Название | Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes |
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Автор произведения | Louis Nigon De Berty |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066325930 |
Les peines étaient généralement fort sévères, sans proportion avec le crime; toutefois le plus scrupuleux examen devait précéder une condamnation capitale; elle s’exécutait la nuit, dans l’intérieur de la prison; un lacet terminait les jours du condamné, afin de ne point prolonger ses souffrances.
On tolérait à Sparte le vol de légumes et d’autres objets de peu de valeur, commis par des jeunes gens, dans le but d’exercer leur adresse; mais s’ils avaient le malheur d’être surpris au moment du larcin, ils subissaient un châtiment.
Un roi était-il inculpé d’un crime? il était jugé comme les autres citoyens; seulement il comparaissait devant un tribunal composé des vingt-huit sénateurs, des cinq éphores et de l’autre roi, et pouvait appeler du jugement prononcé contre lui devant l’assemblée générale du peuple.
Lycurgue ne voulut pas que ses lois fussent écrites; il aima mieux qu’elles demeurassent gravées dans le cœur des citoyens; son vœu fut rempli; les Lacédémoniens professèrent long-tems pour elles un véritable culte; mais ce législateur n’avait peut-être pas assez songé sur ce point à la fragilité humaine; que de fois, en matière pénale, se firent sentir les funestes effets de son imprévoyance! Obligés de statuer sur des cas non prévus, les éphores, qu’aucun texte ne guidait, se laissèrent entraîner à satisfaire leurs inimitiés personnelles; ce fut surtout contre les rois qu’ils firent un coupable abus de leur pouvoir illimité ; ainsi ils condamnèrent à l’amende Archidamus pour avoir épousé une petite femme, et Agésilas pour s’être fait aimer de ses sujets. La porte du temple, où se réfugia Pausanias, fut murée par leur ordre; et le vainqueur de Platée expira au milieu des tourmens de la faim. Rappellerai-je encore l’arrestation d’Agis exécutée par un éphore, par le perfide Ampharés , l’assassinat judiciaire de ce prince digne d’un meilleur sort, et le meurtre d’Archidamie et d’Argésistrata, son aïeule et sa mère, étranglées toutes deux sans jugement sur son cadavre? Non, toute la gloire de Sparte ne pourra effacer ce triple forfait aux yeux de la postérité.
Le nombre des esclaves était fort considérable dans cette cité ; on les divisait en deux classes: les esclaves domestiques, et les ilotes; les premiers, ordinairement employés aux travaux intérieurs du ménage; les seconds, particulièrement attachés aux fonds de terre, qui tenaient le milieu entre les esclaves domestiques et les hommes libres. Ces derniers affermaient les biens ruraux des Lacédémoniens, et, dans la vue de les fixer par l’appât du gain, on n’exigeait d’eux qu’une modique redevance. Toutefois la condition des esclaves à Sparte était misérable; elle se ressentait de leur origine et peut-être aussi du caractère rude et impitoyable des Spartiates. Ils descendaient tous des habitans d’Hélos réduits en servitude pour avoir voulu reconquérir leur indépendance, les armes à la main. Depuis la prise de cette ville, il était permis de les frapper, de les blesser, de les tuer, de les traiter, en un mot, comme des prisonniers de guerre, ou plutôt comme des bêtes de somme . Quelque fût la conduite des maîtres, la loi refusait aux esclaves sa protection; vainement aussi les esclaves auraient-ils rendu d’importans services; les maîtres ne pouvaient leur donner la liberté pour récompense; ils appartenaient à l’Etat; à ce titre, il fallait qu’ils fussent affranchis par un décret public. Lorsque leurs fers étaient brisés, ils pouvaient, en se signalant par quelque action d’éclat, s’élever au rang de citoyens; et cette classe, si cruellement opprimée, se glorifia d’avoir produit trois grands hommes: Callicratidas, Gylippe et Lysandre.
