Название | Le domino rose |
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Автор произведения | Alexis Bouvier |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066330385 |
–Très-pressée.»
–C’est d’elle! dit aussitôt Caroline, dont la main trembla.
Elle regarda le timbre, il était de la veille.
Elle se leva aussitôt, courut dans l’autre pièce, ouvrit la porte et écouta si personne ne montait; assurée de n’être point surprise, elle revint près de la cheminée et ouvrit la lettre.
–C’est d’elle. j’en étais certaine, fit-elle lorsqu’elle eut vu la signature. La dernière lettre qu’elle a écrite, peut-être.
Et tremblante elle lut:
«Mon Henri aimé,
» Ce soir, attends-moi, nous irons à ce bal! Je suis résolue à en finir: cette vie me pèse. Je me moque du monde, il ne m’aide pas, il ne me conseille pas et cependant il me jugera. que m’importe1 Avec cet homme, je sens que je deviendrai folle. non! c’est sans toi que je deviens folle. Si je ne suis pas près de toi, tu retourneras à ta petite ouvrière. Cette idée me tue. Henri, tu m’as dit que tu étais prêt à tout sacrifier pour moi. J’ai dit de même: ce soir, je te le prouverai. Ce soir, j’abandonne la maison pour n’y plus rentrer. Tu es pauvre, mais tu as l’avenir. La misère est la mort de l’amour. Nous ne la connaîtrons pas, Henri, il n’y a pas de délicatesse à faire. Tu me rendras plus tard ce que j’apporterai ce soir. Depuis dix jours, j’ai pris à mon mari des valeurs au porteur que j’ai fait vendre; puis j’ai fait racheter par une autre personne, pour dérouter tout le monde, des titres à ton nom. C’est un prêt, tu me le rendras plus tard. Ce soir, je t’apporte tout cela. Nous ne serons pas riches, mais nous serons à l’abri du besoin. La vérité, moi seule et toi la saurons. Je partirai ce soir en laissant à mon mari une lettre qui lui fera croire à mon suicide: cela nous donnera le temps de nous établir où nous voudrons. Ce soir, nous irons au bal de ton ami, et, au retour, tu emmèneras chez toi et pour toujours celle qui devient ta femme.
«HÉLÈNE.»
Livide, le dégoût aux lèvres, se refusant à croire ce qu’elle venait de lire, Caroline recommença la lecture de la lettre.
.–C’est impossible, fit-elle.
Elle glissa la lettre dans son corsage, courut une seconde fois à la porte d’entrée et l’ouvrant, penchée sur la rampe, elle écouta encore.
–Rien! dit-elle. J’ai le temps, il faut que j’en aie le cœur net. Ah! non! ce n’est pas de ce pain-là que je veux me nourrir, moi!…
Elle rentra précipitamment et fouilla les meubles, elle trouva presque aussitôt un lourd portefeuille, il était neuf, et portait les initiales H.J.-G., elle l’ouvrit et en fit tomber une liasse d’obligations, elle lut le nom de son amant et la date du transfert qui remontait à cinq jours.
Elle remit les valeurs dans le portefeuille et les replaça vivement dans le meuble.
Une grande minute, Caroline resta debout, accotée au marbre de la cheminée, le front moite, l’haleine sifflante, l’œil plein d’une flamme étrange, cherchant la vérité dans ce qu’elle avait entendu et ce qu’elle venait de voir.
Puis, essuyant la sueur qui perlait à la racine de ses cheveux, elle se dirigea vers l’armoire, en disant bas:
–Il faut que je sache aujourd’hui ce qu’il y a dans ce coffret qu’il cache toujours.
Elle ouvrait l’armoire, lorsque Henri rentra.
–Que fais-tu donc, ma Caro?
–Je cherchais des serviettes, répondit-elle en faisant un effort.
Puis, voyant sa pâleur livide, il lui demanda:
–Mais qu’as-tu donc?
–J’ai eu peur, seule ici. Je me suis souvenue du tableau de ce matin. Il me semblait que ce fantôme venait me chasser d’ici.
–Hein! fit Henri, qui ne dissimula pas le frisson qui lui courut le corps. En voilà, des idées1
Plaçant sur la table les objets qu’il rapportait, il dit:
–Allons, Caro, assieds-toi, nous allons souper gaîment pour chasser tes papillons noirs. Viens ici, près de moi, j’ai monté un vin généreux qui va bientôt mettre ton petit cerveau à l’envers; viens, et commençons par boire.
–Oui.
Triste, Caroline avança une chaise.
–Tiens, folle, regarde quelle piètre femme de ménage tu seras, reprit Henri, qui venait de déboucher une bouteille et cherchait vainement où la verser, tu as oublié les verres.
–C’est vrai, dit la jeune fille, essayant de sourire.
Elle trouva un verre, le plaça sur la table; elle en cherchait un autre. Henri, qui faisait tous ses efforts pour qu’elle prît au sérieux la gaieté factice qu’il dépensait, lui cria:
–Mais viens donc, Carolo.
Mon verre n’est pas grand, vu boiras dans mon verre.
Viens vite, et je poserai mes lèvres où se seront posées les tiennes. Et il chanta en levant le verre plein pour le lui offrir:
Le petit vin, comme il tape,
Il est cause que la nuit
On verra plus d’une nappe
Se changer en drap de lit.
–Enfin, fit Caroline, en voici un. C’est de l’eau qu’il y a dedans?
Elle tenait à la main un verre à moitié plein d’une eau blanchâtre; elle l’avait trouvé sur une table de nuit et l’apportait.
En la voyant, Henri se leva, d’un bond se précipitant, il lui arracha le verre et le jeta avec son contenu dans la cheminée, où il se brisa. Caroline était restée tout interdite. Henri, livide, fiévreux, cherchait à expliquer le changement subit qui s’était opéré en lui, il balbutiait:
–Tu es agaçante. voilà dix minutes que je te dis de venir, tu peux bien boire dans mon verre. cela t’est-il désagréable? tu me blesses en refusant. Quelle étrange femme tu es.
–Mais, mon ami, je ne t’ai rien fait, rien dit. Est-il possible de se mettre dans un semblable état pour si peu de chose.
Henri ne savait que dire, il prit le parti le plus sage, il s’excusa.
–Pardon, ma Caro, je suis un brutal et un sot; j’ai cru que tu refusais de boire dans mon verre. Tiens, bois.
Il l’avait attirée près de lui, lui donnait le verre, dans lequel elle trempa ses lèvres, et comme le grand œil brun de Caroline jetait obstinément sur lui son regard profond, il continua avec embarras:
–C’est une coutume en certains pays de boire dans le verre de son hôte, et celui qui refuse lui fait une injure mortelle…
–Oui! Et le regard de la jeune fille resta toujours fixé sur celui du jeune homme.
–En Allemagne, en Belgique, dans les Flandres surtout.
–Oui. je le sais; cette coutume veut dire: j’ai bu, tu peux boire. mon verre n’est pas empoisonné.