifier, pour ne retenir que les lettres et témoignages contemporains de la période qui nous occupait; écrits à une époque où son avenir était impossible à prévoir, ils le montrent sans aucun ménagement sous son jour véritable et tel qu'il apparaissait alors aux yeux de sa famille et de ses relations.

      En premier lieu, nous avons eu à notre disposition un important manuscrit, le Journal intime de sa mère; on sait que quelques fragments très écourtés et très remaniés en ont été publiés par le poète sous le titre, le Manuscrit de ma mère[2], ouvrage dont la valeur documentaire est tout à fait négligeable tant les suppressions et les additions qu'il y fit sont considérables; elles s'expliquent, il est vrai, aisément, soit qu'il ait souvent hésité à apporter des démentis trop nombreux à ses Confidences, soit qu'il ait jugé délicat d'en reproduire le texte intégral. C'est grâce au Journal intime, toujours soigneusement daté, qu'il nous a été possible d'entreprendre cet ouvrage, car il nous a permis de mettre en lumière certains faits demeurés encore obscurs ou ignorés, en même temps qu'il nous fournissait un tableau chronologique minutieusement détaillé des quarante premières années du poète. Ces pages écrites au courant de la plume, sans aucune préoccupation de composition ni de publicité, présentent naturellement des négligences et des répétitions, mais les pensées et les sentiments n'y ont d'autre souci que la sincérité[3].

      De plus, grâce à l'obligeance de M. Charles de Montherot, petit-neveu de Lamartine, nous avons pu prendre connaissance des riches archives de Saint-Point, et le baron Carra de Vaux a bien voulu mettre à notre disposition les papiers et titres de la famille maternelle du poète, qu'il représente actuellement. Nous devons également nos remerciements à plusieurs familles de Mâcon qui nous ont aimablement ouvert leurs archives domestiques; à M. A. Duréault, secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, qui nous a fait à mainte reprise profiter de son érudition et de ses recherches personnelles; à M. Lex, archiviste de Saône-et-Loire, dont les travaux nous ont été d'un grand secours. Enfin, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à M. Gustave Lanson qui, préparant lui-même une étude sur les Méditations, nous a permis de prendre connaissance de plusieurs documents inédits qu'il avait réunis.

      C'est grâce à tant d'obligeances que ce volume a pu voir le jour. Nous avons essayé d'en faire une biographie exacte et critique; exacte, car nous n'avons voulu laisser dans l'ombre le moindre fait capable d'apporter un éclaircissement nouveau à la genèse des Méditations; critique, puisque les documents utilisés n'ont été acceptés qu'après un contrôle aussi sévère qu'il est possible en pareille matière.

      Pierre De Lacretelle.

       Table des matières

       Table des matières

       Table des matières

      LES LAMARTINE[4]

      Les origines des grands hommes—et davantage, peut-être, celles des poètes—ne sont jamais à négliger. Sans doute, il importe peu pour l'histoire littéraire que Vigny descende d'un trésorier du xve siècle, que Hugo soit apparenté à un évêque lorrain, que Lamartine soit petit-fils d'un intendant des finances du duc d'Orléans. Ce n'est là, dans leur biographie, qu'un élément de curiosité.

      Mais si, et avec raison, l'on accorde à l'éducation et au milieu une influence prépondérante sur le développement d'un génie, il faut également faire une part aux influences ancestrales, à la vie antérieure qui, elles aussi, laissent des traces plus profondes qu'on ne l'imagine ordinairement, et l'héritage moral d'un poète est précieux à connaître pour tout ce qu'il lui a transmis d'instincts ataviques. Une telle étude est souvent délicate et vaine devant le petit nombre de documents que l'on parvient à recueillir. Une filiation exacte pendant trois siècles—le plus haut qu'on puisse habituellement remonter—est curieuse, mais de simples dates ne suffisent pas; il faudrait connaître la vie des ancêtres, savoir où et comment ils vécurent, quelles passions les dominèrent, dans quelle province ils fixèrent leur foyer, en un mot posséder ce qu'on appelait jadis le Livre de raison, registre où les chefs de famille inscrivaient à tour de rôle grands et petits événements d'une existence souvent trop obscure pour qu'on puisse en retrouver trace dans les archives des villes où ils vécurent.

      Pour Lamartine, nous avons la bonne fortune d'être à peu près fixés sur son hérédité, grâce à une abondance rare de documents qui nous permettent de remonter jusqu'au début du xvie siècle, avec des détails précis et nombreux sur les deux familles dont il descend.

      Tout d'abord, il est curieux de constater que dès l'origine l'une et l'autre semblent être établies de longue date dans les régions mêmes où elles demeurèrent ensuite jusqu'à la fin du xviiie siècle; et cet intense et pénétrant sentiment de la terre natale qui sera chez Lamartine une des notes dominantes de sa poésie, se retrouve déjà chez ses pères qui lui transmirent un peu de leur amour du sol lentement acquis au cours des siècles. Mais aucun ancêtre, pas plus chez les Lamartine que chez les Des Roys, n'a laissé grande trace dans l'histoire de son temps: enracinés dans le même coin de Bourgogne ou d'Auvergne depuis douze générations, habitués de père en fils à faire tout naturellement le sacrifice d'intérêts immédiats ou propres à ceux lointains et souvent invisibles de la race et de la famille, tous, bourgeois, magistrats et capitaines, vécurent la même vie paisible et sédentaire, soucieux avant tout d'augmenter leur bien par de solides alliances, tandis que les cadets s'en allaient mourir obscurément à quelque siège lointain, et que les filles, peu ou point dotées, traînaient leur mélancolique existence sous les arceaux du cloître le plus proche.

      C'est à Mâcon, paisible et dormante petite cité, qu'il faut chercher les origines paternelles de Lamartine, dont les ancêtres, dès la fin du xvie siècle, habitaient la maison même où il naquit. La forme primitive du nom est Alamartine—et non Allamartine, comme il l'a écrit,—qui subsiste encore actuellement en Bourgogne et dans la Haute-Loire. La famille est originaire du Charollais, où l'on rencontre à la fin du xve siècle des Alaberthe, Alabernarde, Alablanche, devenus plus tard, à la suite d'une transformation identique, des de la Berthe, de Labernarde et de Lablanche. Quant aux origines sarrasines dont le poète se targuait volontiers, elles étaient peut-être une charmante excuse à sa hautaine nonchalance, à son amour des animaux et à l'invincible attrait que l'Orient exerça toujours sur lui, mais elles demeurent, bien entendu, plus que problématiques. La forme Alamartine se trouve dans la famille du poète jusqu'à la fin du xviie siècle, en la personne de Jean-Baptiste Alamartine, son trisaïeul, qui, bien que né noble, signa jusqu'en 1680 Alamartine.

      Au xviiie siècle, toute trace de roture a définitivement disparu du nom, qui s'écrit Delamartine ou de la Martine, mais rarement de Lamartine; ce n'est qu'avec la Révolution qu'on voit apparaître cette dernière forme, sans la particule. Notons enfin que, jusqu'en 1825, le poète signa indifféremment Delamartine, de la Martine, ou de Lamartine. Mais la transformation légitime d'Alamartine ou de la Martine date du milieu du xviie siècle, époque où la famille fut anoblie.

      Il y avait en 1789 peu d'ancienne noblesse dans la région du Mâconnais. Elle n'était guère représentée que par quelques vieilles familles désœuvrées et hautaines, à qui la modicité de leurs revenus interdisait Versailles où elles n'auraient pu tenir leur rang; et à part ce comte de la Baume-Montrevel qui n'avait jamais mis