Iza Lolotte et Compagnie. Alexis Bouvier

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Название Iza Lolotte et Compagnie
Автор произведения Alexis Bouvier
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066316440



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deux photographies.»

      –Tiens, tiens, fit Huret; mais cela se corse. Vol avec effraction, et maintenant infanticide! Allons, la chose devient intéressante.

      –Vous avez du nouveau? demanda Chadi en voyant le sourire de l’agent.

      –Je te dirai ça plus tard, Chadi. Viens avec moi.

      Et il l’entraîna du côté de la rue de la Loi.

       LE NOUVEAU

       CAISSIER DE LA BANQUE FLAMANDE

       Table des matières

      Huret et Chadi s’étaient postés chacun d’un côté du petit hôtel de la rue de la Loi, à une centaine de pas de la porte cochère, observant et notant tous ceux qui entraient ou sortaient.

      Après cinq heures de cette faction, qui n’avait donné aucun résultat, Huret rejoignit Chadi et lui dit qu’il fallait, à tout prix, pénétrer dans la maison, pour savoir si l’on attendait ou si l’on avait reçu des nouvelles de Paris. Tous deux en cherchaient les moyens, lorsqu’ils virent un petit garçon, employé du télégraphe, entrer dans l’hôtel.

      Huret dit aussitôt à Chadi:

      –A tout prix, il faut que nous sachions ce que contient cette dépêche.

      Le nez en l’air, la bouche ouverte, Chadi le regardait avec ahurissement, se demandant s’il savait ce qu’il disait.

      –Oui, il le faut, affirma de nouveau l’agent Huret.

      –Comment faire?

      –D’abord, dit Huret, il ne faut pas rester plus longtemps devant cette maison; nous pouvons être remarqués, cela serait nuisible.

      Ils remontèrent un peu.

      Chadi exclama tout à coup:

      –Ah! mais, j’ai une idée, moi.

      –Voyons!

      –Le postillon avec qui j’ai causé hier peut avoir oublié son fouet; je rentre, je demande le cocher, je lui dis que je suis envoyé par son ami de la veille, pour savoir s’il n’a pas trouvé un fouet. Il me dit oui ou non,–je suis sûr qu’il me dit non,–et, l’ayant dérangé, je lui propose de boire un coup, et, s’il y a moyen, je le fais causer.

      –C’est ça, fit l’agent. Moi je ne quitte pas mon poste et reste toujours en observation.

      Chadi n’était pas de Paris pour rien; il avait toutes les audaces. Il était surtout plein de confiance en lui-même, pas timide et nullement embarrassé. Bien reçu ou fichu à la porte, cela ne le préoccupait d’aucune sorte.

      Il entra dans l’hôtel. Moins d’un quart d’heure après, il en sortait. En passant devant Huret, il lui dit:

      –Je vais l’attendre dans un cabaret et le faire causer. A tout à l’heure.

      Et il fila son chemin, prenant la rue du Commerce, pour arriver jusqu’au coin de la rue Marie-Thérèse.

      Là se trouvait un petit cabaret, tenant le milieu entre la taverne et la gargote, espèce de petit marchand de bière. Quelques artisans et des domestiques y venaient prendre leur pension. Une boutique discrète, derrière les vitres de laquelle s’étalaient des biftecks, des côtelettes, des rognons crus, des salades; le rouge de la viande et le vert des salades tranchaient sur le petit rideau blanc qui masquait la boutique.

      C’est dans ce cabaret, où sans doute il avait l’habitude d’aller, que le cocher avait donné rendez-vous à Chadi, en lui disant:

      –Va toujours m’attendre un peu, sais-tu, au coin de la rue Marie-Thérèse. Tu feras servir, pour une fois; je vais revoir encore à l’écurie, si je retrouve ce fouet. Et, sais-tu, je viens tout de suite avec.

      Il y avait dans le fond, comme isolée des autres, une petite table ronde.

      Lorsque Chadi, en entrant, dit qu’il attendait le cocher d’Iza Lolotte, en commandant une bouteille de vieux bordeaux, c’est sur cette table qu’on le servit.

      A cette heure, celle du dîner sans doute, ce n’étaient que cris, éclats de voix, coups de poing sur les tables, faisant sauter les assiettes. Le cabaret était envahi.

      Toutes les tables, excepté celle sur laquelle on l’avait servi, étaient occupées.

      Au milieu de ce brouhaha, une servante lourde passait, froide, accorte, ne paraissant pas sentir les caresses grossières de quelques convives qui la tapaient au passage. Au fond se trouvait la cuisine; on y voyait le maître de la maison, les bras troussés jusqu’au coude, secouant, remuant ses casseroles, au milieu de la vapeur chaude des fourneaux. Chaque fois que la servante commandait un plat, sans qu’il parût s’en occuper, il répondait d’un ton monotone:

      –Entendu.,

      Dans un petit comptoir, semblant en déborder, était une grosse femme épaisse, jeune encore, qui ne bougeait guère plus qu’un automate et semblait mécaniquement compter, recevoir et rendre la monnaie.

      Un peu ahuri par le bruit, Chadi s’était mis à table et attendait.

      Au bout de quelques minutes, celui qui lui avait donné rendez-vous parut.

      Il vint s’asseoir, et, familier comme les gens de maison, il semblait que déjà ils fussent vieux amis.

      Chadi, après avoir reçu la réponse négative au sujet du fouet qu’on n’avait pas retrouvé, après avoir trinqué, entama l’interrogatoire qu’il voulait, en disant:

      –Sais-tu que ça a l’air d’une bonne maison, où tu es là?

      –Oui, c’est toujours des bonnes maisons, ces filles qu’on sert; on fait ce qu’on veut. C’est moi qui fais les achats pour mes chevaux, et j’ai encore de petits bénéfices.

      –Ces gens-là, ça ne doit pas compter, dit Chadi.

      –Il y a des fois, ça leur pousse comme une maladie. Mais je suis prévenu, et on peut toujours arranger les comptes. Car j’ai ma femme qui est employée auprès de madame, elle aide la femme de chambre. Alors elle sait tout, voit et entend tout.

      –Ah! c’est moi qui voudrais bien me placer comme ça, fit Chadi. On ne cherche pas quelqu’un, chez vous?

      –Pour maintenant, non, mais cela pourrait se trouver. Seulement, je ne sais pas si on voudrait des Parisiens; je crois que madame ne les aime pas beaucoup.

      –Tiens, je croyais qu’elle était de Paris et qu’elle était toujours en correspondance avec là-bas.

      –Elle, Parisienne! Est-ce qu’on sait seulement le pays duquel elle est? On dit que c’est une Bohémienne; on dit que c’est une Hongroise, ajouta le cocher en éclatant ae rire. Elle est de tous les pays; elle est bien partout pour manger les hommes.

      –C’est curieux, répondit Chadi; je croyais qu’elle aimait Paris, qu’elle mangeait toujours des choses de là-bas et qu’elle s’y faisait habiller.

      —Non pas toujours, des fois.

      —Dame, on m’a dit que tous ses chapeaux, toutes ses toilettes venaient de Paris.

      —Dis une fois comment qu’ils savent ça, ceux-là.

      –C’est peut-être des caisses, des ballots qu’ils ont vus arriver du chemin de fer.

      –Jamais, pour une fois que j’en ai vu entrer un seul. Ah! si, hier, quelque colifichet qu’elle aura fait venir.

      –Ah! hier?

      –Oui, au moment de la course;