Название | Jane Austen: Oeuvres Majeures |
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Автор произведения | Джейн ОÑтин |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788027302383 |
Au commencement de février, quinze jours après la réception de la lettre de Willoughby, Elinor eut la pénible tâche d’apprendre à sa sœur qu’il était marié. Elle avait prié madame Jennings, qui savait tout par madame Palmer, de l’informer dès que la cérémonie aurait eu lieu, pour que Maria ne l’apprît pas par les papiers qu’elle lisait tous les matins avec empressement.
Elle reçut cette nouvelle avec un calme affecté, auquel on voyait qu’elle s’était préparée. Elle ne fit nulle observation, elle ne versa point de larmes ; mais elle s’enferma dans sa chambre toute la matinée, et quand elle en sortit, elle était presque dans le même état que le jour qu’elle reçut la fatale nouvelle.
Les nouveaux époux quittèrent la ville dès qu’ils furent mariés. Elinor fut soulagée de sentir qu’il n’y avait plus de danger de les rencontrer, et que sa sœur, qui n’était pas sortie une seule fois de la maison depuis son chagrin, pourrait au moins prendre l’air, se promener, et reprendre par degrés sa vie accoutumée.
Peu de jours après, les deux demoiselles Stéeles arrivèrent chez un de leurs modestes parens à Holborn ; mais elles n’eurent rien de plus pressé que de se présenter chez leurs connaissances du bon ton, chez leur cousine milady Middleton, et à Berkeley-Street chez leur tante madame Jennings. Elles y furent reçues avec cordialité, quoique la politesse de lady Middleton eût une nuance de protection de plus qu’elle n’avait à Barton. Elinor fut la seule qui dans le fond de son cœur fût fâchée de les voir ; la présence de Lucy lui faisait éprouver une véritable peine ; elle ne savait comment répondre à ses exagérations de fausse amitié qui la rendaient toujours plus méprisable — J’aurais été désespérée, ma chère miss Dashwood, de ne pas vous trouver encore ici, lui disait-elle, en pesant sur ce mot avec emphase ; mais j’avais toujours espéré que vous y seriez. J’étais sûre que vous resteriez à Londres, au moins tout le mois de février, quoique vous m’eussiez dit et assuré à Barton que vous repartiriez avant ; mais déjà alors j’étais convaincue que vous changeriez d’idée. Il aurait été cruel, il est vrai, de partir avant l’arrivée de votre frère, de votre belle-sœur… et de la famille. Actuellement je suis sûre que vous n’êtes pas du tout pressée de vous en aller. Je suis au comble de la joie que vous n’ayez pas tenu votre parole.
Elinor la comprit parfaitement, et mit en usage toute la force de son esprit pour qu’elle ne s’en aperçût pas. — Je suppose que vous irez demeurer avec monsieur et madame John Dashwood dès qu’ils seront à la ville, reprit Lucy avec affectation.
— Non, je ne le crois pas, répondit Elinor.
— Oh ! oui, oui, j’en suis sûre, il en sera tout de même que de votre retour à la Chaumière au bout d’un mois. Elinor lui laissa croire ce qu’elle voulait et ne répondit rien.
— Comme c’est délicieux pour vous, chère Elinor, que votre maman vous permette une si longue absence et puisse se passer de vous aussi long-temps.
— Aussi long-temps ! s’écria madame Jennings ; ne dites donc pas cela, Lucy ; leur visite ne fait que de commencer.
Lucy se tut avec l’air mécontent.
— Je suis fâchée que nous ne puissions pas voir votre sœur, dit mademoiselle Anna, est-ce qu’elle est malade ? On prétend qu’elle a ses raisons, et je les comprends bien. On ne trouve pas facilement un homme tel que M. Willoughby, et c’est vraiment une grande perte. Elle est donc bien désolée, la pauvre Maria ?
— Elle le sera certainement, mesdames, de n’avoir pas le plaisir de vous voir, dit Elinor avec une noble simplicité ; elle a aujourd’hui un très-grand mal de tête qui la force à garder sa chambre.
— Un mal de tête ! quel malheur ! je la plains beaucoup je vous assure ; mais ne pourrait-elle pas également voir d’anciennes amies de campagne comme nous, avec qui elle peut ouvrir son cœur en entier ? Rien ne soulage mieux : nous allons monter chez elle.
— Je crois, dit Elinor un peu sèchement, que pour la migraine le silence et le repos valent mieux. Elle commençait à les trouver impertinentes au point qu’elle ne pouvait presque plus se modérer. Lucy lui épargna la peine d’une réprimande ; elle en fit une très-sèche à sa sœur ainée sur son manque d’usage et de politesse. Elinor trouva que celle qui grondait aurait mieux encore mérité la gronderie, et la vit partir avec plaisir.
CHAPITRE XXXIV.
Après quelques oppositions, Maria céda aux prières de sa sœur et consentit à sortir un matin avec elle et avec madame Jennings pour une demi-heure. Elle y mit la condition de ne faire aucune visite et d’accompagner seulement sa sœur jusques chez le fameux bijoutier Grays, à Pakeville-Street, où Elinor voulait changer quelques vieux diamans de sa mère contre des bijoux plus à la mode.
Quand elles arrivèrent à la porte, madame Jennings se rappela qu’il y avait à l’autre bout de la rue une dame de sa connaissance qu’elle désirait de voir, et comme elle n’avait rien