Название | Les Rois Frères de Napoléon Ier |
---|---|
Автор произведения | Albert Du Casse |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066082673 |
Malgré tous les ennuis qui accablaient son âme, Louis ne perdait pas de vue les institutions pouvant être utiles à son nouveau pays. Il fit rédiger un code civil et un code criminel, il compléta le système des contributions, système établissant une égalité parfaite entre tous les habitants. Il fit paraître de sages réformes sur les corporations et sur les maîtrises. Il voulut ensuite instituer comme en France de grands officiers du royaume, des maréchaux, des colonels généraux, et enfin il proposa au corps législatif une loi portant création de deux ordres de chevalerie, l'ordre de l'Union et celui du Mérite. L'institution des grands officiers déplut à l'empereur.
Au mois de janvier 1807 une triste circonstance permit à Louis de montrer ses sentiments d'humanité. Leyde éprouva un épouvantable désastre. Un bateau chargé de poudre fit explosion au milieu de la ville. Il s'y rendit aussitôt, prodigua les secours, les consolations, dispensa les habitants de toute contribution pendant dix ans, fit la remise aux débiteurs des arrérages des impôts non acquittés. En un mot, sa conduite lui gagna tous les cours, à tel point que la Société philanthropique de Paris lui adressa l'expression de sa vive admiration pour sa bienfaisance, et le pria de permettre que la Société offrit à la ville de Leyde les secours dont elle pouvait disposer[58]. La France avait exigé beaucoup de sacrifices de la Hollande, de telle sorte que bien malgré lui le roi fut obligé d'avoir recours à de nouveaux impôts. L'esprit national fut froissé, car pour établir les impôts, il fallait nécessairement contrarier d'anciens usages, et la nation hollandaise est une de celles qui tient le plus aux coutumes, aux mœurs, aux habitudes qui lui ont été transmises par ses pères. Louis fut très peiné d'être forcé d'agir ainsi, mais les circonstances étaient trop impérieuses pour qu'il lui fût permis de tergiverser. Il fit ensuite établir un nouveau cadastre et créa une direction des beaux-arts, à la tête de laquelle fut placé le savant Halmon. Les mesures vexatoires et blessantes pour l'amour-propre du roi, prises à son égard par Napoléon pendant la campagne de Prusse; les effets désastreux pour la Hollande du blocus continental, les lettres acerbes de l'empereur aigrirent à tel point les relations entre les deux souverains, que Louis en vint à être convaincu que même avant de mettre la couronne de Hollande sur sa tête, son frère avait eu le projet de démembrer ce pays et de le réunir à la France. Louis le répète à chaque page dans l'ouvrage qu'il publia plus tard sur la Hollande, ouvrage qui choqua Napoléon à Sainte-Hélène. Il est permis de douter que cette pensée ait réellement existé dès 1806 dans l'esprit de Napoléon, mais ce qu'il y a de positif, c'est que le roi Louis le crut et ne mit plus de bornes à sa résistance aux volontés du gouvernement impérial. Avec un homme aussi absolu que l'empereur, c'était une lutte dangereuse. La Hollande envoya néanmoins une députation au château de Finkenstein. Napoléon l'accueillit assez bien, mais se plaignit de son frère, et le prince de Talleyrand, en recevant les députés à Berlin, leur dit: «Votre roi veut donc favoriser absolument les Anglais?»
Tant que Louis fut à l'armée, la reine Hortense resta auprès de l'impératrice, sa mère, à Mayence; elle revint au commencement de 1807 avec ses deux enfants auprès de son mari. On fut heureux de la revoir, car son affabilité lui avait gagné tous les cœurs. Elle ne tarda pas à éprouver un malheur qui lui causa ainsi qu'au roi le plus violent chagrin. Après un voyage fait par ce dernier dans ses États, ils perdirent leur fils, le prince royal, qui leur fut enlevé en quelques jours par le croup, le 5 de mai. La douleur de Louis et d'Hortense fut affreuse et tellement profonde que l'empereur les en blâma. La reine, ne pouvant supporter la vue de ce qui lui rappelait son enfant, partit pour les Pyrénées. Le roi se hâla de pourvoir aux affaires les plus importantes, telles que le complètement de l'armée, la préparation des projets de lois à présenter à la session législative, et surtout les besoins du trésor; puis il rejoignit sa femme. Louis, en fuyant les lieux qui lui retraçaient l'image toujours présente à ses yeux de son fils, avait en outre deux motifs pour s'éloigner momentanément de la Hollande: rétablir sa santé que le climat empirait visiblement; se soustraire au spectacle de la détresse causée dans le pays par le blocus continental. Ne pouvant empêcher les souffrances de son peuple, il voulait n'en pas être le témoin. Le 30 mai 1807, il se rendit dans les Pyrénées en passant par Paris. Les Hollandais, malgré la juste douleur du roi et le besoin qu'il pouvait avoir de prendre les eaux, s'étonnèrent de le voir s'éloigner de ses États dans un moment aussi critique. En effet, ce fut précisément pendant son absence que fut signé le traité de Tilsitt, après la victoire de Friedland, et à la suite d'une campagne dans laquelle les troupes hollandaises s'étaient fort distinguées.