Il existait encore à Lacédémone un usage tellement barbare, que la postérité l’a mis en doute, c’était la chasse aux ilotes . En commençant leurs fonctions, les éphores leur déclaraient la guerre; dès ce moment, chaque Spartiate, en embuscade dans les champs, avait le droit de massacrer tous les ilotes qu’il rencontrait, la nuit, sur les chemins. Dans tous les cas, l’histoire a proclamé avec raison cette triste vérité : nulle part, l’esclave n’a été plus malheureux qu’à Sparte .
Lorsque l’audace et la tyrannie des éphores furent parvenues à leur comble, les Lacédémoniens ne les supportèrent plus qu’avec répugnance. Cléomène III, devenu à dix-sept ans le roi et le réformateur de son pays, profita habilement de cette disposition des esprits. A son avènement à la couronne, il fit périr les éphores et rétablit les lois de Lycurgue; mais ses généreuses intentions ne purent long-tems se réaliser. Lacédémone, qui exerça pendant tant d’années une haute influence sur les destins de la Grèce, succomba devant les armées réunies des Achéens et des Macédoniens. Plus tard, Philopémen renversa pour jamais son gouvernement; et cette ville, ainsi dépouillée des institutions de Lycurgue auxquelles sa puissance semblait attachée, se vit obligée de se résigner paisiblement à la domination des Romains.
En 527, à l’époque où l’empire d’Orient fut divisé en gouvernemens nommés themata, elle se transforma en une principauté dont les chefs portèrent la sinistre dénomination de despotes. Depuis lors, son histoire resta presque inconnue. Vers l’année 1130, le Péloponèse n’est plus appelé que la Morée. Dans les siècles suivans, on oublie la position et jusqu’au nom de Sparte. Plusieurs écrivains la confondent même avec la ville de Misitra élevée à quelques milles de ses ruines.
En 1460, la Laconie tombe au pouvoir de Mahomet; elle partage la servitude et les chaînes de la Grèce jusqu’au jour où elle prouva qu’elle renfermait encore dans son sein de dignes descendans de Léonidas. Maintenant la cabane d’un chévrier sert à faire reconnaître l’emplacement d’une des cités les plus célèbres de l’univers . Que Sparte du moins se console des vicissitudes de la fortune! la Morée, si long-tems soumise à ses lois, est devenue le principal théâtre de la gloire nouvelle des Hellènes.
CHAPITRE V.
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CHEZ LES ROMAINS.
JAMAIS peuple ne se montra plus attaché à la liberté que les Romains ; ils en firent une divinité, et lui élevèrent un temple; elle fut la base de leurs Institutions, rame de leur gouvernement sous la république, le but et plus souvent le prétexte des insurrections populaires, la cause principale de leur grandeur, et dès qu’elle diminua, le signal de leur décadence.
Mais cette liberté, dont les Romains étaient si jaloux et si fiers, ne fut-elle pas plus politique qu’individuelle? l’esquisse de leur histoire sous les rois, sous les consuls, sous les empereurs servira peut-être à résoudre cette intéressante question!
Sous les rois.
Pour peupler la ville éternelle, Romulus y fonda un lieu d’asile et enleva les filles des Sabins. Les aventuriers, les esclaves, les voleurs s’y réfugièrent en foule; tous réclamèrent à l’envi des garanties pour leur indépendance d’autant plus précieuse à leur yeux que la plupart en avaient été privés. Romulus sut comprendre le vœu de ses concitoyens; il eut même l’habileté, en le satisfesant, d’assurer la force au pouvoir et de jeter les fondemens de cette aristocratie du sénat qui devait conquérir à ses descendans l’empire du monde. Les trois principaux élémens de sa constitution furent: un roi électif, un sénat composé des nobles ou patriciens, et les assemblées du peuple.
Le roi commandait les armées, proposait les lois et exerçait une grande partie du pouvoir exécutif Conseil du prince, le sénat statuait, sous sa présidence, sur les affaires publiques, civiles et criminelles. Le peuple élisait les rois, décidait la paix et la guerre, et jugeait certaines causes graves. Le roi, le sénat et le peuple participaient également à la puissance législative; mais au peuple seul appartenait le droit de sanctionner les lois .
Romulus divisa ses sujets en deux ordres principaux,