Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique. Albert Robida

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Название Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique
Автор произведения Albert Robida
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066074876



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ou le véloce aérien pour se retrouver une après-midi dans le mouvement mondain, pour se montrer à quelques six o'clock élégants, où, tout en prenant les anti-anémiques à la mode, on passe en revue tous les petits potins du jour, on s'imprègne de toutes les médisances et calomnies qui sont dans l'air. Ou bien Mme Lacombe s'en allait un peu boursicoter, tâcher de mettre à flot son budget trop souvent chargé d'excédents de dépenses, par quelques bénéfices réalisés à la Bourse. L'agente de change qui la guidait se trompait souvent et le budget de ménage s'équilibrait à grand'peine. M. Lacombe n'avait pour tout revenu que ses appointements, 35,000 francs et le logement, juste de quoi vivoter à la campagne, en se contraignant à une sévère économie. Dure nécessité, d'autant plus que Mme Lacombe aimait aussi à magasiner, et qu'au lieu de se faire montrer par Télé, sans se déranger, les étoffes ou les confections dont elle et sa fille pouvaient avoir besoin, elle préférait courir les grands magasins de Paris et vite filer en tube ou en véloce aérien pour la moindre occasion, pour une idée de ruban qui lui passait par la tête.

      LES TUBES

       (VUE PRISE EN AERONEF A 700 MÈTRES).

      Cette modeste situation se fût améliorée si Mme Lacombe avait eu ses brevets. Par malheur, au temps de sa jeunesse, en 1930, les exigences de la vie étant moindres, son éducation avait été négligée. Elle n'était pas ingénieure; ne possédant que ses diplômes de bachelière ès lettres et ès sciences, elle n'avait pu entrer dans les Phares avec son mari.

      LES COURS PAR TÉLÉPHONOSCOPE.

      Trop bien éclairé sur les difficultés de la vie, M. Lacombe avait voulu pour sa fille une instruction complète. Il la destinait à l'administration. A vingt-quatre ans, lorsqu'elle aurait fini ses études et serait pourvue de ses diplômes, elle entrerait comme ingénieure surnuméraire à 6,000 francs, avec certitude d'arriver un jour, vers la quarantaine, à l'inspectorat. Alors, qu'elle restât célibataire ou qu'elle épousât un fonctionnaire comme elle, sa vie était assurée.

      Estelle, depuis l'âge de douze ans, suivait les cours de l'Institut de Zurich, sans quitter sa famille, uniquement par Télé. Précieux avantage pour les familles éloignées de tout centre, qui ne sont plus forcées d'interner leurs enfants dans les lycées ou collèges régionaux. Estelle avait donc fait toutes ses classes par Télé, sans sortir de chez elle, sans bouger de Lauterbrunnen. Elle suivait aussi de la même façon les cours de l'École centrale d'électricité de Paris et prenait, en outre, des répétitions par phonogrammes de quelques maîtres renommés.

      Par malheur, elle n'avait pu passer ses examens par Télé, les règlements surannés s'y opposant, et, devant les maîtres examinateurs, une timidité qu'elle tenait un peu de son père lui avait nui.

      LES PANTOUFLES ISOLATRICES.

      DANS L'OUEST S'AVANÇAIT UN GIGANTESQUE AÉRO-PAQUEBOT.

       Table des matières

      Les tourments d'une aspirante ingénieure.—Les cours par Télé.—Une fidèle cliente de Babel-Magasins.—L'ahurie Grettly circulant parmi les engins.—Le Téléjournal.

      Maintenant que la jeune fille était à peu près rassurée, Georges Lorris aurait très bien pu prendre congé; mais, sans chercher à se rendre compte des motifs qui le retenaient, il resta près du Télé à causer avec elle. Ils parlaient sciences appliquées, instruction, électricité, morale nouvelle et politique scientifique... Estelle Lacombe, quand elle sut que le hasard l'avait mise en présence téléphonoscopique du fils de ce grand Philox, prit naïvement devant Georges une attitude d'élève, ce qui fit bien rire le jeune homme.