Après Tilsitt, Napoléon revint en France, Louis en fut informé aux eaux, il se hâta de quitter les Pyrénées. À son passage à Paris, il vit l'empereur qui lui dit en riant qu'il ne devait pas être étonné si on lui rendait compte de l'entrée sur le territoire de Hollande de douaniers et de gendarmes français chargés de punir les contrebandiers. «Au reste, ajouta-t-il, cela sera fait à cette heure.»
Le roi n'en entendit pas davantage, et prenant vivement à cœur ce dont il venait d'être instruit, il partit pour ses États et voyagea sans s'arrêter jusqu'à Anvers. Là il eut des détails sur ce qui avait été fait. Des gendarmes déguisés s'étaient introduits dans les places de Berg-op-Zoom, de Breda, de Bois-le-Duc, et y avaient fait des arrestations. L'indignation de Louis fut à son comble, il destitua le général Paravicini de Capeln, gouverneur de Berg-op-Zoom, le président de Breda, et sollicita, mais en vain, l'élargissement des prisonniers conduits en France.
Le 23 septembre 1807, il revint à La Haye[59]. La reine ne l'y accompagna pas. Soit qu'il ne pût lui-même habiter une ville où il avait perdu son fils, soit pour un tout autre motif, cette ancienne résidence des stathouders lui déplut, il transporta le siège du gouvernement à Utrecht. Il s'y rendit au mois d'octobre et s'y installa fort mal, lui et sa cour, malgré tous les travaux qu'il fit faire. Louis semblait poursuivi par le malheur, il portait partout un visage triste que ne pouvaient parvenir à égayer ni les acteurs français venus de Paris, ni les bals et les réunions qui se succédaient autour de lui.
D'ailleurs, l'absence de la reine frappait toutes les fêtes d'une sorte de langueur. On se souvenait combien à La Haye sa spirituelle vivacité savait animer les cercles où elle brillait par le charme de sa jeunesse et de sa bonté. Le 11 novembre Louis obtint, après beaucoup d'instances, un traité entre la France et la Hollande; mais ce traité, signé à Fontainebleau et en vertu duquel la Hollande cédait Flessingue, parut tellement onéreux au roi, qu'il eut de la peine à se décider à le ratifier. Il ne le fit que dans l'espérance de conjurer de plus grands malheurs et d'éviter de plus grands sacrifices. L'année 1807 s'acheva péniblement et tristement pour ce malheureux prince, qui cherchait en vain dans les beaux-arts une distraction à ses chagrins. Des modifications eurent lieu dans son ministère. L'amiral Verhuell, qui portait le titre de maréchal, quitta le portefeuille de la marine pour l'ambassade de Saint-Pétersbourg. Le roi le trouvait trop dévoué aux intérêts de la France et pas assez à ceux de la Hollande. Le ministre de la guerre Hogendorp fut envoyé à Vienne, et M. Van-Maanen, procureur du roi à La Haye, prit le ministère de la police. L'amiral Verhuell n'alla pas en Russie, l'empereur le réclama comme ambassadeur en France. Le gouvernement français envoya comme ambassadeur en Hollande M. de la Rochefoucauld qui, au dire du roi Louis, avait la mission de préparer la réunion de la Hollande à l'empire.
La paix de Tilsitt fut loin d'apporter quelques adoucissements aux rigueurs du blocus continental. Le système gigantesque de Napoléon pour abattre l'Angleterre et l'amener à merci prit un développement plus considérable encore. Jusqu'alors la France et les États qui dépendaient en quelque sorte de cette puissance étaient seuls contraints à observer les mesures rigoureuses du blocus. Après Tilsitt, l'Europe entière dut s'y soumettre. La Prusse y fut contrainte et remplit ses engagements avec la plus grande énergie. Le Danemark l'adopta avec joie, espérant venger le bombardement de Copenhague.