Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty

Читать онлайн.
Название Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes
Автор произведения Louis Nigon De Berty
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066325930



Скачать книгу

qui fut d’abord perpétuel, puis décennal, puis annuel. Le pouvoir, centralisé dans les mains d’un seul homme, les inquiéta encore; ils le divisèrent entre neuf archontes.

      Depuis la glorieuse mort de Codrus jusqu’à la première olympiade, c’est-à-dire, durant environ trois siècles, l’histoire est restée muette sur l’état de la république. Athènes n’eut probablement pas à déplorer ces événemens qui affligent et illustrent les nations. Cependant, au bout de cette longue période de tems, le besoin d’une législation plus complète se fit sentir; un homme intègre, mais inflexible, Dracon fut choisi pour la composer; il prodigua la peine de mort pour les fautes les plus légères, et, suivant l’expression de l’orateur Démades, il traça ses lois avec du sang. La sévérité des châtimens produisit l’impunité. Le peuple se souleva, des troubles éclatèrent; Athènes languissait en proie à l’anarchie, lorsque Solon parut.

      Un sénat, de fréquentes assemblées du peuple, neuf archontes, un aréopage, telles furent les principales bases de la constitution de ce législateur.

      Le sénat délibéra sur toutes les affaires publiques et jugea les crimes d’état. Le peuple statua définitivement sur les délibérations du sénat, les convertit en lois par son approbation et nomma à toutes les magistratures; ainsi il demeura, en réalité, dépositaire de la souveraine puissance; le sénat, dont les actes politiques étaient purement préparatoires, dont chaque membre d’ailleurs, à l’expiration de ses fonctions annuelles, attendait sa récompense du peuple, n’avait pas reçu assez d’autorité pour maintenir l’équilibre que Solon voulut établir. Aussi Anacharsis disait un jour à ce philosophe : J’admire que vous ne laissiez aux sages que la délibération, et que vous réserviez la décision aux fous.

      Les archontes, chargés de l’exécution des lois et de la police, exerçaient en outre, chacun selon leur rang, une surveillance spéciale.

      L’aréopage, le premier des tribunaux judiciaires, comprit dans ses attributions la religion, l’éducation et les moeurs; ce ne fut pas seulement une cour de justice; c’était encore une institution politique préposée à la garde de ce qu’il y a de plus précieux parmi les hommes.

      Hormis les aréopagites , les fonctionnaires d’Athènes étaient tous élus par la voie des suffrages, quelquefois par la voie du sort, et ne pouvaient remplir plus d’un an leur charge. En déposant leurs insignes, tous se voyaient contraints de rendre compte de leur conduite à une commission appelée pour ce motif, la Chambre des comptes. La courte durée d’un pouvoir, dont l’usage était soumis à un si scrupuleux examen, en prévenait les empiétemens et les dangers; le sénat lui-même, produit libre et sincère des élections, ne fut jamais à Athènes le soutien d’une orgueilleuse oligarchie.

      Grâce au système électif partout appliqué, l’Athénien jouissait, comme citoyen, de toute sa consistance individuelle; il prenait une véritable part de la souveraineté, soit en jugeant les criminels, soit en votant dans ces assemblées publiques où se mettait chaque jour en action ce gouvernement essentiellement démocratique.

      Dans ses relations privées, l’Athénien n’était point assujetti, comme les autres peuples de l’antiquité, au joug d’une loi minutieuse; il n’avait à redouter que la censure de l’aréopage; le commerce multipliait les agrémens de sa vie intérieure, facilitait ses rapports de société en égalisant tous les rangs, augmentait en lui le besoin et l’amour de son indépendance personnelle.

      Les femmes d’Athènes, quoique moins dépendantes que les dames romaines, vivaient néanmoins dans un pénible état de contrainte. La loi ne leur permettait de sortir pendant le jour que dans certaines circonstances, et pendant la nuit qu’en voiture. Mais cette loi, inexécutable pour les femmes du peuple, ne devint pour les autres qu’une règle de bienséance. Si l’extérieur des femmes blessait la pudeur, les magistrats, chargés de veiller sur elles, les condamnaient à une forte amende, et leur sentence restait affichée sur la promenade publique .

