Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique. Albert Robida

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Название Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique
Автор произведения Albert Robida
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066074876



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      —Du tout, je m'y oppose formellement, dit M. Lacombe, pas au chapeau rose, tu le feras venir si tu veux, mais à la visite chez Philox Lorris... Attendons un peu; quand Estelle passera son examen, si, grâce aux leçons envoyées par M. Lorris, elle obtient son grade d'ingénieure, il sera temps de songer à une petite visite de remerciement... par Télé... pour ne pas importuner.

      —Tiens, tu n'arriveras jamais à rien!» déclara Mme Lacombe.

      M. LACOMBE, INSPECTEUR DES PHARES ALPINS.

      L'entrée de la servante Grettly apportant le déjeuner coupa court au sermon que Mme Lacombe se préparait, suivant une habitude quotidienne, à servir à son mari avant son départ pour son bureau. La pauvre servante, à peine remise de sa frayeur de la veille, vivait dans un état d'ahurissement perpétuel. Dans nos villes, les braves gens de la campagne, fils de la terre ne connaissant que la terre, cervelles dures, réfractaires aux idées scientifiques, les ignorants contraints d'évoluer dans une civilisation extraordinairement compliquée qui exige de tous une telle somme de connaissances, vont ainsi perpétuellement de la stupéfaction à la frayeur. Tourmentés, effarés, ces enfants de la simple nature ne cherchent pas à comprendre cette machinerie fantastique de la vie des villes; ils ne songent qu'à se garer et à regagner le plus vite possible leur trou au fond d'un hameau encore oublié par le progrès. L'ahurie Grettly, une épaisse et lourde campagnarde à tresses en filasse, vivait ainsi dans une terreur de tous les instants, ne comprenant rien à rien, se rencognant le plus possible dans sa cuisine et n'osant toucher à aucun de tous ces appareils, de toutes ces inventions qui font de l'électricité domptée l'humble servante de l'homme. Comme elle cassa une ou deux tasses en circulant autour de la table, le plus loin possible des appareils divers, dans sa peur de frôler en passant les boutons électriques ou le Téléjournal, gazette phonographique du soir et du matin, ce fut sur elle que tombèrent les flots d'éloquence indignée de Mme Lacombe.

      Puis, sur une pression de M. Lacombe, pour achever la diversion, le Téléjournal fonctionna et l'appareil commença le bulletin politique dont M. Lacombe aimait à accompagner son café au lait.

      «Si tout porte à croire que les difficultés pendantes pour la liquidation des anciens emprunts de la république de Costa-Rica ne pourront se résoudre diplomatiquement et que Bellone seule parviendra à tirer au clair ces comptes embrouillés, nous devons, au contraire, constater que notre politique intérieure est tout à l'apaisement et à la concorde.

      «Grâce à l'entrée dans la combinaison, avec le portefeuille de l'Intérieur, de Mme Louise Muche (de la Seine), leader du parti féminin qui apporte l'appoint des 45 voix féminines de la Chambre, le ministère de la conciliation est sûr d'une importante majorité...»

      LA FAMILLE LACOMBE A TABLE.

      Dans l'après-midi de ce jour, comme Estelle était plongée dans les leçons de Philox Lorris,—sans y trouver beaucoup d'agrément d'ailleurs, cela se voyait à la manière dont elle pressait son front dans sa main gauche pendant qu'elle essayait de prendre des notes—la sonnerie du Télé, retentissant à son oreille, la tira soudain de cette pénible occupation.

      Son phonographe était en train de débiter une conférence de Philox Lorris; la voix nette du savant expliquait avec de longs développements ses expériences sur l'accélération et l'amélioration des cultures par l'électrisation des champs ensemencés. Estelle mit l'appareil au cran d'arrêt et coupa le discours juste au milieu d'un calcul. Elle courut au Télé et ce fut le fils de Philox qui se montra.

      Georges Lorris, debout devant son appareil personnel, là-bas à Paris, s'inclina devant la jeune fille.

