Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty

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Название Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes
Автор произведения Louis Nigon De Berty
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066325930



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remarquer qu’ils ne punirent jamais que les attentats contre la religion. Si le plus léger intervalle s’était écoulé depuis le délit, on devait attendre la justice des tribunaux; la prévenir eût été un crime.

      Les peines étaient généralement très rigoureuses, surtout pour les délits contre les moeurs; les minutieux détails, dans lesquels les lois juives sont descendues sur ce point, révèlent la haute prudence de Moïse; ce grand homme pensait avec raison que la pureté des mœurs est la base de toutes les vertus. On comprendra difficilement, au 19ème siècle, qu’il ait pu déclarer passibles de mort l’adultère , le viol d’une fille fiancée, le moindre acte d’idolatrie, le vol nocturne. Toutefois la jurisprudence hébraïque s’efforça constamment de tempérer la sévérité des peines par la difficulté de l’application. Les juges prononçaient rarement la peine capitale; on appelait sanguinaire le tribunal qui condamnait une fois à mort dans l’espace de sept années .

      L’esclavage, connu chez toutes les nations de l’antiquité, qu’on rencontre même sous les tentes d’Abraham et de Jacob, fut toléré par Moïse; cependant il ne laissa point aux maîtres une autorité illimitée sur leurs esclaves; il voulut que ceux-ci fussent doucement traités et prissent part au repos du sabbat; il veilla à la conservation de leur pudeur, de leur santé et de leur vie. L’esclave, blessé par son maître, était renvoyé libre; s’il méritait la mort, c’était aux magistrats à la lui infliger; le maître, qui l’aurait fait expirer sous ses coups, subissait la peine capitale .

      Un Hébreu devenait esclave de trois manières différentes: 1° les magistrats pouvaient réduire en servitude le voleur hors d’état de payer la restitution pécuniaire que son délit lui avait fait imposer; 2° dans le principe, les Juifs possédaient le droit de vie et de mort sur leurs enfans; Moïse leur défendit d’en user sans l’autorisation des tribunaux; mais il leur accorda la faculté de les vendre, soit pour fournir à leur propre subsistance, soit pour acquitter une dette, soit pour suppléer à la succession de leur époux, ainsi que le fit la veuve protégée par le prophète Elisée; 3° le débiteur, sans ressources, pouvait aussi se vendre pour éteindre sa dette ; cet esclavage était purement volontaire de sa part; la loi le tolérait sans l’exiger.

      Le rachat, l’affranchissement octroyé par le maître, la mort seule du maître s’il était Gentil, sa mort sans enfans s’il était Hébreu, telles furent les principales causes qui rendaient un esclave à la liberté ; il en existait une autre, encore plus universelle dans ses effets; elle résultait du vœu même de la loi. Aux années sabbatiques qui revenaient tous les sept ans, aux années jubilaires, les fers de l’esclave étaient brisés sans rançon ; son attachement à son maître le déterminait-il à ne point profiter de ce privilége périodique? on lui perçait l’oreiller c’était le signe d’une éternelle servitude .

      Le créancier ne pouvait, dans aucun cas; exercer la contrainte par corps sur la personne de son débiteur; il lui demandait seulement suivant l’usage, des garanties, telles que le cautionnement judiciaire, le gage, l’hypothèque.

      Si, au jour marqué, la dette n’était point payée, le créancier n’avait point le droit d’entrer dans la maison de son débiteur pour saisir le gage promis; il devait l’attendre sur le seuil de la porte, et même le lui rendre, après l’avoir reçu, si l’indigence de l’emprunteur était notoire .

      On croit généralement que les dettes étaien, remises tous les sept ans à l’année sabbatique. Suivant M. de Pastoret , cette remise n’était que temporaire pendant la septième année; selon les rabbins juifs , les dettes se prescrivaient à cette époque; mais il demeure incontestable que, tous les cinquante ans, l’année jubilaire les anéantissait intégralement.

      Quatrième période.

      Depuis la dispersion des Juifs jusqu’à nos jours.

