Les Rois Frères de Napoléon Ier. Albert Du Casse

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Название Les Rois Frères de Napoléon Ier
Автор произведения Albert Du Casse
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066082673



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duc de Raguse qui m'apportait des dépêches de lui et du général Clausel. L'un et l'autre me mandait que la poursuite de l'ennemi était ralentie et me témoignaient le désir de se réunir à moi, si je voulais m'approcher d'eux.

      Quoique je sentisse tout le danger de ce mouvement, je ne m'y refusai pas et je me dirigeai sur Ségovie, où je restai quatre jours pour donner le temps à l'armée du Portugal de se porter sur moi; mais elle ne changea pas sa première direction, soit que l'ennemi l'en ait empêchée, soit qu'elle n'ait jamais eu le dessein réel de s'éloigner du Nord. Elle continua sa retraite sur le Duero qu'elle passa et se détacha ainsi totalement de moi.

      En revenant à Madrid, le 3 août, avec le petit corps de troupes que je ramenais, j'avais l'espérance d'être joint par dix mille hommes de l'armée du Midi que, depuis le 9 juillet, j'avais donné l'ordre au duc de Dalmatie d'envoyer à Tolède. Je me flattais aussi que le corps du comte d'Erlon, de la même armée, qui était en Estramadure, aurait fait un mouvement pour se rapprocher du Tage, suivant mes instructions; avec ces ressources j'aurais pu défendre et couvrir la capitale contre un détachement que l'armée anglaise eût fait sur moi, après avoir rejeté l'armée du Portugal sur l'Ebre; mais toutes ces espérances s'évanouirent à la réception d'une lettre du duc de Dalmatie qui refusait positivement d'obéir.

      D'un autre côté, j'apprenais que l'armée du Portugal s'éloignait de plus en plus du Duero et se retirait sur Burgos; en même temps tous les rapports annonçaient que lord Wellington se préparait à marcher sur la capitale; toute la population y était en mouvement.

      En effet, l'ennemi ayant passé les montagnes le 8 et le 9, plus de 2000 voitures partaient de Madrid le 10, en se dirigeant vers le Tage.

      Je me portai le même jour de ma personne sur le point où leurs divisions, après s'être retirées des débouchés des montagnes, s'étaient repliées et je fis reconnaître l'ennemi qui les suivait; cette reconnaissance engagea un combat très opiniâtre de cavalerie et dont les résultats furent à notre avantage. L'ennemi perdit trois pièces de canon, beaucoup de morts, de blessés et un assez grand nombre de prisonniers, dont les rapports ne me laissèrent au surplus aucun doute sur le parti que j'avais à prendre.

      Je n'avais avec moi que huit mille hommes de disponibles, le reste escortait le convoi. Je passai le Tage le 12 août au soir.

      Comme j'avais écrit, dès que j'eus la nouvelle de l'affaire du 22 juillet, de Ségovie au duc de Dalmatie d'évacuer l'Andalousie et de venir me rejoindre avec toute son armée, mon premier dessein avait été de marcher au devant de cette armée et de me réunir à elle aux débouchés de la Sierra-Morena, mais des nouvelles lettres que je reçus de M. le maréchal duc de Dalmatie (à 5 lieues d'Ocana), ne me laissant rien à espérer du moins pour le moment, je me décidai à me retirer sur Valence.

      En prenant cette résolution j'ai eu en vue deux objets principaux, l'un de mettre en sûreté l'immense population qui m'a suivi, l'autre de protéger et de défendre le royaume de Valence, menacé par un débarquement à Alicante de 13,000 Anglais, Siciliens et Majorcains, qui, réunis aux forces de Freyre et d'O'Donnel, auraient formé un corps de 25 à 30,000 hommes, capable d'inquiéter sérieusement l'armée d'Aragon.

      J'ai été assez heureux pour atteindre ce double but, le convoi est arrivé à Valence et la présence inopinée des troupes que j'amenais avec moi a forcé l'ennemi à se retirer sous Alicante et peut-être à s'embarquer.

      J'ai trouvé ici des nouvelles de France, dont j'étais privé depuis trois mois.

      L'armée se repose d'une route extrêmement fatigante, je fais filer sur les derrières tout ce qui a jusqu'ici embarrassé ma marche et je laisse partir pour la France les familles françaises qui désirent y rentrer.

      S'il arrive des secours de France pour réparer les pertes du 22 juillet et contre-balancer les renforts que l'ennemi reçoit de la Méditerranée et de l'Océan, si l'on m'envoie 15 à 20 millions en sus des versements habituels du trésor impérial, si, enfin, instruits par ce qui vient de se passer, les généraux commandant les divers corps de l'armée exécutent mes ordres, au lieu de les discuter, ce qui arrivera lorsque l'empereur leur témoignera son mécontentement et en aura rappelé quelques-uns, je ne doute pas que les affaires d'Espagne se rétablissent.

