Название | Les Rois Frères de Napoléon Ier |
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Автор произведения | Albert Du Casse |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066082673 |
J'espère que tu ne désapprouveras rien de tout cela.
Après tant d'orages, ma chère amie, l'idée du calme me donne quelque soulagement et je ne pense pas sans plaisir que je pourrai m'occuper de mes enfants pendant le peu de temps qui me reste à les voir avant leur établissement.
L'empereur me trouvera toujours s'il a besoin de moi et, dans tous les cas, s'il est vrai qu'il ne lui reste plus rien de fraternel dans l'âme pour moi, je le forcerai à ne pas rougir d'un frère qui se sera montré impassible dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.
Il me reste à désirer que tu ne te laisses pas affecter par tout ceci, que tu ramènes des eaux une meilleure santé et que tu croyes bien, quelque chose que tu m'aies dite souvent, que je n'ai d'autre ambition que de remplir ce que je crois mes devoirs; cela fait, je préfère et j'ai toujours véritablement préféré la vie privée aux grandeurs et aux agitations publiques, le présent et l'avenir te prouveront ceci.
Melito est parti avec le peu d'argent qu'il avait dans ses poches; je te prie de lui faire remettre 8000 francs, afin qu'il puisse faire convenablement sa route et revenir m'apporter la réponse de l'empereur le plus tôt possible. Si tu te crois en mesure de lui écrire pour la lui recommander, tu me feras plaisir. C'est le seul homme des anciens amis qui me soit resté attaché jusqu'à la fin. Je voudrais que l'empereur trouvât bon qu'il continuât de porter le titre de comte de Melito que je lui donnai à Naples, où tu te rappelles qu'il servait bien comme ministre de l'intérieur.
Adieu, etc.
Joseph à la reine Julie.
Bayonne, le 13 juillet 1813.
Ma chère amie, M. Rœderer te donnera de mes nouvelles ou t'écrira; je compte aller prendre les eaux de Bagnères où j'attendrai de tes nouvelles; je viendrai te rejoindre à Mortefontaine ou, si cela contrarie l'empereur, tu viendrais ou tu me donnerais rendez-vous dans une terre que tu aurais fait choisir dans le Midi de la France, tu amènerais nos enfants; je me porte assez bien.
Les pertes de l'armée se réduisent à des canons, l'ennemi avoue avoir perdu beaucoup plus de chevaux et d'hommes que nous.
Je laisse l'armée plus forte du double que celle que j'avais à Vittoria.
Si tu dois venir me rejoindre, il serait bon que Nicolas y vînt avec toi; si je dois venir à Paris, je le verrai à Paris.
(1814-1841.)
Joseph n'était pas encore arrivé au port où il espérait se reposer des tracas de la vie publique. Le sort lui réservait une autre période de tourments.
Revenu des eaux de Bagnères, où sa santé l'avait obligé à un court séjour, en août 1813, et installé à Mortefontaine près Paris, le frère aîné de l'empereur apprit, dans un entretien qu'il eut avec Napoléon, que ce dernier était sur le point de replacer Ferdinand VII sur le trône d'Espagne. Après une longue discussion avec l'Empereur, il crut devoir lui écrire le 30 novembre 1813:
Sire,
La réflexion n'a fait que fortifier ma première pensée. Le rétablissement des Bourbons en Espagne aura les plus funestes conséquences et pour l'Espagne et pour la France. Le prince Ferdinand, en arrivant en Espagne, ne peut rien en faveur de la France; il pourra tout contre elle, son apparition excitera d'abord quelques troubles, mais les Anglais s'en empareront bientôt et dès qu'ils lui auront fait tourner les armes contre la France, il aura avec lui, et les partisans des Anglais et les partisans de la France que nous aurons abandonnés et ceux qui tiennent au système de voir leur pays gouverné par une branche de la maison de France, système si heureusement professé à Bayonne et qui, depuis un siècle, a fait la tranquillité de l'Espagne. Tout homme de bien et de sens qui connaît le caractère de la nation espagnole et la situation des hommes et des choses dans la Péninsule ne peut pas douter de ces vérités. Je prie V. M. de faire consulter quelques Espagnols éclairés qui sont en France, entr'autres MM. Aranza, O'Farell, qui étaient ministres, nommés par le prince Ferdinand.
