Название | Jane Austen: Oeuvres Majeures |
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Автор произведения | Джейн ОÑтин |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788027302383 |
Au moment où le colonel était arrivé à Barton-Chaumière, il avait trouvé madame Dasbwood prête à partir. Elle ne pouvait supporter plus long-temps son inquiétude, et s’était décidée d’aller à Cleveland avec sa femme de chambre. Elle n’attendait que l’arrivée de madame Carrey, une de ses connaissances d’Exceter, qui voulait bien se charger d’Emma pendant son absence, sa mère n’osant pas la mener avec elle à cause de la contagion. Mais l’arrivée du colonel et la lettre d’Elinor, en redoublant ses alarmes, la déterminèrent à partir tout de suite. Elle laissa Emma à sa femme de chambre de confiance, qui devait la remettre le lendemain à madame Carrey, et se mit en route avec le colonel. La bonne madame Jennings fut enchantée de la trouver là à son lever, et la combla de soins et d’amitiés. Elle voulait lui conter tous les détails de la maladie de Maria, s’interrompait pour la conjurer d’aller se coucher, pour recommander à Betty d’en avoir soin, etc. etc. etc.
Maria continua de jour en jour à se trouver mieux, et avec sa santé revint aussi graduellement la brillante gaieté de madame Dashwood, et tout le feu de son imagination. Elle disait et répétait souvent qu’elle était à présent la plus heureuse femme qu’il y eût au monde. Elinor ne put s’empêcher d’être intérieurement un peu surprise que sa mère ne regrettât point Edward, et ne parût pas même se le rappeler. Elinor lui avait écrit tout ce qui s’était passé, sans même lui cacher son chagrin de la perte de cet ami, dont elle se croyait si sûre ; mais elle en parlait avec la raison et la mesure qu’elle mettait à tout, et madame Dashwood la prit au pied de la lettre, et jugea qu’elle n’était pas très affligée d’un événement dont elle parlait avec autant de calme. La maladie de sa fille favorite vint ensuite l’occuper exclusivement. Tout autre malheur ne lui parut rien auprès de celui de la perdre, et d’avoir à se reprocher d’en être la cause, en ayant encouragé son malheureux attachement pour Willoughby. Aussi le bonheur de son rétablissement effaçait toute autre pensée. Elle avait de plus un grand sujet de joie, dont Elinor ne se doutait pas, et qu’elle lui apprit au premier moment où elles se trouvèrent en tête à tête.
— Enfin nous voilà seules, mon Elinor, et je puis vous parler de mon bonheur ! Le colonel Brandon aime Maria, il me l’a dit lui-même.
Elinor garda le silence. Elle éprouvait à la fois plaisir et peine. Elle n’était pas surprise de la chose qu’elle savait depuis long-temps ; mais elle l’était du moment que le colonel avait choisi pour cet aveu.
— Si je ne savais pas, chère Elinor, que nous voyons rarement de même, je m’étonnerais du calme avec lequel vous m’écoutez. Quant à moi, cet attachement me transporte de joie ! Le plus grand bonheur que j’aurais pu désirer dans ma famille, c’eût été que le colonel Brandon épousât l’une de mes filles. Je crois par conséquent, qu’avec ce digne homme Maria sera la plus heureuse des femmes. Je désire votre bonheur autant que le sien, mon Elinor ; mais le colonel lui convient beaucoup plus qu’à vous.
Elinor fut sur le point de demander raison à sa mère de cette singulière façon de penser. La différence d’âge était plus grande ; leurs caractères, leurs sentimens n’avaient aucun rapport. Mais elle-même était charmée que madame Dashwood ne vît pas ces obstacles ; elle savait que son imagination l’entraînait toujours à ne considérer que les beaux côtés de ce qu’elle désirait. Elle se contenta donc de sourire. Madame Dashwood n’y vit qu’une approbation et continua son intéressante confidence.
