Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty

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Название Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes
Автор произведения Louis Nigon De Berty
Жанр Документальная литература
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Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066325930



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être si fatal à sa patrie. Le roi déclare par un jugement qu’il garde la femme et l’or de Ménélas pour les lui remettre, et ordonne que Pâris sortira dans trois jours de ses Etats. Ainsi les souverains d’Egypte réunissaient le triple et dangereux pouvoir de faire les lois, de les appliquer et de les exécuter.

      Dès qu’une plainte était formée, on arrêtait ordinairement le prévenu; mais le mode d’arrestation n’était soumis à aucune règle; la liberté individuelle des Egyptiens restait, sans aucune garantie, à la discrétion du monarque et de ses principaux officiers; Pharaon fait descendre de leurs places brillantes dans une prison son grand échanson et son grand pannetier parce qu’ils ont encouru sa disgrâce ; quelque tems après, le premier reprend sa charge, et le second est mis à mort sans jugement. Faussement accusé d’avoir voulu séduire la femme de son maître, Joseph est déposé dans une prison publique sur l’ordre seul de Putiphar; après deux années de captivité, il en sort le premier ministre de l’Egypte le roi, en l’élevant à cette dignité, lui adressa ces paroles rapportées dans la Genèse: Ad tui oris imperium cunctus populus obediet, absque tuo imperio, non movebit quisque manum aut pedem in omni terrâ Egypti , Joseph usa de cette autorité si arbitraire dans une circonstance mémorable: lorsque ses dix frères viennent en Egypte implorer des secours contre la famine qui désole leur patrie, il feint de les prendre pour des espions, et les fait emprisonner durant trois jours; puis il leur rend la liberté ; mais il retient captif Siméon, l’un d’eux, pendant que les autres vont chercher Benjamin dans la maison paternelle .

      Une loi d’Amasis astreignait chaque Egyptien à déclarer au gouverneur de la province qu’il habitait, son nom, son état, la nature de ses biens et les profits de son industrie; celui qui fesait une déclaration infidèle était puni de mort. Cette loi, destinée à réprimer le vagabondage et la mendicité, autorisait par le fait l’inquisition dans la vie privée; mais elle ne compromettait pas la sûreté publique comme celle-ci relatée par Delamarre en son Traité de police : une compagnie de voleurs était organisée en Egypte; celui qui voulait y entrer, se fesait inscrire chez le chef des voleurs , apud furum principem; une fois admis, il lui rendait compte de tous ses vols qui étaient soigneusement analysés sur un registre. Les plaignans pouvaient s’adresser au chef; s’ils reconnaissaient en sa possession les objets qui leur avaient été dérobés, on les leur restituait en en retenant toutefois un quart pour récompense. Sparte oublia aussi le respect dû à la propriété ; mais du moins son législateur se proposait un but utile.

      Selon plusieurs auteurs, la torture fut mise pour la première fois en pratique chez les Egyptiens. Les hommes, qui y étaient exposés, dit Elien , mouraient au milieu des tourmens plutôt que de confesser leur crime. Avant rétablissement des Israélites en Egypte, il existait déjà plusieurs prisons; l’historien Josephe remarque que des travaux habituels, assez pénibles même, étaient imposés aux détenus. Antiphile éprouva les plus horribles traitemens; mais le crime de sacrilège, dont il était accusé, si grave chez un peuple religieux, peut expliquer cette barbarie inusitée envers les autres prisonniers.

      La législation pénale était généralement sévère; les châtimens souvent atroces, tels que la mutilation, n’étaient point proportionnés aux délits; ainsi on punissait de mort le parjure, le mensonge en certains cas, le meurtre volontaire d’un animal. Quelquefois même si c’était un animal sacré, le peuple n’attendait point que la condamnation fût prononcée; dans son fanatisme, il devenait juge et bourreau de l’accusé.

      L’humanité présidait à l’exécution des condamnés; on les enivrait avant de les mener au supplice; la femme enceinte ne pouvait point y être conduite: Loi sage et sublime, dit M de Pastoret , dont tous les peuples éclairés ont assez fait l’éloge en l’adoptant.

      Trente juges, choisis parmi les hommes les plus recommandables du royaume, distribuaient la justice et statuaient également sur les affaires civiles et criminelles. Tout s’y traitait par écrit; l’accusateur et l’accusé présentaient tour à tour leurs moyens respectifs, et la mûre délibération, qui précédait les jugemens, attestait aux deux parties que leur cause avait été scrupuleusement examinée.