      «Puis-je vous demander, mademoiselle, dit-il, si vous êtes complètement remise de la petite secousse d'hier? Je vous ai vue si effrayée...

      —Vous êtes trop bon, monsieur, répondit Estelle rougissant un peu; je conviens que je ne me suis pas montrée très brave hier, mais, grâce à vous, ma peur s'est vite dissipée... Je vous dois bien d'autres remerciements: j'ai reçu les phonogrammes et, vous le voyez, j'étais en train de...

      —De subir une petite conférence de mon père, acheva Georges en riant; je vous souhaite bon courage, mademoiselle...»

      PAS DE DIPLOMES.

      L'APPORT DES ANCÊTRES.

       Table des matières

      Comment le grand Philox Lorris reçoit ses visiteurs.—Mlle Lacombe rate une fois de plus ses examens.—Demande en mariage inattendue.—Les théories de Philox Lorris sur l'atavisme.—La doctoresse Sophie Bardoz et la sénatrice Coupard, de la Sarthe.

      Tantôt pour se rendre compte des progrès d'Estelle Lacombe, ou pour lui envoyer de nouveaux phonogrammes pédagogiques, tantôt pour prendre des nouvelles de sa santé et de celle de madame sa mère, Georges Lorris prit assez souvent communication par Télé avec le chalet de Lauterbrunnen-Station. Ce devint peu à peu pour lui une douce habitude; il lui fallut bientôt, toutes les après-midi, comme compensation à ses heures d'étude et de travail au laboratoire, une causerie de quelques minutes avec l'élève ingénieure de là-bas.

      Estelle faisait de notables progrès grâce à ses conseils et à tous les documents qu'il lui envoyait. Pour Estelle, le fils de Philox Lorris, que son père, sévère et difficile, traitait sans façon de mazette scientifique, était un géant de science. D'ailleurs, quand une question embarrassait la jeune fille, Georges Lorris, muni d'un petit phonographe, trouvait le moyen, dans le cours de la conversation à table, d'amener son père à résoudre cette question et le phonogramme obtenu par surprise partait pour Lauterbrunnen-Station.

      Malgré l'opposition de son mari, Mme Lacombe, entre deux courses à la Bourse des dames, où elle venait de réaliser 2,000 francs de bénéfices, et aux Babel-Magasins, où elle en avait dépensé 2,005 pour quelques achats indispensables, s'en vint, un jour, faire visite à M. Philox Lorris, sous prétexte de lui apporter ses remerciements.

      Sous la loggia d'attente, au débarcadère aérien, elle trouva une série de timbres avec tous les noms des habitants de la maison: M. Philox Lorris, Madame, M. Georges Lorris, M. Sulfatin, secrétaire général particulier de M. Philox Lorris, etc. Elle remarqua, tout en admirant l'installation, que ces noms n'étaient pas, comme d'usage, suivis de la mention: sorti, ou à la maison ou empêché, ce qui fait gagner du temps aux visiteurs et supprime des démarches inutiles.

      «C'est que ce n'est plus distingué, se dit-elle, c'est devenu bourgeois et commun, je ferai supprimer cela aussi chez nous.»

      La bonne dame appuya sur le timbre du maître de la maison, et aussitôt la porte s'ouvrit; elle n'eut qu'à entrer dans un ascenseur qui se présenta devant la porte et à descendre lorsque l'ascenseur s'arrêta. Une autre porte s'ouvrit d'elle-même, et elle se trouva dans une grande pièce aux lambris garnis du haut en bas de grandes épures coloriées ou de photographies d'appareils extrêmement compliqués. Au milieu se trouvait une grande table entourée de quelques fauteuils. Mme Lacombe n'avait encore vu personne, aucun serviteur ne s'était présenté. Étonnée, elle prit un fauteuil et attendit.

      «Que désirez-vous?» dit une voix comme elle commençait à s'impatienter.

      C'était un phonographe occupant le milieu de la table qui parlait.

      «Veuillez