      Toutefois cette république goûta rarement les douceurs de la paix; elle eut tour à tour à supporter le despotisme de Pisistrate, le choc des armées de Xercès, les trente tyrans imposés par Lysandre, et ces divisions intestines qui si souvent déchirèrent son sein. Au milieu de ses malheurs, Athènes se montra constamment jalouse et digne de sa liberté ; elle éleva des statues aux deux héros qui la délivrèrent des Pisistratides; plus tard, à la voix de Thémistocle, ses courageux citoyens abandonnèrent leurs dieux pénates, leurs femmes, leurs enfans, leurs propriétés pour se soustraire à la domination du roi des Perses, transportèrent leur patrie indépendante sur de fragiles vaisseaux, et forcèrent leur superbe ennemi à fuir précipitamment dans ses Etats. Il n’a été donné qu’à un peuple libre de déployer un aussi admirable patriotisme!

      Ainsi protégée par les institutions politiques, la liberté individuelle des Athéniens trouva également un appui dans leur législation civile et criminelle!

      A l’époque où florissait Solon, l’emprisonnement pour dettes avait été la principale cause des troubles qui désolaient Athènes; le premier acte de ce grand homme fut d’abolir toutes les dettes; il remit lui-même à ses débiteurs sept talens qu’il avait recueillis dans la succession de son père, espérant que son exemple serait suivi; de plus, il déclara nulles toutes les obligations qui se contracteraient à l’avenir sous peine de la contrainte par corps .

      Il était de principe qu’aucun citoyen ne pouvait, pour un motif quelconque, aliéner sa liberté, ni celle de ses enfans. Une seule exception avait été posée dans l’intérêt des moeurs. Si un Athénien se trouvait témoin du déshonneur de sa fille, ou d’une sœur dont il surveillait la conduite, il était maître de la réduire en servitude. Du reste, il fallait un crime pour autoriser la suspension de la liberté d’un citoyen; dès qu’il était commis, chacun pouvait en demander la répression. Loi sage qui provoquait le châtiment des forfaits, et semblait, en liant les Athéniens par un même intérêt, n’en faire qu’une seule famille! Cependant les parties lésées avaient seules le droit de poursuivre les délits privés.

      Le coupable était-il surpris au moment où il consommait son crime? des officiers publics, appelés undécemvirs, pouvaient l’incarcérer et le dénoncer ensuite aux archontes. Chaque citoyen avait aussi le droit de l’arrêter; s’il n’en usait pas, il s’adressait au magistrat qui se transportait sur les lieux et constatait le délit. Ce droit, conféré à chaque particulier, aurait été une arme fort dangereuse contre la liberté individuelle, si celui qui l’exerçait n’avait pas été forcé de se constituer accusateur; il comparaissait devant le second archonte ou l’un des six derniers archontes, nommés thesmotètes, suivant la gravité des faits. Après deux interrogatoires, le magistrat lui demandait s’il était en état de soutenir son accusation; lorsqu’il persistait, il prêtait serment de dire la vérité, produisait ses preuves, et déposait une somme d’argent comme garantie de sa dénonciation qui demeurait affichée jusqu’à l’appel de la cause. On a vu quelquefois l’accusateur se rendre volontairement en prison pour proclamer à tous les yeux la justice de l’action qu’il avait intentée. L’archonte procédait à une information; puis il renvoyait l’affaire devant le tribunal compétent.

      Les audiences étaient publiques; on permettait à l’accusé d’employer tous les moyens qu’il croyait nécessaires à sa défense. Les témoins fesaient, en sa présence, leurs dépositions à haute voix; et la question n’était ordonnée contre un citoyen que dans des cas extraordinaires. Les juges s’assemblaient en très grand nombre; s’il y avait partage entr’eux, l’accusé était absous; l’accusateur qui ne réunissait pas le cinquième des suffrages, ou qui même renonçait à son accusation avant le jugement, se voyait condamner à une amende de mille dragmes. La crainte de cette peine, d’ailleurs toujours ignominieuse, fut souvent funeste à la sureté publique en assurant l’impunité des coupables. Quelquefois les formes judiciaires, les plus favorables aux intérêts de l’accusé, sont d’inutiles boucliers contre les erreurs et les passions des juges. Le récit du procès de Socrate va le prouver:

      Une dénonciation ainsi