Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique. Albert Robida

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Название Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique
Автор произведения Albert Robida
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066074876



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aux plus vives inquiétudes et d'apprendre la triste nouvelle par le phono du salon.

      Georges Lorris resta un instant interdit. Il connaissait Mme Lacombe, ayant déjà eu plusieurs fois, depuis la tournade, l'occasion de causer avec elle.

      «Madame, fit-il, je voyais Mlle Estelle si désolée de son échec, j'essayais de la consoler, et la vive amitié que j'ai conçue pour elle depuis l'heureux hasard... Enfin, elle pleurait, elle se lamentait, et je ne pouvais voir couler ses larmes sans...

      —Je vous suis très obligée, dit sèchement Mme Lacombe, nous avons subi un petit échec, nous travaillerons et nous nous représenterons, voilà tout... Je me charge de consoler ma fille moi-même... Monsieur, je vous présente mes civilités...

      —Madame! s'écria Georges Lorris, je vous en conjure, ne vous fâchez pas... Un seul mot, je vous prie... j'ai l'honneur de vous demander la main de Mlle Estelle!

      —La main d'Estelle! s'écria Mme Lacombe en se laissant tomber dans un fauteuil.

      —Si vous voulez bien me l'accorder, ajouta le jeune homme, et si Mlle Estelle ne... Excusez le manque de formes de ma demande, ce sont les circonstances... le chagrin de Mlle Estelle m'a tout à fait troublé. Je vous en prie, Estelle, ne me découragez pas...

      Monsieur, fit Mme Lacombe avec dignité, je ferai part de votre demande si honorable pour nous à mon mari, et M. Lacombe vous fera connaître sa réponse; quant à moi, je ne puis que vous dire que mon vote vous est acquis... et il compte!»

      On voit, à cette brusque demande en mariage, que Georges Lorris était un homme de décision rapide. Il ne ressentait, une heure auparavant, aucune velléité matrimoniale précise. Il trouvait depuis quelque temps un vrai plaisir à ces entrevues téléphonoscopiques avec la jeune étudiante, sans chercher à se rendre compte des sentiments qui lui en faisaient trouver l'habitude si douce. La vue des larmes d'Estelle lui avait subitement révélé l'état de son cœur, et, sans hésiter, il avait pris la résolution de lier sa vie à la sienne. Il avait vingt-sept ans, il était libre de ses actes et il était plus que suffisamment riche pour deux.

      Il ne se dissimulait pas que des difficultés pouvaient se présenter du côté de sa famille à lui. Son père avait d'autres idées. Précisément, le jour de la tournade, Philox Lorris lui avait développé son plan matrimonial: trouver une doctoresse pourvue des plus hauts diplômes, une vraie cervelle scientifique, une femme sérieuse et assez mûre pour avoir la tête débarrassée de tout vestige d'idée futile... Georges frissonnait en se rappelant les expressions de Philox Lorris. Brr...! Rien que cette menace suffisait pour le décider à brusquer la situation.

      Le soir, lorsque M. Lacombe rentra pour le dîner, Georges Lorris, arrivé par le tube pneumatique d'Interlaken, débarqua d'aérocab à Lauterbrunnen-Station presque en même temps que lui. Mme Lacombe avait à peine eu le temps de prévenir son mari.

      Mlle LA DOCTORESSE BARDOZ.

      «Mon ami, la journée est solennelle! avait-elle dit à son mari, en prenant sa figure des grands jours; tu ne sais pas ce qui arrive à Estelle? Prépare-toi à entendre quelque chose de grave... Ne cherche pas à deviner... Prépare-toi seulement...

      —Je m'en doute, répondit M. Lacombe. J'ai demandé la communication pour savoir le résultat de son examen, et vous ne m'avez pas répondu... Elle est refusée, parbleu, encore refusée!

      —Il s'agit bien de ces vétilles! fit Mme Lacombe avec un superbe haussement d'épaules. Dieu merci, elle ne sera pas ingénieure; non, elle ne le sera pas! Voilà: on nous demande notre fille en mariage; moi, j'ai dit oui, et, quand j'ai dit oui, j'espère que M. Lacombe ne dira pas non!

