Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique. Albert Robida

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Название Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique
Автор произведения Albert Robida
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066074876



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phonogrammes de conférences envoyés à Estelle. Elle fut interloquée par cette façon de recevoir les visiteurs.

      D'EXAMENS EN EXAMENS

      «En voilà un sans-gêne, par exemple! s'écria-t-elle; ne pas daigner se déranger soi-même, faire recevoir par un phonographe les gens qui ont pris la peine de se déranger en personne... je trouve cela un peu faible comme politesse. Enfin!

      —Je suis en Écosse, très occupé par une importante affaire, poursuivit le phonographe, mais ayez l'obligeance de parler...»

      VISITE DE Mme LACOMBE A L'HOTEL PHILOX LORRIS.

      Mme Lacombe ignorait que Philox Lorris était toujours en Écosse ou ailleurs d'abord, pour toutes les visites, mais qu'un fil lui transmettait dans son cabinet le nom du visiteur. Alors, s'il lui plaisait de le recevoir, il pressait un bouton, le phonographe de la salle de réception invitait l'arrivant à prendre telle porte, tel ascenseur et ensuite tel couloir et encore telle porte qui s'ouvrirait d'elle-même.

      «Je suis Mme Lacombe. Mon mari, inspecteur des phares alpins, m'a chargée de vous présenter tous ses remerciements... de vifs remerciements...»

      Mme Lacombe balbutiait; la chère dame, pourtant bien rarement prise à court, ne trouvait plus rien à dire à ce phonographe. Elle se proposait de gagner Philox Lorris par ses manières élégantes, par le charme de sa conversation, mais elle n'était pas préparée à cette entrevue avec un phono.

      «CONTINUEZ, J'ÉCOUTE!» DIT LE PHONOGRAPHE.

      «Oui, vous êtes en Écosse comme moi, je m'en doute! dit-elle en se levant fortement dépitée; vous êtes un ours, monsieur, je l'avais déjà entendu dire et je m'en aperçois, un triple ours et un impoli, avec votre phonographe; si vous croyez que je vais prendre la peine de causer avec votre machine...

      —Continuez, j'écoute! dit le phonographe.

      —Il écoute! fit Mme Lacombe, on n'a pas idée de ça; croyez-vous que j'aie fait deux cents lieues pour avoir le plaisir de faire la conversation avec vous, monsieur le phonographe? Tu peux écouter, mon bonhomme! Je m'en vais? Oui, Philox Lorris est un ours; mais son fils, M. Georges Lorris, est un charmant garçon qui ne lui ressemble guère heureusement!... Il doit tenir ça de sa maman; la pauvre dame n'a sans doute pas beaucoup d'agrément avec son savant de mari; j'ai entendu vaguement parler de bisbilles de ménage... Évidemment, avec ses phonographes, c'est cet ours de mari qui avait tous les torts.

      —C'est tout? dit le phonographe; c'est très bien, j'ai enregistré...

      —Ah! mon Dieu! s'écria Mme Lacombe soudain effrayée, il a enregistré; Qu'ai-je fait?... Je n'y pensais pas, il parlait, mais en même temps il enregistrait! Ce phonographe va répéter ce que j'ai dit! C'est une trahison!... Mon Dieu, que faire? Comment effacer? Oh! l'abominable machine! Comment la tromper?... Aoh! je volais vous dire... Je suis une dame anglaise, mistress Arabella Hogson, de Birmingham, venue pour apporter un témoignage d'admiration à l'illustre Philox Lorris...»

      «AH! MON DIEU!... IL A MON PORTRAIT MAINTENANT!»

      Mme Lacombe fouilla fébrilement dans le petit sac qu'elle tenait à la main, elle en tira une tapisserie de pantoufles qu'elle venait d'acheter pour M. Lacombe et la déposa sur le phonographe.

      «Tenez, c'est une paire de pantoufles que j'ai brodées moi-même pour le grand homme... Vous n'oublierez pas mon nom, mistress... Ah! mon Dieu, fit-elle, en voilà bien d'une autre, il y a un petit objectif au phono, le visiteur est photographié! Il a mon portrait maintenant... Tant pis, je me sauve!»

