Название | Les Rois Frères de Napoléon Ier |
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Автор произведения | Albert Du Casse |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066082673 |
Il est permis de douter que Napoléon ait porté un tel jugement sur son frère. Louis était fort peu désireux d'une réputation quelconque, et ses malheurs, depuis son avènement au trône de Hollande, vinrent précisément, ainsi qu'on le verra plus loin, de n'avoir pas voulu être un roi préfet. Louis, pendant la campagne de 1796, fit preuve de bravoure en plusieurs circonstances, mais (comme il le dit lui-même dans l'ouvrage qu'il publia en 1820) il le fit par boutade et sans s'occuper d'acquérir une réputation militaire. Il montra du zèle, du sang-froid, nul désir d'avancer, nulle idée d'ambition. Il avait surtout une répugnance invincible pour les excès de toute nature. Il cherchait à remplir ses devoirs, ne se ménageant pas, mais sans tirer vanité de ses actions, sans chercher à se faire valoir. Au passage du Pô (7 mai) il franchit le fleuve un des premiers, avec le colonel Lannes; à la prise de Pizzighettone (9 mai) il entra dans la place par la brèche avec le général d'artillerie Dommartin; à l'attaque de Pavie, ayant reçu l'ordre de suivre l'opération, d'examiner la position de l'ennemi et d'en venir rendre compte à son frère, il resta seul, à cheval, exposé plus que tout autre au feu terrible des défenseurs de la ville. Pavie fut en partie pillée, elle avait mérité ce juste châtiment, cependant ce spectacle révolta Louis, et à partir de ce moment et pendant le reste de la campagne il fut triste, taciturne. Il prit part à la bataille de Valeggio (12 août), au passage de vive force du Mincio, à l'investissement de Mantoue. À la tête de deux bataillons, il fut chargé de s'emparer du pont de San-Marco sur le Chiese, au moment où Bonaparte, après quelques mouvements aussi habilement conçus que rapidement exécutés, se préparait à livrer le combat de Lonato (13 août) et la bataille de Castiglione. La veille de ces belles journées, Louis fut expédié par son frère au Directoire pour rendre compte de l'état des choses, et du retour offensif des Autrichiens de Wurmser. «Maintenant, «dit-il à son jeune aide de camp, tout est réparé: demain je livrerai la bataille; le succès sera des plus complets, puisque le plus difficile est fait, on doit être entièrement rassuré, je n'ai pas le temps de faire de longues dépêches, dites tout ce que vous avez vu.» Louis témoignait son regret de quitter l'armée dans un moment pareil. «Il le faut, ajouta Napoléon, il n'y a que mon frère que je puisse charger de cette mauvaise commission; mais avant de revenir, vous présenterez les drapeaux que nous conquerrons demain.» Peut-être Napoléon qui, quoi qu'on en ait dit, était bon, sensible surtout pour ses frères et pour ses sœurs, avait-il voulu éloigner ce jeune homme des champs de bataille dans lesquels il savait bien qu'il devait, avec une poignée d'hommes, remporter la plus éclatante victoire ou périr lui et sa petite armée? Louis partit donc, remplit sa mission, reçut du Directoire le grade de capitaine et présenta, quelques jours après, ainsi que le lui avait promis son frère, les drapeaux enlevés par nos soldats à Castiglione, drapeaux que Bonaparte avait envoyés par l'aide de camp Du Taillis. Louis se hâta ensuite de rejoindre son général et il put assister au troisième acte du grand drame qui se jouait alors du Pô à la Brenta. Il prit part à la bataille de ce nom, et une part des plus glorieuses aux trois journées d'Arcole (15, 16, 17 novembre). À la première journée, Louis fut celui des aides de camp de son frère qui contribua le plus à le sauver, lorsque le général tomba dans le marécage au bas de la chaussée, après les tentatives faites inutilement pour déboucher de cette chaussée étroite, sur le village d'Arcole. Voyant Napoléon prêt à disparaître dans les eaux bourbeuses, il risqua sa vie avec Marmont pour le tirer de ce mauvais pas; puis il tenta de nouveau, mais en vain, d'enlever le pont[55]. Pendant la seconde journée d'Arcole, Louis non seulement combattit vaillamment près de son frère, mais il fut chargé de la mission difficile et dangereuse de porter des ordres de la plus haute importance au général Robert. Il n'y avait pas d'autre chemin pour remplir son périlleux devoir que de suivre une chaussée balayée par le feu des Autrichiens. En revenant auprès du général en chef par la même route, il courut les mêmes dangers, dont cependant il fut assez heureux pour se tirer sans blessures: «Je te croyais mort, lui dit son frère avec joie en l'embrassant.»