      —Mais qui?

      LA SERVANTE GRETTLY.

      —Mon gendre, dit Mme Lacombe avec emphase, s'appelle M. Georges Lorris, fils unique de l'illustre Philox Lorris!»

      M. Lacombe, à ce nom, se laissa tomber sur une chaise. C'était le coup de théâtre que méditait Mme Lacombe. Contente de l'effet produit, elle s'assit en face de son mari.

      GRAND CHOIX D'AIEUX. QUELLE INFLUENCE ATAVIQUE VA DOMINER?

      «Oui, M. Georges Lorris adore notre fille, je m'en doutais, vois-tu, et Estelle l'aime aussi.

      —Tu rêves! Le fils de Philox Lorris! Songe à la distance qui existe entre nous et le grand Philox Lorris!... entre notre situation modeste, et...

      —Modeste, j'en conviens, mais à qui la faute, monsieur?

      GEORGES REMONTA EN AÉROCAB VERS ONZE HEURES.

      «Et puis assez de Philox, le grand Philox, l'illustre Philox, l'immense et vertigineux Philox, ce n'est pas lui qu'Estelle épouse!... C'est un jeune homme moins immense, mais plus aimable.

      —Mais la dot? lui as-tu dit qu'Estelle...

      —Une dot! Nous nous occupons bien de ces misères... Quel bourgeois tu fais!»

      L'arrivée de Georges Lorris interrompit l'entretien. Il n'était jamais venu à Lauterbrunnen-Station. Jusqu'à présent, le jeune homme avait communiqué avec le chalet Lacombe uniquement par Télé. Il était un peu ému, il allait se trouver réellement en présence d'Estelle. Qu'allait-elle dire? Il lui venait des craintes; si, par malheur, elle n'avait pas le cœur libre, si elle allait le repousser!

      Il fut bientôt rassuré. L'accueil de Mme Lacombe lui montra que tout allait bien, et lorsque enfin Estelle parut toute confuse et pâle d'émotion, une douce pression de main fut la réponse à la question muette que posaient les yeux inquiets du jeune homme.

      Il passa une soirée charmante au chalet Lacombe, et, quand il remonta en aérocab, vers onze heures, pour regagner le tube d'Interlaken, les larges rayons de lumière électrique du phare éclairant fantastiquement les montagnes, perçant l'obscurité des vallées et faisant étinceler comme des escarboucles les énormes pics, et luire les glaciers ainsi que des coulées de diamants, lui semblaient, comme des promesses d'avenir lumineux, éclairer devant lui une longue existence de bonheur.

      Bien entendu, Philox Lorris bondit de colère et d'étonnement, lorsque, le lendemain matin, son fils lui fit part de sa détermination en sollicitant son consentement. Philox eut un violent accès d'éloquence rageuse. Eh quoi! son fils n'attendait pas qu'il lui eût découvert la doctoresse en toutes sciences, la femme scientifique, la fiancée sérieuse et mûre qu'il lui avait promise! Eh quoi! il allait déranger tous ses plans, ruiner toutes ses espérances avec ce sot mariage...

      «La sélection! la sélection! Tu méconnais la grande loi de la sélection... Ce n'est pourtant pas d'aujourd'hui que la science a donné raison aux vieilles idées d'autrefois et reconnu que la sélection était la base de toutes les aristocraties... En notre temps de démocratie à outrance, on a tout de même été forcé d'en rabattre et de s'incliner devant la force de la vérité... Mon garçon, les anciennes aristocraties avaient raison de se montrer hostiles à la mésalliance!

      «Il a bien fallu le reconnaître, oui, de toute évidence, les races de rudes soldats et de fiers chevaliers des âges révolus, en s'entre-croisant et s'alliant toujours entre elles, fortifiaient les hautes qualités de vaillance qui les distinguaient et légitimaient leur belle fierté, et aussi ces prétentions qu'on leur reproche à la domination sur des sangs moins purs.

      «Oui, la décadence a commencé, pour ces vieilles races, le jour où le sang