Iza Lolotte et Compagnie. Alexis Bouvier

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Название Iza Lolotte et Compagnie
Автор произведения Alexis Bouvier
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066316440



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robes. Je la mène deux fois par semaine chez sa couturière. Du reste, c’était une toute petite valise, trop petite pour une robe. Enfin, il y a des gens qui feraient mieux de s’occuper de leurs affaires. Je te dis: elle a horreur des Parisiens, puisque ma femme m’a dit qu’on l’avait chassée de là.

      –Ah! ça se pourrait, à cause de ça.

      –Enfin, si ça se trouve, je te le dirai; si, comme on dit, on augmente les voitures, j’aurai peut-être besoin d’un homme avec moi,

      –Ah! c’est ça qui m’irait!

      –Eh bien! sais-tu, t’as l’air bon enfant; reviens dans deux ou trois jours, c’est d’ici là que ça se décide. Moi je te quitte, car c’est l’heure où madame me fait appeler si elle veut sortir.

      –Eh bien! dit Chadi, veux-tu que je revienne demain?

      –Oui, c’est ça, demain. Ma femme m’a dit que tout allait changer dans la maison, aujourd’hui ou demain; on attend la réponse.

      –Tiens, c’est peut-être ce que j’ai vu apporter quand je suis venu à l’hôtel; on venait du télégraphe.

      –Ça se pourrait bien; ma femme va me le dire.

      –Eh bien, si tu veux, je viendrai demain; mais où te verrai-je?

      –Ici.

      –A pareille heure?

      –Oui.

      –Bien; si tu veux, j’offre à déjeuner.

      –T’es un bon bougre, toi; je veux bien.

      –Alors viens plus tôt.

      –Eh! prends-moi à l’hôtel; nous viendrons ensemble.

      –C’est entendu, à demain.

      –Entendu.

      Ils se serrèrent la main.

      Le cocher parti, Chadi paya au comptoir et–se hâta d’aller rejoindre Huret.

      Il allait s’arrêter pour lui parler et lui raconter ce qui s’était passé au cabaret. L’agent, d’un coup d’œil, lui fit signe de continuer son chemin sans paraître le voir. Quand Chadi eut fait vingt pas, Huret marcha derrière lui.

      Arrivé à l’extrémité du parc, le jeune ouvrier regarda s’il était suivi; là encore, l’agent, d’un signe d’yeux, lui commanda de marcher toujours, indiquant le chemin.

      Ce manège se renouvela plusieurs fois. L’agent, pendant le trajet, avait regardé souvent derrière lui pour voir s’il n’était pas suivi.

      Ils arrivèrent ainsi sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Huret avait rejoint le jeune homme; en passant près de lui, il lui dit:

      –Va à l’hôtel.

      Ils prirent chacun un chemin différent pour se rendre au Grand-Monarque.

      Lorsqu’ils furent seuls dans leur chambre, Chadi demanda:

      –Qu’est-ce qu’il y avait donc, que vous m’avez défendu de vous parler?

      –J’avais été vu. Déjà hier, elle m’avait reconnu. Je ne voulais pas qu’on nous vît ensemble, afin que tu puisses me servir; et nous pouvions être suivis. Maintenant, nous sommes seuls, nous allons causer. En attendant, là-bas, j’ai arrêté tout un plan nouveau. Il faut agir promptement; demain, on saurait que nous sommes ici ensemble, et ce que je veux faire risquerait de ne pas réussir.

      –Je vous écoute, et je suis tout bouleversé; vous avez un air singulier; qu’est-ce que nous allons donc faire?

      –De grandes choses, pour lesquelles il me faut ton dévouement absolu.

      –Oh! ça, vous savez bien que vous pouvez y compter; commandez, je suis prêt. Seulement, ajouta Chadi, si ça n’est pas indiscret, je vous ferai observer que nous sommes sortis de très bonne heure ce matin; */ nous avons cassé une croûte, c’est vrai; mais nous avons passé cinq heures devant la grande porte, au bout desquelles j’ai pris avec mon homme un verre de vin qui m’a creusé. Nous ferons tout ce que vous voudrez, mais après déjeuner.

      Huret sourit en disant:

      –Tu as donc toujours faim!

      Chadi parut étourdi de l’observation et répondit vite:

      –Toujours faim! mais comptez donc: voilà plus de sept heures que nous n’avons mangé.

      –Rassure-toi, nous sommes rentrés ici pour ça; nous allons manger dans notre chambre. Nous pourrions être vus dans un établissement public; c’est ce que je veux éviter, et c’est en déjeunant que tu me raconteras ce que tu as appris.

      –Ça me va, ça; d’autant plus que ce que j’ai à vous dire ne m’empêchera pas de manger; je n’ai pas appris grand’chose.

      –Nous verrons ça.

      Quelques minutes après, ils étaient attablés et, en déjeunant, Chadi racontait son entretien avec le cocher.

      Quand il eut terminé, Huret résuma en disant:

      –Ainsi, on n’en sait pas plus sur elle ici qu’à Paris. Pour savoir, il faudrait être dans la maison. Crois-tu véritablement que tu y entreras?

      –Ça, j’en suis certain. Comment, pourquoi faire, je ne puis pas le dire, mais je vous garantis que j’y entrerai.

      —Ceci est déjà beaucoup.

      —Alors, vous êtes content de moi?

      —Oui.

      Et, pour prouver sans doute sa satisfaction, Huret sonna le garçon et lui commanda d’apporter deux bouteilles de vin fin.

      A l’étonnement de Chadi, il répondit en riant.

      –Que veux-tu faire? il faut tuer le temps. Nous avons assez travaillé aujourd’hui; nous allons rester ici, pour arrêter définitivement ce que je vais faire.

      –Oh! fit Chadi, quelques verres de bon vin, ça ne m’effraye pas; mais j’étais venu avec vous pour visiter Bruxelles, et, si nous avons du temps, nous pourrions en profiter.

      –N’achève pas. Je t’ai dit qu’il ne fallait plus qu’on nous voie ensemble. Il faut qu’on ne nous voie ni l’un ni l’autre, aujourd’hui surtout. Tu partiras d’ici pour t’en aller de ton côté et moi du mien dès ce soir.

      –Moi, ici, tout seul! Et qu’est-ce que vous voulez que je fasse? Si vous n’avez plus besoin de moi, je reprends le train.

      Hochant la tête et souriant, Huret répondit:

      –Tu partiras avec moi, tu verras Bruxelles plus tard. Ce qu’il faut que tu fasses, je vais te le dire.

      –Mais, du train où ça va, vous me garderez toute la vie.

      –C’est possible, fit gaiement Huret mirant le vin dans son verre avant de le boire.

      Et Chadi de répondre, ahuri:

      –Vous plaisantez! Et le patron?. Ah! et puis, c’est Denise qui en ferait une vie!...

      –A ton patron, tu vas écrire. Ou, plutôt, je lui écrirai, moi. Eh! mon Dieu, Mlle Denise, si tu dois rester trop longtemps, eh bien, tu la feras venir.

      Chadi but son verre d’un coup et exclama:

      –Oh! bien, comme ça, ça me va alors.

      Tout en buvant, ils arrêtèrent ce qu’on allait faire pour que le jeune ouvrier pût rester quelque temps à Bruxelles.

      Huret écrivit à son patron, et Chadi à sa maîtresse.

      Quand ils eurent fini, Chadi, las d’être