      Elle se dirigea vers la porte, mais elle revint vite.

      «J'allais mettre le comble à mon impolitesse, partir sans prendre congé; que penserait-on de moi?... Heureuse et fière d'avoir eu un instant de conversation avec l'illustre Philox Lorris, malgré les interruptions d'une dame anglaise très ennuyeuse, son humble servante met toutes ses civilités aux pieds du grand homme! prononça-t-elle en se penchant vers le phonographe.

      —J'ai bien l'honneur de vous saluer,» répondit l'appareil.

      Mme Lacombe, bien qu'elle ne se démontât pas facilement, rentra tout émue à Lauterbrunnen et ne se vanta pas de sa visite.

      Quelque temps après, Estelle passa son dernier examen pour l'obtention du grade d'ingénieure. Elle avait confiance maintenant, elle se trouvait bien préparée, bien ferrée sur toutes les parties du programme, grâce aux conseils de Georges Lorris et à toutes les notes qu'il lui avait communiquées. Elle partit donc avec tranquillité pour Zurich, se présenta comme tous les candidats et candidates à l'Université et, forte des bonnes notes obtenues à l'examen écrit, affronta l'examen oral sans trop de battements de cœurs cette fois.

      Aux premières questions tombant du haut des imposantes cravates blanches de ses juges, l'aplomb inhabituel et tout factice de Mlle Estelle l'abandonna tout à coup; elle rougit, pâlit, regarda en l'air, puis à terre en hésitant... Enfin, par un violent effort de volonté, elle parvint à retrouver assez de sang-froid pour répondre. Mais toutes ces matières qu'elle avait étudiées avec tant de conscience se brouillaient maintenant dans sa tête; elle confondit tout ce qu'elle savait pourtant si bien et répondit complètement de travers. Quelle catastrophe! le fruit de tant de travail était perdu! Des zéros et des boules noires sur toute la ligne, voilà ce qu'elle obtint à cet examen décisif.

      Sa désolation fut grande; dans son trouble, elle oublia que sa mère, certaine de son triomphe, devait la venir chercher à Zurich; elle prit bien vite son aérocab et, à peine rentrée, courut se renfermer dans sa chambre pour pleurer à l'aise, après avoir chargé le phonographe du salon d'apprendre à ses parents son échec.

      Elle était ainsi plongée dans son chagrin depuis une demi-heure, lorsque la sonnerie d'appel du téléphonoscope retentit à son oreille. Elle mit la main en hésitant sur le bouton d'arrêt.

      «Qui est-ce? se dit-elle en s'essuyant les yeux; tant pis si ce sont des amis qui viennent s'informer du résultat de mon examen, je ne reçois pas, je les renvoie à maman.

      —Allô! allô! Georges Lorris,» dit l'appareil.

      Estelle pressa le bouton, Georges Lorris apparut dans la plaque.

      «Eh bien? dit-il, comment! des larmes, mademoiselle, vous pleurez?... Cet examen?

      —Manqué! s'écria-t-elle, essayant de sourire, encore manqué!

      —Ces bourreaux d'examinateurs vous ont donc demandé des choses extraordinaires?

      —Mais non, fit-elle, et j'en suis d'autant plus furieuse contre moi!... Les questions étaient difficiles, mais je pouvais répondre, je savais... grâce à vous...

      —Eh bien?

      —Eh bien! ma déplorable timidité m'a perdue; devant mes juges, je me suis troublée, embrouillée, j'ai tout confondu... et j'ai été écrasée sous les boules noires...

      ELLE RÉPONDIT COMPLÈTEMENT DE TRAVERS.

      —Ne pleurez pas, vous vous présenterez une autre fois et vous serez plus heureuse. Voyons, Estelle, ne pleurez pas... je ne veux pas... je ne puis vous voir pleurer!... Voyons donc, je vous en prie, Estelle, ma chère petite Estelle...

      —Comment! ma chère petite Estelle? s'écria une voix derrière la jeune