      Sous les premiers rois de l’Egypte, le débiteur, qui ne pouvait remplir ses engagemens, expiait dans les prisons son insolvabilité. Sésostris, à son avénement à la couronne, paya les dettes d’un grand nombre de détenus; mais ce fut le roi Bocchoris qui abrogea la contrainte par corps; les biens restèrent seuls garans du débiteur, sa personne fut mise à l’abri des violences des créanciers . Plus tard, le roi Asychis défendit d’emprunter de l’argent à moins qu’on ne donnât en gage le corps de son père; c’était à la fois une infamie et une impiété de ne pas le retirer promptement; celui qui mourait, sans s’être acquitté de ce devoir, ne recevait pas les honneurs funèbres; ici l’on reconnait la sagesse peut-être trop vantée des Egyptiens; cette loi conservait tout ensemble aux créanciers leurs droits, aux débiteurs leur liberté, et à leur pays des citoyens utiles.

      Ainsi l’absolutisme des rois, une superstition presque invraisemblable, une procédure criminelle sans règles déterminées, des peines sévères et souvent barbares, s’opposaient en Egypte à l’exercice de la liberté individuelle; mais ce qui devait l’entraver plus fréquemment encore, c’était la minutieuse prévoyance de la loi; elle réglait les occupations de chaque citoyen, ses devoirs, et même ses plaisirs; le poursuivant en quelque sorte dans les moindres détails de la vie, elle pénétrait jusque dans l’intérieur de la chambre nuptiale. Les Egyptiens n’avaient donc pas la libre disposition de leurs personnes ni de leurs actions.

      Il serait injuste néanmoins de confondre le gouvernement de ce royaume avec ceux des autres états despotiques. L’autorité du souverain, il est vrai, fut illimitée; mais, comme l’observe Bossuet , il était obligé plus que tous ses sujets à vivre selon les lois, qui fixaient aussi l’emploi de son tems à chaque instant du jour , et désignaient jusqu’aux heures de ses repas et de son sommeil. Soumis durant sa vie à la censure des prêtres, il était jugé publiquement après sa mort selon ses œuvres; on a vu quelques princes privés de la sépulture par décision du peuple; la crainte de ces sentences solennelles, qui formaient ainsi pour les rois une postérité anticipée, pouvait quelquefois paralyser leur main au moment de signer un acte contraire à la justice.

      Le climat brûlant de l’Egypte, sa température uniforme exercèrent sur l’esprit, de ses habitans une constante influence. D’un naturel peu belliqueux, ils aimaient la vie tranquille et sédentaire; leurs mœurs douces, leur goût pour les sciences, la longue paix dont ils jouirent, le caractère de leurs monarques, qui, à l’exception de Sésostris, furent généralement pacifiques, contribuèrent à leur assurer un gouvernement modéré .

      L’Egypte subsista ainsi durant seize siècles; après être devenue la proie de Cambyse, elle passa successivement sous la domination des Perses, des Macédoniens et des Romains; elle garda long - tems ses coutumes et ses lois; mais par l’effet du mélange des nations grecques et asiatiques, ses premières mœurs s’effacèrent peu à peu Lorsque l’empereur Auguste renversa le trône des Lagides, il ne trouva plus de gouvernement organisé ; contraint de renoncer à la sage politique des Romains qui laissaient aux peuples vaincus leurs institutions, il confia l’administration de cette province, insciam legum, ignaram magistratuum, dit Tacite , à un préfet revêtu d’une autorité sans bornes.

      De l’Egypte moderne.

      Vers l’année 640, les Arabes, sous la conduite d’Amrou, lieutenant du trop fameux Omar, firent la conquête de l’Egypte; c’est a cette époque que commence l’histoire de l’Egypte moderne, déplorable série de crimes et de révoltes. Les vainqueurs lui imposèrent la religion mahométane et un gouvernement despotique qui en est la funeste conséquence. Ses chefs furent successivement les califes Fatimites, les sultans Ayoubites et les Mamlouks.

      En 1516, Sélim Ier, empereur des Turcs, arracha l’Egypte à la valeur des Mamlouks, et maintint habilement dans leurs droits les vingt-quatre sangiaks ou beys, gouverneurs de provinces, qui partageaient l’autorité avec le délégué du sultan. Dans un traité publié l’an 887