Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



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d’être guidée, se trouvait unie à un mari qui n’avait pour elle ni attachement ni aucune de ces attentions qui gagnent par degré un cœur aimant ; il la traitait même avec dureté. Oh ! qui pourrait ne pas la plaindre ; si elle avait eu seulement un ami pour l’avertir des dangers de sa situation ! mais la malheureuse Elisa ne trouva qu’un séducteur qui la conduisit à sa perte… Si j’étais resté en Angleterre peut-être… mais je croyais assurer son bonheur par mon absence bien plus que par ma présence, et dans le seul motif de rendre la paix à son cœur, je la prolongeai plus que je n’aurais dû. Ce que j’avais ressenti en apprenant son mariage n’était rien auprès de ce que j’éprouvai lorsque deux ans après j’appris son divorce, demandé par un époux justement outragé. C’est là ce qui m’a jeté dans cette tristesse que je n’ai pu vaincre… même actuellement le souvenir de ce que j’ai souffert…

      Il ne put continuer, et se levant il se promena vivement dans le salon pendant quelques minutes. Elinor affectée par ce récit, et plus encore par l’émotion qu’il lui avait causée, ne pouvait lui parler ; après quelques instans elle fut à lui, et le conjura de cesser une narration qui lui faisait autant de peine. Non, lui dit-il, après avoir baisé sa main avec un tendre respect, il faut que vous sachiez tout ; je n’ai pas touché encore ce qui peut vous intéresser ; daignez m’écouter quelques instans de plus : ils se rassirent à côté l’un de l’autre, et il reprit ainsi.

      Je fus encore trois années depuis ce malheureux événement sans retourner en Angleterre. Mon premier soin quand j’arrivai fut de la chercher, mais mes recherches furent vaines. Je ne pus arriver qu’à son premier séducteur, qu’elle avait abandonné, et tout donnait lieu de penser que dès lors elle s’était toujours plus enfoncée dans le mal. Mon frère en se séparant d’elle pour raison d’inconduite, n’avait pas été obligé de lui rendre toute sa fortune, et ce qu’il lui donnait annuellement ne pouvait lui suffire. J’appris de lui qu’une autre personne s’était présentée pour toucher cette rente ; il imaginait donc, et avec un calme dont je fus révolté, que ses extravagances l’avaient obligée de disposer dans un moment de pressant besoin de la seule chose qui lui restât pour vivre. Je ne pus supporter cette idée ; ma cousine, l’amie de mon enfance, l’amante de ma jeunesse, ma sœur, mon Elisa réduite à la misère, me poursuivait sans relâche. Je recommençai de nouveau mes recherches dans tous les lieux où le malheur et le désespoir pouvait l’avoir conduite, sûr qu’elle n’était pas morte, puisque son annuité se payait encore. L’individu qui la touchait ne put me donner que des renseignemens obscurs. Enfin après six mois de courses inutiles, je la trouvai par hasard. J’appris qu’un ancien domestique de mon père avait eu du malheur et venait d’être enfermé pour dettes ; j’allai le délivrer, et dans la même maison d’arrêt, et pour la même cause, était aussi mon infortunée sœur, si changée, si flétrie par des peines de toute espèce, qu’à peine pus-je la reconnaître. Ce fut elle qui me reconnut à l’instant, et qui me nommant avec un cri déchirant et en se cachant le visage entre les mains, m’apprit que j’avais devant moi l’objet de tant de recherches : cette figure si maigre, si triste, où l’on voyait à peine quelque trace de beauté, c’était mon Elisa, c’était celle que j’avais adorée, et quittée dans la fleur de la jeunesse, de la santé, d’une surabondance de vie et de sentimens. Ce que je souffris en la retrouvant ainsi !… Mais non, je n’ai pas le droit d’exciter votre sensibilité pour une étrangère, quand vous avez assez de vos peines ; je me suis même trop étendu sur un sujet si douloureux. Suivant les apparences, Elisa était au dernier degré de la consomption, et son malheur et le mien étaient au point, que ce fut une consolation. La vie ne pouvait plus avoir d’autre prix pour elle, que celui de lui donner le temps de se préparer à la mort, et ce temps lui fut accordé. Ce jour même elle fut placée dans un bel appartement, entourée de tous les soins nécessaires : je la visitai chaque jour pendant le reste de sa courte vie, et je reçus son dernier soupir.

      Il s’arrêta encore. Elinor lui témoigna avec l’expression la plus sincère, la part qu’elle prenait au triste sort de son amie.