      Agréez, etc.

      P. S. Valence, le 8 septembre 1812. Au moment où je fais partir ce duplicata, je reçois les papiers publics de Paris jusques au 21 août; je ne puis cacher à V. A. S. ma surprise sur la manière dont on y rend compte de l'affaire du 22 juillet. Comment M. Fabier, qui a porté la nouvelle de cette action à Paris et qui m'a accompagné à Ségovie où je suis resté quatre jours, protégeant la retraite de l'armée du Portugal, a-t-il pu laisser ignorer mon mouvement et le dévouement personnel que j'ai mis à rester seul en présence de l'ennemi, tandis que les débris de l'armée du Portugal passaient de l'autre côté du Duero, ainsi que V. A. S. le voit par les détails contenus dans cette lettre? Je ne voulais pas m'appesantir sur cette mauvaise foi et cette perfidie. La bataille du 22 a été perdue parce que le maréchal duc de Raguse n'a pas voulu m'attendre, ni attendre les secours qui lui venaient du Nord; ces secours et ceux que je lui amenais étaient en mesure de le joindre le lendemain ou le surlendemain de l'affaire; mais il paraît que, trompé par une ruse de lord Wellington qui a fait tomber entre ses mains une lettre au général Castanos, dans laquelle il lui mandait que sa position n'était plus tenable et qu'il était obligé de se retirer, M. le duc de Raguse a cru marcher à une victoire assurée, et une soif désordonnée de gloire ne lui a pas permis d'attendre un chef.

      Une fois encore la reine Julie et ses enfants durent se mettre en route pour venir rejoindre le roi Joseph à Madrid, mais ce projet dut être abandonné pour l'instant. Le roi fut obligé de quitter sa capitale pour chercher à se réunir aux armées de Suchet et de Soult. Tandis que ce dernier s'obstinait à rester en Andalousie et que Marmont avec l'armée du Portugal se hâtait de livrer inconsidérément, près de Salamanque, la bataille des Arapiles, qu'il perdait pour n'avoir pas voulu attendre les renforts en marche pour le rejoindre, Joseph ralliait Suchet à Valence, apprenait par le plus singulier des hasards les infâmes accusations du duc de Dalmatie[34], portait son quartier-général à Valladolid, selon les instructions de l'empereur, et écrivait de cette ville, le 3 mai 1813, à la reine Julie:

      Ma chère amie, j'ai reçu ta lettre du 8 avril par des courriers qui portent des lettres de Paris à la date du 16. Je n'ai pas reçu de lettre des enfants, je me persuade toutefois que vous vous portez bien toutes les trois. M. de la Forest[35] part pour les eaux, je pense que tu le verras à Paris, son langage est bon, mais il n'est pas secondé par quelques chefs qui en tiennent un différent. Les troubles du Nord de l'Espagne ne peuvent être attribués qu'à l'erreur dans laquelle on laisse les habitants sur leur sort futur; l'opinion a causé tout le mal et l'opinion continue à être trompée et à causer cette résistance nationale qui occupe une grande partie de nos forces. Du reste, l'opinion générale de toutes les provinces et de toutes les classes est uniforme: la paix..... qui conserve la paix avec la France et qui garantit l'intégrité et l'indépendance de la monarchie.

      Les opérations ne sont pas encore commencées.

      Le roi Joseph obtint enfin au commencement de 1813 le rappel du maréchal Soult. Il fut informé de cette disposition par une lettre du duc de Feltre, auquel l'empereur, qui n'écrivait plus directement à son frère, avait envoyé la dépêche suivante, datée de Paris, 3 janvier:

      Monsieur le duc de Feltre, le roi d'Espagne demandant qu'on rappelle à Paris le duc de Dalmatie, et ce maréchal le demandant aussi, ou au moins à revenir par congé, envoyez au duc de Dalmatie, par estafette extraordinaire, un congé pour revenir à Paris; le général Gazan prendra le commandement de son corps ou le maréchal Jourdan. Il faut expédier ces ordres par duplicata et triplicata.

      Faites connaître au roi, en lui écrivant en chiffres, que, dans les circonstances actuelles, je pense qu'il doit placer son quartier général à Valladolid, que le 29me bulletin lui aura fait connaître la situation des affaires du Nord qui exigent tous nos soins et nos efforts, qu'il peut bien faire occuper Madrid par