Les Rois Frères de Napoléon Ier. Albert Du Casse

Читать онлайн.
Название Les Rois Frères de Napoléon Ier
Автор произведения Albert Du Casse
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066082673



Скачать книгу

août 1810 (Mémoires de Joseph. Vol. VII, p. 325).

      Joseph à Julie.

      Madrid, le 9 septembre 1810.

      Ma chère amie, j'ai reçu ta lettre du 20, j'attends toujours le résultat de tout ce que je t'ai écrit, ainsi qu'à l'empereur, depuis le départ d'Almenara. D'une manière ou d'une autre ces choses doivent être changées, elles ne peuvent pas rester longtemps dans l'état où elles se trouvent, je fais ici une triste figure et j'en mériterais la honte si je permettais qu'elles se prolongent plus longtemps qu'il ne faut pour connaître la volonté de l'empereur.

      1o Roi d'Espagne, je ne puis l'être que tel que la constitution du pays m'a proclamé.

      2o Retiré de toutes affaires publiques en France ou dans un autre pays, il me convient de connaître même sur cet article la volonté de l'empereur.

      3o Retourner en France conservant quelque prérogative publique, il faut que je sache quels sont mes devoirs et mes droits avant de prendre un parti; je ne veux me décider qu'en pleine connaissance de tout cela, je n'ai ni crainte, ni ambition, ni ressentiment, je sais que la politique fait tout, ainsi je pardonne tout; mais si en m'enlevant le trône d'Espagne, on m'offre un état politique en France, je veux le connaître.

      4o Je ne veux aucun trône étranger. Je me réserve à me déterminer pour une retraite absolue si ce qu'on me propose en France ne me paraît pas convenable; ce à quoi je suis bien déterminé aujourd'hui; c'est: 1o de ne pas rester ici sur le pied où je suis, 2o de ne pas accepter un trône étranger, 3o de rendre mon existence en France compatible avec mon honneur et la volonté de l'empereur et l'intérêt de la nation, si mon existence semi-politique peut encore lui être utile, sans cependant vouloir jamais me mêler d'administration d'aucun genre et vouloir jamais paraître à la cour. Si ce qu'on me propose ne me convient pas, retraite obscure et absolue; mais les demi-jours, les fausses positions ne sont pas dignes ni de mon nom ni de mon âme, ni supportables avec mon esprit.

      Je t'embrasse avec mes enfants et t'engage à être aussi contente que je le suis moi, au milieu des contrariétés qui m'assiègent, et j'éprouve bien aujourd'hui que ce lait nourricier d'une bonne et vraie philosophie n'est pas aussi stérile qu'on veut bien le dire, car, content de moi, je le suis de tout, et regarde en pitié toutes les passions étrangères qui s'agitent, sans me blesser, autour de moi.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 7 octobre 1810.

      Ma chère amie, je reçois ta lettre du 17. Je me porte bien, j'attends tes nouvelles et celles de Colette; mes affaires me paraissent aller bien mal à Paris où on ne sait pas le mal que l'on se fait à soi-même. L'avenir prouvera si j'ai raison.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 3 novembre 1810.

      Ma chère amie, j'ai reçu tes lettres des 9, 10, 12 octobre, renvoie-moi Gaspard avec des nouvelles sur les bruits qui courent ici et qui font présager de nouveaux changements pour moi; dis-moi ce qu'il en est, tu sais tout ce que je t'ai écrit. Si la retraite est possible, je la préfère à un nouveau trône; si cela est impossible, je préfère retourner à Naples plutôt que de faire une nouvelle royauté quelle qu'elle soit.

      La position des affaires ici est horrible et bientôt elle sera irrémédiable. L'empereur n'a rien répondu à tout ce que je lui ai écrit sur un sujet aussi important pour la gloire et le bonheur de deux grandes nations.

      Je t'embrasse avec mes enfants, je me porte bien.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 6 novembre 1810.