      «Je suis le fils de l'illustre Philox, comme vous dites, fit-il, mais je ne suis moi-même qu'un bien pauvre disciple; et, puisque vous voulez bien me faire confidence de vos insuccès, sachez donc que tout à l'heure, au moment où la tournade éclata, mon père était en train de m'administrer ce qui s'appelle un rebrousse-fil de vraiment premier ordre, c'est-à-dire un joli petit savon, et de me reprocher mon insuffisance scientifique... et c'était mérité, trop mérité, je le reconnais!...

      —Oh! non, non; ce que le grand Philox Lorris peut traiter de faiblesse scientifique, pour moi c'est encore la force, la force écrasante... Ah! si je pouvais arriver seulement au premier grade d'ingénieure!

      —Vous vous empresseriez de dire: ouf! et de laisser là vos livres,» dit Georges en riant.

      La jeune fille sourit sans répondre et remua machinalement la montagne de cahiers et de livres qui couvrait son bureau.

      «Mademoiselle, si cela peut vous servir, je vous enverrai quelques-uns de mes cahiers et les phonogrammes de quelques conférences de mon père aux ingénieurs de son laboratoire...

      —Que de remerciements, monsieur!..... J'essayerai de comprendre, je ferai tous mes efforts...»

      Brusquement une sonnerie tinta et le Télé s'obscurcit. L'image de la jeune fille disparut. Georges demeura seul dans sa chambre. Au poste central des Télés, les avaries causées par la tournade étant réparées, le jeu normal des appareils reprenait et la communication provisoire cessait partout.

      Georges, consultant sa montre, vit que le temps avait coulé vite pendant sa conversation et que l'heure de se rendre au laboratoire était arrivée. Il pressa un bouton, la porte de sa chambre s'ouvrit d'elle-même, un ascenseur parut; il se jeta dedans et fut transporté en un quart de minute à l'embarcadère supérieur, un très haut belvédère sur le toit, abritant l'entrée principale de la maison.

      La loge du concierge, placée maintenant, dans toutes les habitations, en raison de la circulation aérienne, à la porte supérieure, sur la plate-forme embarcadère, était, chez Philox Lorris, remplacée, ainsi que le concierge lui-même, par un poste électrique où tous les services se trouvaient assurés par un système de boutons à presser.

      UN AÉROCAB SORTIT DE LA REMISE AÉRIENNE.

      Un aérocab, sorti tout seul de la remise aérienne et filant sur une tringle de fer, attendait déjà Georges à l'embarcadère. Le jeune homme, avant de sauter dedans, jeta un regard sur l'immense Paris étendu devant lui dans la vallée de la Seine, à perte de vue, jusque vers Fontainebleau rattrapé par le faubourg du Sud. La vie aérienne suspendue pendant l'ouragan électrique reprenait son cours; le ciel était sillonné déjà de véhicules de toutes sortes, aéronefs-omnibus se suivant à la file et cherchant à rattraper leur retard, aéroflèches des lignes de province ou de l'étranger, lancées à toute vitesse, aérocabs, aérocars fourmillant autour des stations de Tubes où les trains retenus devaient se suivre presque sans intervalles. Dans l'Ouest s'avançait majestueusement, estompé dans la brume lointaine, un gigantesque aéro-paquebot de l'Amérique du Sud qui avait failli se trouver pris dans la tournade et ajouter un chapitre de plus à l'histoire des grands sinistres.

      «Allons travailler!» dit enfin Georges en dégageant de sa tringle l'aérocab, qui fila bientôt vers un des laboratoires Philox Lorris, établis avec les usines d'essai, sur un terrain de 40 hectares dans la plaine de Gonesse.

      Pendant ce temps, à Lauterbrunnen-Station, Estelle Lacombe, demeurée seule, laissait bien vite ses cahiers et courait à sa fenêtre pour interroger anxieusement l'horizon. Pendant l'ouragan, n'était-il rien arrivé à sa mère dans