Le lys noir. Jules de Gastyne

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Название Le lys noir
Автор произведения Jules de Gastyne
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066087135



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n'avais renoncé à tout ce qui avait été jusqu'ici un plaisir pour moi. Je n'avais plus qu'un plaisir: la voir…. Et il n'y avait plus pour moi qu'une lumière: celle qui tombait de ses yeux.

      Madame de Frémilly approuva encore mes paroles et dit:

      —Je vous crois…. Je crois à votre repentir…. Vous pouvez vous considérer, à partir de ce soir, comme le promis, le fiancé de Laurence.

      —Ah! s'écria Jacques, quand j'entendis cette parole … te dire ce que je ressentis … c'est impossible…. J'étais comme foudroyé … foudroyé de bonheur….

      Le promis, le fiancé, moi … et de Laurence!…

      Je tombai à genoux.

      Je saisis le bas de la robe de madame de Frémilly et je l'embrassai avec des transports insensés.

      Mareuil se leva.

      C'était trop pour lui.

      Il jeta dans le feu son cigare qui venait de s'éteindre.

      Et il dit:

      —Toi, Brécourt?

      —Moi, Brécourt.

      —Franchement, je ne l'aurais jamais cru.

      —Et pourquoi?

      —Parce que je te croyais incapable….

      —D'aimer?

      —De pousser la folie….

      —Où ne l'aurais-je pas poussée?… Le promis de Laurence! Son mari bientôt…. As-tu songé aux délices que cela me promettait? Aux félicités surhumaines?

      —Certainement, Laurence est jolie.

      —Ce n'est pas parce qu'elle est jolie que j'étais fou, mais parce que je l'aime. Tu ne comprendras jamais cela, Mareuil, car tu ne l'aimes pas, toi, tu n'aimes pas.

      —Et je n'y tiens guère, si l'amour devait me rendre aussi insensé.

      Il se fit un silence.

      Jacques de Brécourt semblait tout à son extase. On eût dit qu'il avait devant lui la vision de l'image radieuse qu'il venait d'évoquer et que son être tout entier adorait.

      Jamais amour si sincère, si ardent et si pur n'avait peut-être encore embrasé une âme humaine.

      Malgré son indifférence et son scepticisme même, le gros Mareuil en était frappé, et loin d'être disposé, comme tout à l'heure, à railler son ami, il était bien près de l'envier.

      L'amour est donc chose si belle et procure-t-il de telles joies?

      Mais tout à coup, la physionomie de Jacques de Brécourt s'assombrit et il dit:

      —Voilà où j'en étais, dans quelles délices supraterrestres je nageais, sachant le mariage prochain, le jour presque fixé, quand ce soir, il y a quelques heures, madame de Frémilly, comme le soir où elle m'avait dit de rester pour m'ouvrir le ciel, me fit encore, au moment où Laurence nous quittait, le même signe, à peine perceptible, mais cette fois pour me plonger dans les horreurs et les ténèbres de l'enfer. Je ne me doutais naturellement pas de ce qu'elle avait à me dire, et je croyais qu'il s'agissait de quelque dernier détail à régler, d'une clause du contrat peut-être à fixer et qu'elle ne voulait pas débattre devant Laurence, et je revins, après avoir conduit Laurence jusqu'au seuil de la porte, m'asseoir à la place que j'occupais, sans l'ombre d'une appréhension, et les yeux encore tout éblouis de la beauté de celle que je venais de quitter.

      Un mot de madame de Frémilly arrêta sur mes lèvres le sourire heureux qui s'y épanouissait, éteignit dans mes yeux la lumière qui y brillait.

      —Il faut, me dit-elle brusquement, et dès que nous fûmes seuls, renoncer à nos projets, monsieur de Brécourt.

      Je la regardai.

      Je ne comprenais pas…. Je n'osais pas comprendre. Et pourtant, un frisson avait parcouru mon corps et glacé tout mon sang.

      Je demandai:

      —Quels projets?

      —Votre mariage avec Laurence, avec ma petite-fille.

      Je jetai un cri.

      J'aurais vu la terre s'entr'ouvrir, la foudre tomber à mes pieds, que je n'aurais pas été plus saisi.

      Je m'écriai:

      —Ai-je bien entendu?

      —Oui, monsieur de Brécourt, vous avez bien entendu.

      —Renoncer à Laurence, moi?

      —Il le faut.

      —Jamais, madame, jamais!

      Je m'étais levé. J'allais et venais à travers le salon, comme un fou. Le sang bourdonnait maintenant à mes temps. Je ne voyais plus. Je croyais m'agiter au milieu d'un rêve, dans un monstrueux et horrible cauchemar.

      Je voulais parler. La voix s'arrêtait dans mon gosier desséché.

      Je pus cependant bégayer quelques mots à peine compréhensibles.

      —Mais, madame, vous ne pensez pas….

      —Si, monsieur, dit la grand'mère, inflexible, et qui semblait, froide et ferme comme un roc…. J'ai bien réfléchi et ma décision est désormais irrévocable.—

      J'eus un cri d'angoisse.

      —Mais pourquoi?…

      —Ne me forcez pas, dit-elle, à vous faire connaître mes raisons…. D'ailleurs, je ne les dirai pas…. Mais elles sont des plus sérieuses, et il le fallait, croyez-le bien, pour que je me décidasse à vous causer une telle peine et peut-être à Laurence un tel chagrin.

      En entendant ces dernières paroles, un peu d'espoir rentra dans mon âme.

      —Laurence ne sait donc pas? interrogeai-je.

      —Laurence ne sait rien.

      —Ce n'est donc pas, demandai-je encore, parce qu'elle ne m'aime pas, parce qu'elle ne veut plus de moi?

      —Je ne lui demanderai pas, dit la douairière, son sentiment…. Mais je lui dirai qu'elle ne peut pas vous épouser, et elle m'obéira….

      —C'est donc, fis-je, tout l'être criant de douleur, que vous me trouvez indigne?

      —Je n'ai rien, déclara-t-elle, à dire à ce sujet, mais….

      Elle se leva comme pour me congédier.

      Alors, je vis tout tourner autour de moi….

      Il me semblait que la terre allait s'effondrer….

      Je m'écroulai à genoux….

      —Ah! madame, m'écriai-je, avec un accent de détresse qui aurait attendri un roc, mais qui la laissa insensible … ayez pitié de moi!… Vous savez combien j'aime Laurence, quels rêves j'ai faits!… C'est attenter à ma vie que de me l'enlever maintenant, que de m'en séparer, car sûrement j'en mourrai!… Dites-moi au moins pourquoi vous revenez sur votre parole…. Si c'est par ma faute … parce que je vous ai déplu, et que vous avez quelque reproche à me faire, je tâcherai de racheter ma défaillance par une vie de dévouement, de sacrifices, de….

      Je m'arrêtai.

      Je ne savais plus ce que je disais….

      Des larmes grosses comme le doigt roulaient dans mes yeux.

      Madame de Frémilly était toujours debout, se dirigeant vers la porte.

      Je voyais qu'elle faisait des efforts pour rester insensible. Et avec sa haute taille … sa pâleur … son grand air de dignité hautaine, elle avait l'air d'une impérieuse et inflexible statue … justicière d'une faute que j'ignorais … et que