Il m’a ouvert entièrement, dit-elle, son cœur pendant notre voyage. Cet aveu n’était ni prémédité, ni prévu d’avance ; il échappa à un cœur trop plein de sa passion pour pouvoir la dissimuler. De mon côté, comme vous pouvez le croire, je ne parlais toujours que de mon pauvre enfant que je voyais sans espérance. Il ne pouvait me cacher son inquiétude qui, je le vis bien, égalait la mienne. Je le lui dis ; et pensant que la simple amitié ne pouvait pas faire naître une aussi vive sympathie, je prononçai le mol amour. Quand vous auriez, lui dis-je, l’amour le plus passionné pour ma pauvre fille, vous ne seriez pas plus affligé. Alors, Elinor, il ne put se contenir, et me fit connaître en entier son sentiment pour Maria, si tendre, si vif, si constant. Il l’a aimée, mon Elinor, dès le premier instant où il l’a vue. Oh ! si vous l’aviez entendu me peindre la force de cette impression, vous en auriez aussi été touchée !
Elinor sourit encore en baisant la main de sa mère ; elle ne reconnaissait dans cette description romanesque de l’amour du colonel, ni son langage, ni sa manière, mais bien les embellissemens de l’active imagination de madame Dashwood, qui colorait tous les objets pour elle. Son attachement pour Maria, continua-t-elle, surpasse infiniment tout ce que jamais Willoughby a senti ou feint de sentir : il est plus ardent, plus sincère, plus constant ; il a subsisté dans toute sa force, malgré la malheureuse passion de Maria pour cet indigne jeune homme, sans le moindre égoïsme, sans le moindre espoir. Tous les désirs du colonel se bornaient à la voir heureuse, même avec un autre. Que de noblesse ! que de délicatesse ! que de sincérité ! Ah ! non, lui n’est pas un trompeur : ses paroles sont la vérité même.
— Le caractère du colonel Brandon, dit Elinor, est généralement connu et estimé ; c’est un excellent homme.
— Je le sais, reprit madame Dashwood, très-sérieusement, et cela m’aurait suffi pour encourager son affection, pour en être charmée. Mais ce qu’il vient de faire, cet empressement de venir me chercher, l’amitié qu’il m’a témoignée, la confiance qu’il a eue en moi, sont assez pour me prouver qu’il est le meilleur des hommes.
— Ce n’est pas seulement, chère maman, cet acte de bonté, où la simple humanité et son attachement pour Maria devaient le porter naturellement, qui doit décider de son caractère ; mais ses anciens amis, madame Jennings, les Middleton, les Palmer l’aiment et le respectent également ; et moi-même, quoique je le connaisse depuis moins de temps, j’ai une si haute opinion de lui, que si Maria peut être heureuse avec lui, je pense comme vous que ce serait le plus grand des bonheurs pour nous. Quelle réponse avez-vous faite ? Lui avez-vous donné quelque espoir ?
— Oh ! ma chère enfant ! Je ne pouvais pas alors prononcer ce mot ; je croyais Maria mourante. Lui-même n’osait demander ni espoir, ni encouragement. Ce n’était pas une demande de ma fille, mais une confidence involontaire, une effusion de douleur et de sympathie. Nous pleurâmes ensemble : je lui dis que son sentiment ajouterait à mon malheur, si j’étais destinée à celui de perdre ma fille ; que je la regretterais pour lui et pour moi. Je ne savais d’abord ce que je disais ; tant d’affliction ! tant de surprise ! J’étais tout-à fait troublée ; mais après quelque temps je lui dis que si Maria vivait, ce que j’osais encore espérer, le plus grand bonheur de ma vie serait de la lui donner ; et depuis notre arrivée, depuis que nous avons repris une délicieuse sécurité, je l’ai répété plus clairement, et je lui ai donné tous les encouragemens qui étaient en mon pouvoir. Le temps, et il ne sera pas long, ai-je dit, amènera tout à bien. Le cœur de Maria ne peut pas appartenir long-temps à un homme tel que Willoughby ; et votre propre mérite doit vous rassurer.
— Assurément il doit être tranquille sur vos intentions, dit Elinor ; mais cependant il ne me paraît pas content comme il devrait l’être.
— Non !… Il est si modeste ; il a tant de défiance de lui-même ! reprit madame Dashwood. Il croit que Maria est engagée trop profondement pour retrouver, de bien long-temps, la liberté de faire un autre choix, et même, dans ce cas, il ne peut s’imaginer que ce serait lui. Il parle de la différence de leurs âges et de leurs dispositions. Mais il se trompe tout-à-fait. Son âge est précisément