      Dès que l’empereur Titus eut renversé de fond en comble le temple de Jérusalem, la destinée des Juifs, qui semblait attachée à ce monument, ne tarda pas à changer; bientôt ils cessèrent de former un corps de nation; répandus çà et là dans toutes les régions du monde, ils perdirent état politique, patrie, gouvernement, en un mot, tout ce qui constitue un peuple; ils ont néanmoins conservé jusqu’à nos jours, avec une persévérance inouie, les rites multipliés de leur religion; mais ils sont contraints d’adopter les lois civiles et criminelles des divers pays qu’ils habitent. La trace de plusieurs peuples célèbres de l’antiquité s’est entièrement effacée; les Juifs, quoique depuis dix - huit cents ans sans chefs et sans protecteurs, ont survécu immobiles à toutes les révolutions. Leur population actuelle, évaluée à trois millions deux cent mille âmes , va chaque jour s’augmentant. Cependant qu’elle a été affligeante leur condition! Partout proscrits et méprisés, leur histoire n’est qu’un déplorable enchaînement d’injustices et de persécutions; des contributions arbitraires sont levées sur les produits de leur industrie. On leur impose des vêtemens différens de ceux des autres hommes; des lois exceptionnelles les flétrissent dans l’opinion publique; leur nom même devient pour le commerçant une épithète outrageante. En vain l’inquisition allume contre eux ses bûchers sanglans; en vain ils sont déclarés indignes d’être citoyens, dépouillés de leurs richesses, jetés dans des cachots et mis hors la loi; les Juifs résistent partout, unis entr’eux par le double lien de la religion et du malheur.

      La loi du 13 novembre 1791 abrogea, en France, les anciennes ordonnances si cruelles et si tyranniques contre les Juifs ; cependant la Révolution ne dissipa point complètement les préventions générales contre leur cupidité. Par deux décrets des 30 mai 1805 et 17 mars 1808, Napoléon soumit, pendant dix années, les Juifs, qui prêtaient de l’argent, à l’accomplissement d’humiliantes formalités. Enfin les Chartes de 1814 et de 1830 les ont rangés sans distinction au nombre des citoyens français; elles ont ainsi étendu sur eux leur bienfaisante protection. Une loi récente, du 8 février 1831, est venue révéler plus clairement encore les principes actuels du gouvernement français; en accordant un traitement aux rabbins, elle a rétabli entre la religion juive et les autres cultes une juste égalité. Espérons que bientôt un esprit d’humanité, partout triomphant, détruira pour jamais d’odieux préjugés contre un peuple, assez à plaindre déjà de n’avoir plus de patrie.

       Table des matières

      DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CHEZ LES ATHÉNIENS.

      D’un esprit vif et léger, d’un caractère inconstant, les Athéniens aimaient par nature l’indépendance personnelle. Ils abhorraient le despotisme, et cependant on pouvait aisément leur imposer des chaînes en les couvrant de fleurs. Mais, après quelques années d’une apparente léthargie, leur passion pour la liberté se réveillait plus ardente; le goût des arts et des lettres la développa; leurs institutions démocratiques vinrent encore l’accroître et la fortifier.

      Athènes a été gouvernée durant 487 ans par des rois ; ils réunissaient à leur couronne les fonctions de pontife, de général et de juge; toutefois leur puissance était peu étendue ; ils étaient obligés de prendre les avis d’un conseil, placé près du trône, et de communiquer ses décisions à l’assemblée générale de la nation, qui les approuvait ou les rejetait. Les rois d’Athènes n’en avaient réellement que le nom; ils se montrèrent presque tous de véritables chefs de famille, et laissèrent chaque Athénien entièrement maître de sa personne . Quoique souvent exposés aux caprices et aux violences de leur peuple, ils restreignirent eux-mêmes les limites de leur autorité. Thesée partagea les citoyens en trois ordres, maintint parmi eux l’égalité, et jeta les premiers fondemens d’une république. Erecthée consolida les innovations de ce héros; Codrus dévoua sa vie pour ses sujets; comment les Athéniens reconnurent-ils un si généreux sacrifice? Ils détruisirent le gouvernement monarchique.