Les Rois Frères de Napoléon Ier. Albert Du Casse

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Название Les Rois Frères de Napoléon Ier
Автор произведения Albert Du Casse
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066082673



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protestation contre le système continental, par lequel Napoléon voulait contraindre l'Angleterre de céder à ses volontés.

      Louis s'entoura d'hommes de mérite et qu'il prit exclusivement parmi les Hollandais. Il commença par faire subir quelques changements à divers points secondaires de la constitution qu'il avait adoptée, puis il se mit à étudier la situation des affaires. Cette étude lui révéla le déplorable état du trésor et de l'administration des digues, l'incohérence des lois judiciaires, la faiblesse de l'armée. Seule, la marine était dans d'assez bonnes conditions. Elle avait deux flottilles, l'une pour la garde des côtes et des ports, l'autre en station à Boulogne-sur-Mer. Le Helder, Amsterdam, Rotterdam possédaient de beaux vaisseaux et de bons officiers pour les commander. L'exercice des cultes était libre, mais l'État salariait les ministres de la religion dominante (la religion réformée) et laissait l'église catholique dans le plus profond dénuement. Ceux qui la professaient n'étaient admis dans aucun emploi public; les juifs étaient rebutés, méprisés. Le commerce languissait, les manufactures ne marchaient pas. Les universités étaient dans un état assez satisfaisant. Tel était l'état moral et matériel de la Hollande à cette époque. Le nouveau souverain ne perdit pas un instant pour porter remède au mal, autant que cela était en son pouvoir. Afin d'alléger les finances, il sollicita de l'empereur le renvoi des troupes françaises et la diminution des armements maritimes, écrivant qu'il abdiquerait si la France ne s'acquittait pas vis-à-vis de la Hollande, et si les troupes de Napoléon restaient plus longtemps à la solde de son royaume. L'empereur mécontent accéda néanmoins aux vœux de son frère, moins peut-être pour lui être agréable que pour augmenter ses forces en Allemagne. On touchait à la guerre avec la Prusse. Louis sentit la nécessité d'organiser son armée pour pouvoir, à toute éventualité, se suffire à lui-même. Bientôt la guerre étant déclarée à la cour de Berlin, il forma deux corps de 15,000 hommes, le premier dont il se réserva le commandement et qu'il dirigea sur Wesel (fin de septembre 1806), le second aux ordres du général Michaud et qui fut placé au camp de Zeist. Il reçut alors de l'empereur, par M. de Turenne, des dépêches dans lesquelles son frère mettait à découvert ses vastes conceptions pour la campagne contre la Prusse. Napoléon lui disait entre autres choses:

      «Vous ferez une diversion utile à Wesel, où je vous prie de réunir votre armée grossie de troupes françaises. Cette armée portera le nom d'armée du Nord. Vous ferez en sorte qu'on la croie beaucoup plus forte qu'elle ne l'est. Si les Prussiens se jettent vers la Hollande et prennent le change, ils sont perdus; s'ils ne le font pas, ils le sont encore. Tandis qu'ils croient que j'établis ma ligne d'opération parallèlement à eux et au Rhin, j'ai déjà calculé que peu d'heures après la déclaration, ils ne peuvent m'empêcher de déborder leur gauche et de porter sur elle plus de forces qu'ils ne pourront en opposer, et qu'il n'est nécessaire pour sa destruction. La ligne rompue, tous les efforts qu'ils feront pour secourir leur gauche tourneront contre eux; séparés, coupés dans leur marche, ils tomberont successivement dans mes lignes. Les résultats sont incalculables. Peut-être serai-je à Berlin avant six semaines. Mon armée est plus forte que celle des Prussiens, et quand même ils me battraient d'abord, aussitôt après ils me trouveront sur leur centre avec 100,000 hommes de troupes fraîches poursuivant mon plan, etc., etc.»