      Ma chère amie, j'ai reçu tes lettres des 12 et 14, je t'ai déjà écrit que c'est toi plus que moi qui peut décider s'il convient que tu viennes ici, ce voyage doit être entrepris ou différé selon que les affaires d'Espagne à Paris s'arrangent ou se brouillent, elles ne peuvent pas rester longtemps telles qu'elles sont, cette crise ne peut pas durer, il faut avancer ou reculer. Si je dois retourner en France, il est inutile que tu viennes en Espagne, si je dois rester en Espagne, il faut y venir. Mais, pour que je puisse y rester, il faut que l'empereur fasse ce que je lui ai écrit par la lettre dont était porteur M. d'Almenara, à laquelle il n'a pas répondu.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 16 novembre 1810.

      Ma chère amie, je reçois tes lettres des 22, 23 et 24, ma position est toujours la même, je suis ici bientôt un être parfaitement inutile; tous les généraux correspondent avec le major-général, prince de Neufchâtel. Les habitants s'exaspèrent tous les jours davantage, le peu de succès que j'avais obtenu est effacé tous les jours. L'empereur ne me répond pas, il ne me reste donc qu'à me retirer des affaires. Ma santé d'ailleurs toujours inaltérable commence à se ressentir de ma position équivoque, ridicule et bientôt déshonorante, si je la supportais plus longtemps.

      Occupes-toi donc de me trouver à louer une grande terre à cent lieues ou soixante lieues de Paris; je suis décidé à m'y rendre et de tout quitter, puisque je ne puis pas faire le bien ici et que tout ce que j'ai dit et fait jusqu'ici devient inutile.

      Joseph à Julie.

      Madrid, le 20 novembre 1810.

      Ma chère amie, j'ai reçu ta lettre du 28 octobre, ma position est toujours la même. J'attends Azanza pour prendre un parti décisif et finir le rôle honteux qu'on me fait jouer ici depuis mon retour de la conquête de l'Andalousie.

      Je t'embrasse avec mes enfants.

      Lucien a été mené prisonnier à Malte.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 24 novembre 1810.

      Ma chère amie, point d'estafette depuis deux jours. Je n'ai pas de nouvelles directes de Masséna et je ne suis pas sans inquiétude sur son armée. Je me porte bien, j'attends des nouvelles décisives de Paris. Je désire que tu charges James ou mieux encore Nicolas, de savoir s'il serait possible d'acquérir la terre de Montjeu à une lieue d'Autun, après s'être assuré que le château est encore habitable, à moins que tu ne préfères une terre en Provence, je désire un bois de chasse et de l'eau, c'est ce que je trouve à Montjeu; si tu préfères le midi, je te laisse le choix.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 28 novembre 1810.

      Ma chère amie, j'ai reçu ta lettre du 4, je me porte bien, les affaires sont ici dans le même état. Je suis toujours sans réponse à tout ce que j'ai écrit. Je ne pense pas pouvoir prolonger cet état humiliant au delà de cette année. Je te prie de remettre à M. Bouchard[28] l'incluse; engage-le à partir sur-le-champ et de me répondre de dessus les lieux. Il faut finir ceci d'une manière ou d'une autre; quoique je te dise que je me porte bien et que cela soit ainsi, cependant ma constitution n'est plus ce qu'elle était et je sens qu'elle ne résisterait pas à cet état de choses qui n'est pas fait pour un homme tel que moi, toute la puissance de l'empereur ne peut pas faire que je reste ici dans la position du dernier des polissons. Tu peux voir par la lettre ci-jointe comment un général français traite mes ministres. Un voleur effréné que j'ai renvoyé d'ici, il y a trois mois, y revient triomphant. Ce misérable a causé le massacre de plus de cent Français, victimes de l'exaspération des habitants de la province de Guadalaxara et Cuença où il commandait une colonne et où il ravageait tout. J'entre dans ces détails pour que tu saches bien qu'on me force au parti que je prends et que je n'en ai pas d'autre à prendre.

      Marius Clary doit être arrivé, j'attendrai la réponse à la lettre que je t'ai écrite par lui avant de partir.

      La fin de l'année 1810 et le commencement de 1811 ne furent pas plus favorables à Joseph; aussi voit-on ses lettres à la reine contenir sans cesse les mêmes plaintes, justifiées par la conduite de l'empereur à l'égard de l'Espagne.

      Joseph à Julie.

      Madrid, 8 janvier 1811.

      Ma chère amie, je reçois tes lettres du 14 et 16,