En effet, on était venu annoncer que Louis avait été tué. Peu de temps après, lorsque Napoléon marcha sur Rivoli, au secours de Joubert, Louis fut encore chargé d'une mission épineuse à Peschiera. Il rendit à cette occasion un grand service à l'armée, en ralliant une colonne de fuyards et en arrêtant l'ennemi qui s'avançait sur ses derrières. Lorsqu'il revint auprès du général en chef, Napoléon lui témoigna publiquement la satisfaction que lui faisait éprouver sa conduite pendant cette affaire de Rivoli (14 janvier 1797).
Jusqu'en 1796, Louis, d'une forte constitution, avait joui d'une bonne santé; mais s'étant trop peu ménagé pendant cette longue campagne, ayant d'ailleurs été soumis trop jeune à de trop rudes fatigues, ayant éprouvé plusieurs accidents, fait plusieurs chutes de cheval, il commença à ressentir les effets d'une existence au-dessus de ses forces physiques. À Nice, après le siège de Toulon, il était tombé de cheval par la faute de Junot, qui avait effrayé à dessein sa monture pour voir s'il était bon cavalier. Il s'était fait à l'œil gauche une blessure grave dont il conserva toujours la cicatrice. Après la paix de Campo-Formio, lors de son retour à Paris, ses chevaux s'étaient emportés dans la descente de la montagne de Saint-André, en Savoie; il s'était démis le genou.
Tout cela, joint aux fatigues de la campagne d'Italie, lui fit désirer de prendre, pendant quelque temps, les eaux de Barèges qu'on lui avait conseillées, mais il ne put exécuter son projet. Napoléon s'apprêtait à s'embarquer pour l'Égypte, il avait décidé d'emmener son frère, que d'ailleurs, pour une raison secrète, il ne voulait pas laisser à Paris.
Pendant son dernier séjour en France, Louis avait été visiter à la célèbre pension de madame Campan, à Saint-Germain, sa sœur Caroline, et s'était épris d'une amie de cette sœur, fort jolie personne, dont le père avait émigré. Il confia son penchant à Casabianca, ami de son frère Napoléon, ancien officier supérieur de la marine, qui fut effrayé pour Louis des conséquences de cette passion naissante. «Savez-vous, lui dit-il, que ce mariage ferait le plus grand tort à votre frère, et le rendrait suspect au gouvernement?» Le lendemain Napoléon fit appeler Louis et lui donna l'ordre de partir immédiatement avec ses trois autres aides de camp pour Toulon où ils devaient l'attendre et passer avec lui en Égypte[56]. Louis attendit quelque temps, à Lyon, son frère que le Directoire avait retenu dans la crainte de voir la guerre se rallumer avec l'Autriche, à la suite d'une imprudence de Bernadotte, ambassadeur à Vienne.
Il suivit la division Kléber jusqu'au Caire; mais Napoléon, au moment où il partit pour la Syrie, résolut d'expédier en France un homme sur lequel il pût compter pour faire connaître exactement au Directoire l'état des affaires en Orient et pour lui faire envoyer des secours. Il choisit son frère Louis. Il savait que ce retour en France était sans inconvénient pour son cœur, puisque, après son départ de Paris, la jeune personne qu'il aimait avait été forcée de se marier. Louis partit donc avec les drapeaux pris sur l'ennemi. Il s'embarqua sur la plus petite, la plus vieille, la plus délabrée des chaloupes canonnières. La flotte avait été détruite à Aboukir. Pendant deux mois, il eut à lutter contre la tempête, à éviter les vaisseaux turcs, russes, anglais, portugais croisant dans la Méditerranée entre la France et l'Égypte. Il fut retenu pendant 27 jours en quarantaine à Tarente; de nouvelles tempêtes l'assaillirent quand il reprit sa route. Une seule et mauvaise pompe soutenait son fragile navire qui faisait eau à chaque instant. La situation fut un instant si désespérée qu'il donna l'ordre au capitaine de son bâtiment d'entrer à Messine, bien qu'on fût en guerre avec Naples. La force du vent ayant poussé le bateau hors du détroit, une frégate anglaise lui donna la chasse et il se décida à jeter à la mer les drapeaux qu'il devait présenter au Directoire. Toutefois, après avoir fait escale à Porto-Vecchio en Corse, il parvint à débarquer en France. Aussitôt il fit toutes les démarches en son pouvoir pour avoir des secours, mais il ne put obtenir d'abord que l'envoi de quelques avisos montés par des officiers porteurs de dépêches. Le gouvernement refusa d'expédier des troupes. Louis ne trouva d'aide, au ministère de la guerre, que dans le général Dupont. Enfin, quand on eut quelques détails sur l'expédition de Syrie et sur la seconde bataille d'Aboukir, le Directoire se décida à envoyer des secours et des troupes. Louis s'occupait des préparatifs du départ, qu'il hâtait de tout son pouvoir,