Quant à moi, Sire, que V. M. daigne un moment se supposer à ma place. Elle sentira facilement quelle doit être ma conduite. Appelé il y a dix ans au trône de Lombardie, ayant occupé celui de Naples avec quelque bonheur, celui d'Espagne au milieu de traverses de tous les genres, et malgré cela ayant su me concilier l'estime de la nation, persuadé comme je le suis que tant que la dynastie de V. M. régnera en France, l'Espagne ne peut être heureuse que par moi ou par un prince de son sang, je ne saurais m'ôter à moi-même les seuls biens qui me restent, les témoignages d'une conscience sans reproches et le sentiment de ma propre dignité. Je ne puis donc que présenter ces réflexions à V. M. I. et R., et, dérobant au grand jour un front dépouillé, attendre dans le sein de ma famille les coups dont il plaira au destin de frapper encore et l'Espagne et moi, et les bienfaits qu'il nous est permis d'espérer de la puissance de votre génie et de la grandeur du peuple français.
L'empereur ne répondit pas à cette lettre. Un mois plus tard, le 29 décembre 1813, Joseph, voyant le territoire suisse violé et la France prête à être envahie, écrivit de nouveau à son frère pour se mettre à sa disposition. Napoléon lui répondit durement, tout en acceptant sa participation à la défense de l'État[38]. À son départ pour l'armée, il le nomma son lieutenant-général à Paris.
L'ex-roi de Naples et d'Espagne eut avec son frère, tandis que ce dernier était à l'armée, une correspondance longue, suivie, des plus importantes, publiée d'abord dans les Mémoires du roi Joseph, reproduite plus tard dans le grand ouvrage de la correspondance de Napoléon 1er (du moins quant aux lettres écrites par l'Empereur à son frère).
On a omis cependant dans ces deux ouvrages quelques fragments de lettres; nous les ferons connaître au fur et à mesure, à leur date.
Joseph, ayant appris que, suivant son exemple et oubliant les différends qu'il avait eus avec l'Empereur, Louis venait de se mettre à la disposition de Napoléon, écrivit à l'ex-roi de Hollande la lettre ci-dessous, datée de Mortefontaine le 2 janvier 1814:
Mon cher frère, tu sais comment je suis ici depuis dix mois. Quinze jours seulement après mon arrivée, l'Empereur me dit qu'il voulait rétablir les Bourbons en Espagne. Il me demanda mon avis réfléchi. Il est contenu dans la pièce no 1 que je lui ai adressée deux jours après notre entrevue. Il y a huit jours, maman m'a dit que l'Empereur désirait me voir. J'étais alors retenu dans ma chambre par le rhume violent qui m'y retient encore. J'appris en même temps que l'Empereur avait dit aux sénateurs qu'il avait reconnu Ferdinand et accrédité auprès de lui l'ambassadeur Laforest qui était accrédité auprès de moi. J'écrivis alors à l'Empereur la lettre dont ci-joint la copie sous le no 2[39].
Ma femme la lui remit et il lui dit: Je suis forcé à ceci. Les événements me paraissant de plus en plus graves, je lui ai écrit de nouveau hier[40]. Le porteur a reçu la même réponse. Le fait est que je puis tout sacrifier à l'Empereur, à la France et à l'Europe, tout, hormis l'honneur. L'honneur ne me permet pas de me montrer autrement que comme roi d'Espagne, tant que je n'aurai pas abdiqué, ce que je ne puis et ce que je ne veux faire que pour la paix générale et après avoir assuré ce que je dois aux Espagnols par un traité dans les mêmes formes que celui qui me donna la couronne d'Espagne, traité dont a été négociateur à Bayonne M. le duc de Cadore.
Qu'on