Les Rois Frères de Napoléon Ier. Albert Du Casse

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Название Les Rois Frères de Napoléon Ier
Автор произведения Albert Du Casse
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066082673



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du fort de Batz.

      Cependant les Anglais, dès qu'ils eurent inondé la Zélande de leurs marchandises, l'évacuèrent. On les vit s'éloigner avec peine, parce qu'ils avaient ravivé le commerce dans cette partie de la Hollande. Les produits de fabrique anglaise refluaient jusque dans le palais du roi, où tout le monde, depuis le grand dignitaire jusqu'au plus simple serviteur, voulait en avoir et s'en parer: on en trouvait partout et partout on en désirait, en dépit du décret du roi qui les prohibait. Ainsi se trouvaient justifiés en partie les rapports des agents de l'empereur et le jugement que Napoléon portait sur les tendances des Hollandais.

      Peu de temps après la conclusion de la paix avec la Prusse et la Russie, une partie de l'armée hollandaise dut franchir les Pyrénées pour aller combattre en Espagne. Les régiments bataves déployèrent beaucoup de bravoure et montrèrent une discipline remarquable. Le roi, qui n'entrevoyait même plus pour la suite une amélioration à la fausse position de ses États vis-à-vis de la France, n'en continuait pas moins de travailler aux réformes intérieures, ainsi qu'on le verra par le récit des événements en 1809.

       1809—Mai 1810.

       Table des matières

      En 1809, tandis que Napoléon battait l'Autriche sur les bords du Danube, que le prince Eugène faisait en Italie et en Hongrie les brillantes campagnes qui illustrèrent son nom, que le roi Joseph luttait contre les Anglo-Espagnols, souvent avec succès, le roi Louis s'efforçait de vaincre les répugnances d'une nation stationnaire et de lui procurer les bienfaits d'une administration analogue à celle de la France, et cependant en rapport avec les mœurs et les coutumes des habitants. Le 13 janvier, il proposa au Corps législatif un projet de loi relatif à l'introduction d'un système uniforme de poids et mesures, basé sur celui de l'Empire français; il fit adopter un nouveau code criminel qui devait avoir force de loi à dater de février 1810. Apprenant qu'une inondation terrible ravageait la Hollande, il se rendit sur les lieux pour s'assurer de la situation des choses, s'exposant à de véritables dangers pour porter des secours et juger des mesures à prendre. À Gorcum, à Nimègue, il paya de sa personne, étudiant avec soin le système d'endiguement qui fait la sauvegarde du pays; il visita, non seulement les villes, mais encore les plus pauvres villages de cette partie de la Hollande; il distribua des décorations et des récompenses à plusieurs ministres de la religion, qui tous étaient à leur poste; il fit surseoir à la perception de tous les impôts dans les districts inondés, forma un comité central du Watterstadt, comité qu'il composa des plus habiles ingénieurs pour conférer avec eux sur les moyens de dresser un plan général d'amélioration pour préserver les pays les plus exposés. Louis visita ensuite les digues du Leek, et ne rentra à Amsterdam qu'après avoir pris connaissance de tous les travaux à effectuer. Il s'occupa aussi d'un travail important sur les cultes[61].

