Название | Jane Austen: Oeuvres Majeures |
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Автор произведения | Джейн ОÑтин |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788027302383 |
— Souvent à faire beaucoup de mal, dit Elinor, à dire plus qu’on ne sait, plus qu’il n’y a. Le public juge sur l’événement, ignore les circonstances et parle de ce qu’il ne sait qu’imparfaitement. Dans ce cas par exemple, tous nos amis, je suppose, blâmeront beaucoup M. Willoughby ; et sans doute il a eu des torts, mais non pas celui dont on l’accusera sûrement. Je dois lui rendre la justice que s’il a manqué aux procédés il n’a pas manqué à ses sermens, et qu’il n’avait nul engagement positif avec ma sœur. — Bon Dieu, ma chère, vous n’allez pas à présent le défendre ! Point d’engagement positif, dites-vous ! Après l’avoir menée au château d’Altenham, et lui avoir montré l’appartement qu’ils devaient habiter un jour.
Pour l’amour de sa sœur, Elinor ne voulut pas presser cette discussion. Maria pouvait y perdre, et Willoughby y gagnait très-peu. Après un court silence madame Jennings reprit la parole avec son hilarité ordinaire.
— Eh bien ! ma chère, il n’y a pas grand perte dans le fond, et le colonel Brandon n’en sera pas fâché. Voulez-vous parier qu’il épousera Maria vers le milieu de l’été. Mon Dieu, quelle joie va lui donner cette nouvelle ! j’espère qu’il viendra ce soir, j’aime à voir des gens heureux. C’est un bien meilleur parti pour votre sœur ; deux mille pièces de revenu valent mieux que six cents : c’est je crois tout ce que rapporte Haute-Combe, et madame Smith n’est pas encore morte. Delafort, la terre du colonel, est bien autre chose que Haute-Combe, et même que Barton. Il y vient les meilleurs fruits possibles ; il y a un canal délicieux, une grande route, une jolie église, qui n’est pas à un quart de mille, et le presbytère à côté, qui peut faire un bon voisinage. Je vous assure que c’est une charmante terre ; je me réjouis d’y aller voir Maria quand elle y sera établie, et cela ne peut manquer. Il y a bien l’obstacle de sa fille, de cet enfant de l’amour, miss Williams, comme on l’appelle ; mais il la mariera ; une bonne petite dot en fera l’affaire, et il n’en sera pas moins un excellent parti, si nous pouvons mettre Willoughby hors de la tête de votre sœur.
— J’espère bien que nous y parviendrons, madame, et même sans le colonel, dit Elinor ; alors elle se leva et alla joindre Maria, qu’elle trouva comme elle s’y attendait rêvant à ses chagrins, à côte d’un feu à demi-éteint, et sans autre lumière.
— Pourquoi revenir, Elinor ? vous feriez mieux de me laisser, ce fut tout ce qu’elle lui dit.
— Je vous laisserai, lui répondit-elle, si vous voulez vous coucher. Elle s’y refusa d’abord ; mais Elinor ne se rebuta pas, la pressa doucement, lui aida à se déshabiller, et moitié par persuasion, moitié par complaisance Maria y consentit. Sa sœur eut la consolation de voir sa pauvre tête fatiguée de pleurs sur son oreiller, et de la laisser sur le point de trouver un peu de repos et d’oubli de ses peines dans un doux sommeil. Elle alla rejoindre madame Jennings, et la rencontra tenant un gobelet à moitié plein. Ma chère, lui dit-elle, je me suis rappelé que j’avais encore une bouteille de vieux vin de Constance, et je suis allée la chercher pour votre sœur. Mon pauvre mari en faisait un grand usage quand il avait une goutte remontée : il assurait que rien ne lui faisait plus de bien. Faites en prendre à votre sœur ; j’allais lui en porter. Chère dame, dit Elinor en souriant de l’efficacité d’un remède contre la goutte dans cette circonstance, vous êtes trop bonne, en vérité. Je viens de faire mettre Maria au lit, elle dort j’espère à ce moment, et rien ne peut lui faire plus de bien que le repos. Si vous voulez me le permettre, dit-elle en prenant le gobelet, c’est moi qui boirai cet excellent vin à la santé de la meilleure des femmes et des amies.
