Название | P'tit-bonhomme |
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Автор произведения | Jules Verne |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066074326 |
Un jour, cependant, très anxieux, il voulut en causer avec son ami Grip.
«Grip, lui demanda-t-il, as-tu entendu quelquefois parler de l'enfer?
Après avoir fait un trou dans le sable. (Page 47.)
—Quèqu'fois, p'tit!
—Où se trouve-t-il, l'enfer?
—J' sais pas.
—Dis donc... si on y brûle les enfants qui sont méchants, on y brûlera Carker?...
—Oui... et à grand feu!
—Moi... Grip... je ne suis pas méchant, dis?
—Toi?... méchant?... Non... j' crois pas!
—Alors, je ne serai pas brûlé?...
—Pas même d'un ch'veu!
—Ni toi, Grip?...
—Ni moi... bien sûr!»
Et Grip crut bon d'ajouter qu'il n'en valait pas la peine, étant si maigre qu'il n'eût fait qu'une flambée.
Voilà tout ce que P'tit-Bonhomme savait de Dieu, tout ce qu'il avait appris du catéchisme. Et pourtant, dans la simplicité, dans la naïveté de son âge, il sentait confusément ce qui était bien et ce qui était mal. Mais, s'il ne devait pas être puni suivant les préceptes de la vieille femme de la ragged-school, il risquait fort de l'être suivant les préceptes de M. O'Bodkins.
En effet, M. O'Bodkins n'était guère content. P'tit-Bonhomme ne figurait pas sur ses livres à la colonne des recettes tout en figurant à la colonne des dépenses. Voilà un gamin qui coûtait... Oh! pas grand'chose, M. O'Bodkins!—et qui ne produisait pas! Au moins les autres, mendiant et rapinant, subvenaient-ils en partie aux frais de logement et de nourriture, tandis que cet enfant ne rapportait rien.
Un jour, M. O'Bodkins lui en fit de très vifs reproches, en dardant sur lui un regard sévère à travers ses lunettes.
P'tit-Bonhomme eut assez de force pour ne point pleurer, en recevant cette admonestation que M. O'Bodkins lui adressait au double titre de comptable et de directeur.
«Tu ne veux rien faire?... lui dit-il.
—Si, monsieur, répliqua l'enfant. Dites-moi... que voulez-vous que je fasse?
—Quelque chose qui paye ce que tu coûtes!
—Je voudrais bien, mais je ne sais pas.
—On suit les gens dans la rue... on leur demande des commissions...
—Je suis trop petit, et on ne veut pas.
—Alors, on cherche dans les tas, au coin des bornes! Il y a toujours quelque chose à trouver...
—Les chiens me mordent, et je ne suis pas assez fort... Je ne peux pas les chasser!
—Vraiment!... As-tu des mains?...
—Oui.
—Et as-tu des jambes?
—Oui.
—Eh bien, cours sur les routes après les voitures, et attrape des coppers, puisque tu ne peux pas faire autre chose!
—Demander des coppers!»
Et P'tit-Bonhomme eut un haut-le-cœur, tant cette proposition révolta sa fierté naturelle. Sa fierté! oui! c'est le mot, et il rougissait à la pensée de tendre la main.
«Je ne pourrais pas, monsieur O'Bodkins! dit-il.
—Ah! tu ne pourrais pas?...
—Non!
—Et pourras-tu vivre sans manger?... Non! n'est-ce pas!... Je te préviens pourtant qu'un jour ou l'autre, je te mettrai à ce régime-là, si tu n'imagines pas un moyen de gagner ta vie!... Et maintenant, file!»
Gagner sa vie... à quatre ans et quelques mois! Il est vrai qu'il la gagnait déjà chez le montreur de marionnettes, et de quelle façon! L'enfant «fila» très accablé. Et qui l'eût vu dans un coin, les bras croisés, la tête basse, aurait été pris de pitié. Quel fardeau était la vie pour ce pauvre petit être!
Ces petiots, quand ils ne sont pas abrutis par la misère dès le bas âge, on ne saurait s'imaginer ce qu'ils souffrent, et on ne s'apitoiera jamais assez sur leur sort!
Et puis, après les admonestations de M. O'Bodkins, venaient les excitations des polissons de l'école.
Cela les enrageait de sentir ce garçon plus honnête qu'eux. Ils avaient plaisir à le pousser au mal, et ne lui épargnaient ni les perfides conseils ni les coups.
Carker, surtout, ne tarissait pas à cet égard, et il y mettait un acharnement qui s'expliquait par sa perversité.
«Tu ne veux pas demander la charité? lui dit-il un jour.
—Non, répondit d'une voix ferme P'tit-Bonhomme.
—Eh bien, sotte bête, on ne demande pas... on prend!
—Prendre?...
—Oui!... Quand on voit un monsieur bien mis, avec un mouchoir qui sort de sa poche, on s'approche, on tire adroitement le mouchoir, et il vient tout seul.
—Laisse-moi, Carker!
—Et quelquefois, il y a un porte-monnaie qui arrive avec le mouchoir...
—C'est voler, cela!
—Et ce n'est pas des coppers qu'on trouve dans ces porte-monnaies de riches, ce sont des shillings, des couronnes, et aussi des pièces d'or, et on les rapporte, on les partage avec les camarades, mauvais propre à rien!
—Oui, dit un autre, et on fait la nique aux policemen en s'ensauvant.
—Ensuite, ajouta Carker, quand on irait en prison, qu'est-ce que ça fait? On y est aussi bien qu'ici—et même mieux. On vous y donne du pain, de la soupe aux pommes de terre, et on mange tout son content.
—Je ne veux pas... je ne veux pas!» répétait l'enfant, en se débattant au milieu de ces vauriens, qui se le renvoyaient de l'un à l'autre comme une balle.
Grip, étant entré dans la salle, se hâta de l'arracher des mains de la bande.
«Allez-vous m' laisser ce p'tit tranquille!» s'écria-t-il en serrant les poings.
Cette fois, il était vraiment en colère, Grip.
«Tu sais, dit-il à Carker, j' tape pas souvent, n'est-ce pas, mais quand je m' mets à taper...»
Après que ces garnements eurent laissé leur victime, quel regard ils lui jetèrent, comme ils se promirent de recommencer, dès que Grip ne serait plus là, et même, à la prochaine occasion, de «leur faire leur affaire» à tous les deux!
«Bien sûr, Carker, tu seras brûlé! dit P'tit-Bonhomme, non sans une certaine commisération.
—Brûlé?...
—Oui... en enfer... si tu continues à être méchant!»
Réponse qui excita les railleries de toute cette bande de mécréants. Que voulez-vous? le rôtissement de Carker, c'était une idée fixe chez P'tit-Bonhomme.
Toutefois, il était à craindre que l'intervention de Grip en sa faveur ne produisît