Études sur l'histoire de l'art. Eugene Guillaume

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Название Études sur l'histoire de l'art
Автор произведения Eugene Guillaume
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066328429



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sur son unité ; croyance à l’antériorité probable de la rotonde par rapport au portique; désir de connaître le système de construction employé pour la coupole et ayant assuré sa durée.

      C’est ici que se place l’heureuse intervention d’un pensionnaire de l’Académie de France, de M. Chedanne. Le règlement de l’Académie porte que, dans la dernière année de son séjour en Italie, le pensionnaire architecte exécutera la restauration d’un édifice antique, travail comprenant un état actuel et un état restauré de cet édifice. Un mémoire historique et justificatif sera joint à ces dessins. Je croirais amoindrir mon sujet en ne disant pas que l’idée de ce bel exercice est due à Colbert. En tout cas, l’artiste choisit librement le monument qu’il veut restituer; M. Chedanne a porté sa préférence sur le Panthéon.

      Maintenant, voici dans quel ordre il a procédé, et la méthode qu’il a suivie n’est pas le moindre intérêt qu’offre son travail; elle en est, en partie, la moralité. Il a commencé par relever le plan du monument. Bien d’autres architectes l’avaient fait avant lui. Mais M. Chedanne le recommença en y portant une attention extrême; et ses mesures, prises avec un soin minutieux et soumises à maintes vérifications, lui donnèrent un premier et important résultat. Jusqu’ici, on avait distingué dans le Panthéon le gros œuvre et la décoration. On pensait que la construction avait d’abord été faite de manière à se suffire à elle-même et que, après cela, on avait appliqué sur le massif de maçonnerie une ordonnance architectonique indépendante et constituant un simple placage. C’était l’opinion de Viollet-le-Duc, et elle avait grand crédit. Dans ces conditions, les deux éléments n’eussent pas été dans une corrélation intime. Mais, le plan une fois dressé, M. Chedanne reconnut, par la direction d’axes encore inexactement déterminés avant lui, que la construction et le décor formaient, sur le sol, un tout parfaitement uni, s’ordonnaient suivant des lignes identiques. Il s’arrêta à cette constatation, qui était une première découverte, et il en conclut qu’une pareille unité, si elle existait dans le plan, devait se retrouver dans l’élévation et dans toutes les parties de l’édifice. Cette vue si logique était bien celle d’un véritable architecte. Elle est conforme aux plus saines théories de l’art; elle devait bientôt se vérifier.

      Depuis longtemps déjà, on remarquait, en quelques places, à la base de la coupole, des traces d infiltration. Elles existaient à droite et à gauche de l’autel principal. Elles appelaient une réfection prochaine des enduits salpêtrés. Mais comment l’opérer? Il appartenait à l’administration d’y pourvoir. Appuyé par deux amis, qui sont l’un et l’autre membres du parlement italien et éminents architectes, M. le comte Sacconi et M. Luca Beltrami, M. Chedanne obtint que la restauration des caissons, restauration nécessaire, fût entreprise. On y procéda sous ses yeux et, le 20 mars, après que le revêtement endommagé par l’humidité eût été abattu, on vit aussitôt que la coupole repose sur une série de petits arcs encore ignorés et en même temps que ces arcs retombent rigoureusement, au moyen de piliers, sur l’axe des colonnes du rez-de-chaussée. De plus, ces arcs sont, non pas inclinés comme la voûte, mais dans une direction verticale. Que conclure de là ? C’est que ce système d’arceaux sert d’appui à la coupole et de lien entre celle-ci et le corps du monument. C’est enfin, à un point de vue plus général et non moins important, c’est qu’au Panthéon, la construction et la décoration font un tout indissoluble et que les colonnes ne sont pas un simple ornement, mais qu’elles soutiennent, en partie, l’édifice.

      On le comprend aisément: les arcs découverts par le jeune architecte supportent la partie voûtée; ceux dessinés par Piranesi, et indiqués beaucoup plus haut, ne reposaient sur rien. Ils étaient suspendus et ils épousaient la forme de la coupole. Ils pouvaient aider à en maintenir la courbure, mais non pas en assurer la stabilité. Ils étaient inutiles à l’ensemble.