      Tout en admirant l'habile stratégie du grand capitaine, Louis reçut avec désespoir l'ordre d'amalgamer l'armée hollandaise avec l'armée française. Chaque régiment dut être embrigadé avec un régiment français, sous les ordres d'un général français; l'artillerie hollandaise, quoique agissant en dehors de l'artillerie française, reçut un commandant français; enfin Mortier, à la tête du 8e corps stationné à Mayence, fut chargé d'une expédition contre l'électeur de Cassel, avec lequel Louis vivait en très bonne intelligence, et le maréchal eut, pour le soutenir, des troupes de Hollande à portée de ses principales forces. Quoi qu'il en soit, le roi fit encore ce que désirait Napoléon; il opéra l'amalgame, laissa au camp de Zeist le général Dumonceau, nommé commandant des troupes stationnées dans le pays, et lui-même, avec le général Michaud, rejoignit l'armée française à la tête du corps directement sous ses ordres. Ce corps hollandais prit position à Wesel. Le 15 octobre, le roi se porta en Westphalie avec 20,000 hommes, 3,000 chevaux et 40 pièces attelées. Son armée avait pris le nom d'armée du Nord. Elle occupa Munster, Osnabruck, Paderborn, tandis que la division Daendels envahissait l'Ost-Frise. Au moment où les Hollandais allaient attaquer Hammeln et Nienbourg, le maréchal Mortier leur demanda de le soutenir. Le roi marcha en personne sur la Hesse, ajournant ses opérations contre les deux places fortes citées plus haut. Le 1er novembre, il était près de Cassel, lorsqu'il fut joint par un écuyer de l'électeur que le roi Louis aimait et dont il envahissait à regret le territoire. Le roi fit donner à l'électeur le conseil de rester neutre, mais Mortier était déjà à Cassel et l'électeur n'eut d'autre parti à adopter que la fuite. Louis vit le maréchal et fut stupéfait d'apprendre de sa bouche qu'il avait ordre de mettre sous son commandement tous les corps hollandais. Choqué, il revint immédiatement avec ses troupes en Hollande, envoyant un aide de camp à Berlin, à son frère, pour se plaindre et lui dire que tout allant bien, et les Hollandais n'étant plus nécessaires, il les ramenait dans leur pays. À la suite de plusieurs longues conversations qu'il eut avec le général Dupont-Chaumont, ministre de France auprès du gouvernement hollandais, il comprit que l'empereur ne considérait pas les affaires de ce pays comme terminées, et que pour lui il devait se considérer à l'armée comme un prince français.

      À dater de ce moment, le système de l'empereur relativement à la Hollande commença à ne plus être un mystère pour Louis. Du moins le roi crut entrevoir que l'intention de son frère était d'amener, à force de rigueurs, ce malheureux pays à regarder comme un bienfait sa réunion à la France. Dès qu'il crut reconnaître chez Napoléon ce projet funeste à son royaume, il prit la résolution de ne plus agir qu'en souverain et dans toute la plénitude des devoirs que lui imposait ce titre.

      «Ne pouvant ni ne voulant, disait-il, tenir tête à la France, à force ouverte, il faut au moins que le public connaisse la vérité, qu'il soit convaincu que si j'ai pu être trompé, rien ne pourra me détacher d'un pays devenu le mien, auquel me lient les devoirs et les serments les plus sacrés.»

      On conçoit que de pareilles paroles rapportées à Napoléon ne pouvaient adoucir le tout-puissant empereur à l'égard de son frère et de la Hollande. Se croyant, à tort ou à raison, éclairé sur les projets ultérieurs de son frère, se montant peut-être aussi la tête, et attribuant à l'empereur des desseins non encore bien arrêtés dans la pensée de Napoléon, desseins sur lesquels il est possible qu'une sorte de soumission l'eût fait revenir, Louis, de retour à La Haye, ne voulant pas envoyer ses troupes en Prusse et voulant les occuper près de ses États, fit bloquer les places de Hammeln et de Nienbourg sans les faire attaquer. Le général Daendels occupa Rinteln sur le Weser, entre Hammeln et Nienbourg. Le roi apprit alors que Blücher avait été battu à Lubeck. Ne pouvant se faire à l'idée d'être considéré à la grande armée comme un simple officier général, il renvoya à Mortier toutes les troupes françaises qui se trouvaient amalgamées avec les troupes hollandaises, puis il fit venir le général Dumonceau, auquel il confia le commandement général, le chargea du blocus et écrivit à son frère qu'il était obligé de retourner lui-même en Hollande et ne pouvait se rendre ni en Hanovre, ni à Hambourg comme l'empereur le voulait. Peu de jours après, les places de Hammeln et Nienbourg se rendirent. Les Hollandais furent heureux de revoir leur souverain. D'abord ils aimaient déjà réellement ce prince, ensuite ce que redoutait avant tout la population de ce pays, c'était un gouvernement militaire et un roi aimant à faire la guerre.

      La Hollande respirait à peine, qu'un nouveau malheur vint la frapper, on apprit le fameux décret de Berlin et les mesures prises par Napoléon pour le blocus continental. C'était non seulement la mort d'un pays qui ne vivait que par le commerce, mais ce devait être encore une cause de perpétuelle dissension entre ce royaume et l'empire français. Louis en fut atterré. Il comprit que ce système poussé à l'extrême ruinerait peut-être par la suite l'Angleterre, mais qu'à coup sûr il ruinerait auparavant la Hollande et les États commerçants. Il chercha à éluder les dispositions les plus rigides du décret. Malgré ses efforts et sa prudence, il ne put réussir à donner