       Au commencement de mars, le roi fit un voyage dans le département de l'Over-Yssel. Son but était d'inspecter le pays pour un grand projet du Watterstadt (l'agrandissement du lit de l'Yssel), d'examiner l'état des finances communales et d'aplanir certaines difficultés entre les catholiques et les protestants, pour la possession des églises. Pendant cette tournée dans ses états, il reçut à l'improviste de l'empereur le décret qui disposait du grand-duché de Berg en faveur du prince royal de Hollande, Napoléon-Louis. Ce décret se terminait ainsi: «Nous nous réservons le gouvernement et l'administration du grand-duché de Berg et de Clèves, jusqu'au moment où le prince Napoléon-Louis aura atteint sa majorité; nous nous chargeons dès à présent de la garde et de l'éducation dudit prince mineur, conformément aux dispositions du titre 3 du 1er statut de notre maison impériale..» Le roi fut content de cette donation, parce qu'il crut y voir l'intention secrète de son frère d'en faire jouir la Hollande; cependant il ne put s'empêcher d'être blessé de n'avoir pas été prévenu et d'avoir appris la cession par une simple lettre d'avis; mais ce qui lui fit un chagrin profond, c'est de voir que sans son consentement, on séparait à jamais son fils de lui, privant ainsi un père de ses droits de tutelle et de surveillance. Il ne témoigna à l'empereur que sa gratitude, espérant voir luire des jours plus heureux pour lui et pour son peuple. Lors de son retour à Amsterdam, il réunit le Corps législatif en session extraordinaire, et l'on s'occupa d'un projet de loi relatif à la noblesse, projet de loi qui fut adopté. Il différait des lois françaises en ce que toute l'ancienne noblesse du pays fut reconnue, en ce que la nouvelle n'eut pas de majorat, et enfin en ce que le roi faisait ériger un certain nombre de terres en comtés ou baronnies, et qu'il se réservait le droit de les donner aux personnes qui mériteraient ces récompenses, à condition que ces domaines rentreraient à la couronne dans le cas où la succession directe viendrait à manquer. C'est cette dernière disposition que le roi regardait comme la seule et véritable base constitutionnelle de la noblesse, dans un gouvernement monarchique, mais libre. Il voulait même qu'à la mort d'un homme ayant bien mérité de la patrie, et qui avait obtenu un comté, une baronnie, ce comté, cette baronnie fissent retour à la couronne, ne pouvant passer en la possession du fils sans une nouvelle donation du roi, faite à la majorité de ce fils, s'il en paraissait digne. «La noblesse n'est honorable et réelle, disait le roi Louis, que lorsqu'elle s'unit au mérite personnel. Le fils du gentilhomme doit être préféré à tout autre pour succéder à son père, à mérite égal, jamais sans mérite et sans autre titre que celui de la naissance. Seule la famille régnante doit être exceptée, parce qu'elle n'est pas établie pour l'intérêt et l'avantage des membres de cette famille, mais pour l'utilité de la société; c'est donc, dans ce cas, une espèce de magistrature.» Telles étaient les idées de Louis sur la noblesse, et nous les trouvons bonnes et rationnelles. «La noblesse, prétendait plaisamment le roi, ressemble à l'empreinte des monnaies, qui est réelle si le métal qu'elle couvre a une valeur intrinsèque, mais qui est nulle et sans prix si le métal est faux.»

      Le 10 avril, après la session extraordinaire du Corps législatif, le roi partit d'Amsterdam pour visiter le Brabant et la Zélande. Dans un des villages où il se rendit, régnait une maladie contagieuse qui répandait la désolation. 140 maisons sur 180 étaient atteintes du fléau. Louis entra dans toutes les demeures infectées par la contagion, adressant des paroles d'encouragement aux malheureux habitants, distribuant lui-même des secours; puis il ordonna de faire venir à la hâte tous les médicaments nécessaires, et il quitta ce malheureux village en disant au curé: «Disposez sans ménagement de tout ce qui est en ma puissance, quelque chose qu'exige la maladie.» Pendant tout son long voyage, comme dans ceux qui l'avaient précédé, le roi fit un bien immense aux pays qu'il visita, et se fit adorer de tous les habitants, qui ne pensèrent jamais à lui attribuer les malheurs résultant pour eux du système impérial. Il revint à Amsterdam par Berg-op-Zoom, le 20 mai. Cependant, ainsi qu'on l'a vu plus haut, la France et l'Autriche étaient de nouveau en guerre. Tandis que la grande armée de Napoléon s'emparait de Vienne (mai 1809), les Hollandais poursuivaient dans le nord de l'Allemagne le partisan prussien Schill et le duc de Brunswick-Oels, qui avait formé un corps d'armée en Bohême, d'où il s'était jeté en Westphalie où régnait, depuis Tilsitt, Jérôme, le plus jeune des frères de Napoléon. Les troupes hollandaises se mirent à la poursuite de Schill qui, après plusieurs marches et combats, se réfugia dans Stralsund. La ville fut enlevée et le partisan prussien y trouva la mort et la fin de ses aventures singulières. Après cette expédition, une partie de l'armée hollandaise quitta Stralsund pour se joindre aux troupes du roi Jérôme et combattre le duc de Brunswick. Les Hollandais formèrent l'avant-garde de l'armée de Westphalie et montrèrent dans ces deux courtes campagnes le plus brillant courage. Pendant que la Hollande envoyait ses enfants combattre pour la cause française, des articles violents et injustes étaient insérés contre elle dans les journaux de France. Louis s'en plaignit à l'empereur, qui lui répondit, le 17 juillet, de Schœnbrunn:

      Mon frère, je reçois votre lettre du 1er juillet. Vous vous plaignez d'un article du journal.... c'est la France qui a sujet de se plaindre du mauvais esprit qui règne chez vous. Si vous voulez que je vous cite toutes les maisons hollandaises qui sont les trompettes de l'Angleterre, ce sera fort aisé. Vos règlements de douane sont si mal exécutés, que