— Et à celle de la pauvre petite malade d’amour, dit la bonne dame. N’est-il pas bon ? Je vous le dis, il la guérira et fortifiera son cœur ; nous lui en donnerons demain, et tout ira à merveille.
Quelques momens après la société attendue arriva. Madame Jennings les reçut, et Elinor alla présider à la table à thé.
CHAPITRE XXXI.
Ainsi que madame Jennings l’avait prévu, le colonel Brandon entra pendant qu’Elinor préparait le thé, et par sa manière de regarder autour de la chambre, elle comprit à l’instant qu’il s’attendait à n’y pas trouver Maria, qu’il le désirait et qu’il savait déjà ce qui occasionnait son absence. Madame Jennings n’eut pas la même idée, car dès qu’il fut entré, elle traversa la chambre, vint près de la table à thé où Elinor présidait, et lui dit à l’oreille : le colonel a l’air bien sérieux, ma chère, sûrement il ne sait rien de l’affaire. Dites-lui bien vite que Maria est libre ; vous verrez comme il changera de physionomie. Elinor sourit sans répondre. Quelques momens après le colonel s’approcha d’elle, et avec un regard qui lui confirma qu’elle n’avait rien à lui apprendre, il s’assit à côté d’elle et lui demanda des nouvelles de sa sœur.
— Maria n’est pas bien, dit-elle, elle a été indisposée tout le jour, et nous lui avons persuadé de se mettre au lit.
— Peut-être, dit-il en hésitant beaucoup, ce que j’ai entendu dire ce matin… peut-être est-ce plus vrai que je n’ai d’abord voulu le croire ?
— Qu’avez-vous entendu dire ?
— Qu’un gentilhomme que j’avais de fortes raisons de penser… de croire… d’être sûr même qu’il était engagé… avec votre sœur. Mais pourquoi me le demander ? vous le savez, j’en suis certain. Je l’ai vu en entrant à l’altération de vos traits, à l’absence de votre sœur ; épargnez-moi la peine de le dire.
— Eh bien donc ! dit Elinor, je suppose que vous entendez le mariage de M. Willoughby avec mademoiselle Grey ; il paraît que c’est aujourd’hui que ce bruit a éclaté, où l’avez vous appris ?
— Dans un magasin à Pall-Mall où j’avais affaire. Deux dames en parlaient ensemble si haut qu’il m’était impossible de ne pas les entendre. Le nom de James Willoughby fréquemment répété attira mon attention ; celui de mademoiselle Grey s’y joignit, et fut suivi d’une assertion positive de leur mariage, qui doit avoir lieu dans quelques semaines. Aussitôt que la cérémonie sera faite, a ajouté l’une d’elles, ils partiront pour Haute-Combe, la terre que M. James Willoughby possède en Sommerset-Shire… Ah ! miss Elinor, mon étonnement à cette nouvelle… Mais il me serait impossible d’exprimer ce que j’ai senti. Cette dame, à ce que j’ai appris, se nomme Elison, son mari est tuteur de mademoiselle Grey ; ainsi elle doit-être bien informée, et l’on ne peut en douter.
— Nous n’en doutons nullement, dit Elinor ; mais vous a-t-on dit aussi qu’elle a cinquante mille livres ? Il me semble que ce mot explique tout.
— Peut-être, mais n’excuse rien, dit le colonel, et Willoughby… Il s’arrêta un moment, et sans achever sa phrase commencée, il ajouta en changeant de ton : Et votre sœur, comment est-elle ?
— Elle a beaucoup souffert, mais j’ai l’espoir que plus son chagrin a été violent, plus il sera court ; elle a été, et elle est encore dans une cruelle affliction. Jusqu’à hier elle n’avait eu je crois aucun doute sur ses sentimens et même actuellement elle voudrait encore pouvoir le justifier. Quant à moi je suis presque convaincue qu’il ne lui a jamais été réellement attaché. Mais combien il a été trompeur, artificieux, et même en dernier lieu il a montré une dureté de cœur qui m’a excessivement surprise. — L’habitude d’avoir, ou de feindre de l’amour pour toutes les jolies femmes qu’on rencontre doit produire cet effet, reprit le colonel, et Willoughby… Mais ne disiez-vous pas que votre sœur ne voit pas sa conduite sous le même jour que vous. — Vous connaissez l’extrême sensibilité de Maria, colonel ; il lui en coûte trop de condamner sévèrement quelqu’un qu’elle a autant aimé.
Il