      Votre sœur, j’espère, dit-il, ne peut-être offensée par la ressemblance qui m’a frappé entre elle et ma pauvre infortunée parente. Leur destin ne peut jamais avoir le moindre rapport, et si les dispositions naturelles de mon Elisa avaient été soutenues par une sœur comme Elinor, ou par un heureux mariage, elle aurait été sûrement tout ce que Maria sera un jour, quand cet orage de son cœur aura dissipé les illusions, trop romanesques peut-être, mais bien séduisantes, auxquelles son imagination s’est livrée. Mais à quoi mène cette déplorable histoire ? Allez vous penser. Peut-être à avancer le moment où votre sœur bannira de sa pensée celui qui ne la méritait pas ; pardonnez donc, si dans ce but j’ai risqué de vous faire partager la pénible émotion que ce récit m’a donné. Depuis quinze ans que j’ai fermé les yeux d’Elisa, c’est la première fois que ce nom toujours présent à ma pensée est sorti de ma bouche ; je n’ai pas même voulu que sa fille le portât.

      — Sa fille ! interrompit Elinor, serait-ce ?…

      — Madame Jennings vous a peut-être parlé de miss Williams ? J’ai vu par quelques mots qu’elle connaissait son existence et le tendre intérêt que je prends à cette jeune personne, qui ne sera pas hélas ! plus heureuse que celle qui lui fit le triste présent de la vie sous de si fâcheux auspices. Cette enfant fruit de sa coupable liaison, âgée de trois ans, était avec elle ; elle la chérissait et ne l’avait point quittée, ce qui m’a prouvé qu’elle était vraie lorsqu’elle m’a juré qu’elle n’avait pas d’autre faute à se reprocher, et que le repentir seul lui avait fait quitter le père de cet enfant. Elle me le dit encore en expirant et en me recommandant sa fille, que je promis de regarder comme si elle était la mienne. Je sentis tout le prix de sa confiance, et je lui aurais bien volontiers servi de père dans le sens le plus strict, en veillant moi-même sur son éducation, si ma situation me l’avait permis, mais je n’avais, ni famille, ni demeure qui m’appartinssent ; ainsi je fus forcé de placer ma petite pupille dans une pension, sous le nom de Caroline Williams ; ce dernier est mon nom de baptême que je me plus, à lui donner. Je la vis aussi souvent qu’il me fut possible, et depuis la mort de mon frère, arrivée il y a cinq ans, qui me laissa la propriété de tous les biens de la famille, elle m’a souvent visite à Delafort. Je la présentais comme une parente dont j’avais été nommé le tuteur, mais je me doute qu’on a soupçonné dans le monde qu’elle me tenait de plus près. Résolu de la traiter comme ma fille, je n’ai pas démenti ce bruit, puisqu’également sa naissance n’était ni légitime ni avouée. Il y a trois ans que la trouvant grande et formée pour son âge, (elle avait alors quatorze ans), je l’ôtai de la pension où elle était depuis la mort de sa mère, pour la placer sous les soins d’une femme très-respectable qui réside en Dorsetshire, et s’est chargée de surveiller l’éducation de cinq ou six jeunes personnes. Pendant deux ans je fus parfaitement content de ma fille adoptive. Aussi jolie que sa mère, elle paraissait plus posée, plus calme : sa maîtresse qui l’aimait beaucoup avait en elle tant de confiance, qu’elle me sollicita de lui permettre de passer quelques semaines à Bath, avec les parens de l’une de ses jeunes amies qui désiraient sa société pour leur fille. Je connaissais cette famille sous un jour avantageux. La santé de Caroline avait toujours été délicate ; je pensais que cette course et les bains la fortifieraient, et j’eus l’imprudence d’y consentir : c’est là sans doute où elle fit la connaissance qui lui a été si fatale ! J’ai su depuis que le père de son amie ayant été retenu par la goutte à la maison, était soigné par sa femme, et que les deux jeunes amies allaient seules dans les promenades ou à leurs emplettes du matin. Quoique l’amie de Caroline n’ait jamais voulu convenir de rien, j’ai lieu de croire qu’elle était confidente de son inclination et la favorisait. De retour à leur pension, Caroline ne fut plus la même ; rêveuse, inégale, inattentive, elle s’échappait souvent pour se promener seule dans les environs : la maîtresse la menaça de m’avertir. Enfin au mois de février, il y a à présent une année, elle sortit un jour comme à l’ordinaire, et ne revint pas. Après un jour ou deux passés en recherches inutiles, je fus averti de sa disparition. J’accourus, et tout ce que je pus apprendre c’est qu’elle s’en était allée. Pendant