      On vit aussi, quand les enduits eurent disparu, non seulement que les caissons sont bâtis avec la voûte, mais que la voûte elle-même est construite en matériaux parfaitement réglés, en grandes briques et non pas en un blocage de matériaux légers, comme on tendait à le penser. De plus, on trouva au centre d’un des caissons mis à nu un crampon de bronze, indiquant qu’à cette place une rosace ou tout autre ornement de métal avait pu se trouver fixé.

      Enfin, M. Chedanne, après qu’il y eût été autorisé par le Ministre de l’instruction publique d’Italie, qui comprit tout d’abord l’importance des découvertes de notre pensionnaire, M. Chedanne tira d’un des arcs mis à jour quelques briques et il y trouva des marques concordantes qui rapportaient la construction de cette partie de l’édifice au règne d’Adrien.

      Était-ce un détail et le fait d’une restauration datant du 11e siècle? Il fallait s’en assurer. Les autorisations nécessaires furent libéralement accordées. La maçonnerie fut interrogée à différentes hauteurs et jusqu’à sa base; et partout les briques se trouvèrent d’accord pour attester par écrit que c’était, non pas au temps d’Auguste, mais à l’époque d’Adrien qu’il fallait attribuer la construction de la rotonde du Panthéon.

      Telles sont jusqu’ici les découvertes de M. Chedanne et on en voit les conséquences: unité organique de l’édifice dans lequel le système de la construction est intimement lié à la décoration; arcs de la coupole servant de lien entre les parties hautes et les parties basses de l’œuvre; obligation d’admettre que le Panthéon est une construction qui ne remonte ni à la république, ni à Agrippa, mais qui appartient à Adrien; et, par suite, nécessité de reconnaître que ce n’est pas le portique qui a été ajouté à la rotonde, mais bien la rotonde qui a été accolée au portique.

      Ce sont là des résultats importants. Évidemment la lumière jetée par ces faits nouveaux sur l’histoire et sur la technique de l’architecture est grande. Les théories les mieux fondées en raison en souffrent quelque dommage. Il ne resterait plus de l’œuvre d’Agrippa que le vestibule et son fronton. Mais à côté de l’inscription gravée par le fondateur, il y en a une autre, celle de Septime-Sévère et de son fils. Comment comprendre celle-ci? Quelle sorte de restauration fut exécutée par les deux empereurs pouvant rappeler le premier édifice? Sur ce sujet, un vaste champ est ouvert aux conjectures et M. Chedanne pourrait s’y aventurer.

      Mais la nature de son travail lui impose une réserve extrême, et il ne paraît pas disposé à s’en départir. Il ne veut rien avancer que sur preuves formelles: c’est ainsi que doit être conduite une restauration. Rechercher dans un monument les témoignages de son état passé, et après avoir reconnu ce qu’il en reste à la surface du sol, fouiller ses substructions, retrouver en terre quelque pan de muraille ou la place d’une colonne, utiliser des fragments en les remettant au lieu qu’ils devaient logiquement occuper, en résumé, partir de l’état actuel pour remonter de fait en fait à l’état ancien tel est l’ordre que doit suivre notre architecte dans l’œuvre qu’il poursuit. Il y apporte l’intelligence et l’amour de son art, la connaissance de toutes les parties que l’architecture embrasse. Son esprit est pénétrant et réservé ; il a les qualités qui inspirent la confiance et la sympathie.

      Ces sentiments, il les a rencontrés à Rome de la part des artistes italiens, et chez les hommes qui sont placés à la tête des grands services de l’État. Le Ministre de l’instruction publique, qui était alors M. Villari, le sous-secrétaire du même département, M. le comte Pullè, les deux directions des arts dans la personne de leurs chefs éminents, M. Barnabèi et M. Buongiovannini, n’ont pas ménagé au jeune artiste les marques d’intérêt. Comprenant aussitôt la valeur et la conséquence de pareils travaux pour l’art, pour l’histoire et pour l’archéologie, le ministère a pris une part effective à l’œuvre commencée: il en a assumé les frais. Sans doute le même concours nous sera prêté par l’administration éclairée de M. Martini. De la sorte, le fruit des découvertes est mis en commun et le profit en est pour la science. De tels faits honorent hautement un pays et excitent en nous une vive gratitude. Ils portent nos pensées dans une sphère meilleure où toute division s’efface et où les esprits faits pour travailler à la vérité sont heureux de se rencontrer et de s’entendre.

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