Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



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Elle la pressa contre son cœur, en lui disant à demi-voix : Chère Maria ! ici encore nous pourrons être heureuses par notre amitié. – Ah ! oui, répondit Maria ; puis elle ajouta : Chère chaumière ! je veux t’aimer encore, et tes collines, et tes ombrages, et tes beaux points de vue, je les admirerai avec mon Elinor. Elle semblait se réveiller d’un songe pénible qui laisse encore des traces dans l’esprit, mais qu’on cherche à effacer. Lorsqu’elles entrèrent dans le petit salon, Maria tourna ses yeux tout autour avec un regard de fermeté décidée, comme si elle voulait s’accoutumer tout d’un coup à la vue de chaque objet avec lequel le souvenir de Willoughby était lié. Elle parla peu ; mais ce qu’elle dit respirait une douce gaieté, et si quelquefois un soupir s’échappait, elle souriait en même temps pour l’expier. Après dîner, elle voulut essayer de toucher de son piano ; elle s’y assit. Mais la première musique qu’elle ouvrit fut un opéra que Willoughby lui avait procuré, où il se trouvait des duo qu’elle avait chantés avec lui ; et sur la première feuille était écrit de sa main le nom de Maria. Elle secoua la tête, mit ce cahier de côté, et après avoir promené au hasard ses doigts sur les touches, elle se plaignit d’être encore trop faible ; elle ferma l’instrument, mais en déclarant que dès qu’elle serait plus forte elle comptait s’exercer beaucoup et réparer le temps perdu.

      Le matin suivant, tous ces heureux symptômes continuèrent. Elle avait passé une bonne nuit, et le corps et l’esprit étaient encore plus fortifiés. Elle eut l’air de se retrouver avec grand plaisir dans leur jolie demeure. Elle témoigna son impatience de revoir Emma, et parla de leur vie de famille à la campagne, entourées de quelques bons voisins, comme du seul vrai bonheur. Quand le temps sera tout-à-fait beau, dit-elle, et mes forces bien revenues, nous ferons ensemble de longues promenades tous les jours ; nous irons à la ferme, de l’autre côté de la colline, où il y a de si jolis enfans ; nous irons voir les nouvelles plantations de sir Georges ; nous irons à Abeyland voir les ruines de l’ancien prieuré. Elle nomma ainsi une foule de sites qu’elle désirait de revoir ; mais Altenham n’était pas du nombre, et celui-là ne fut pas cité. Nous serons heureuses, dit-elle avec gaieté, notre été se passera doucement et utilement. Je ne veux pas me lever plus tard que six heures ; et tout le temps jusqu’à diner sera employé entre la promenade, la lecture et la musique. J’ai formé un plan d’études un peu sérieuses, et je suis décidée de le suivre. Notre petite bibliothèque m’est déjà bien connue, et je la réserve pour l’amusement. Mais il y a de très-bons ouvrages anciens dans celle de Barton-Park ; et quant aux modernes, je les emprunterai du colonel Brandon, qui achète tout ce qui paraît de bon et d’intéressant. En lisant six heures par jour avec attention, je suis sûre, d’acquérir dans une année un bon degré d’instruction, dont je reconnais que j’ai manqué jusqu’à présent, et qui sera pour moi une source de plaisirs.

      Elinor la loua beaucoup d’un projet aussi vaste et aussi utile, mais en même temps elle souriait de voir cette imagination donner toujours dans les extrêmes, et sortir de l’excès de la langueur, de l’abattement, de l’oubli de soi-même, par l’excès de l’occupation et de l’étude. Ce sourire se changea bientôt en soupir lorsqu’elle se rappela la promesse solennelle qu’elle avait faite à Willoughby de dire à Maria ce qui pouvait un peu le justifier. Elle craignait de troubler de nouveau l’esprit et le cœur de sa sœur, qui paraissaient commencer à se bien guérir, et que ce qu’elle avait à lui communiquer ne détruisît, pour un temps du moins, ses projets de tranquillité. Elle résolut donc d’attendre quelque temps de plus pour que sa santé et sa raison eussent fait encore plus de progrès ; mais cette résolution ne tarda pas à s’évanouir.

      — Maria était restée trois ou quatre jours à la maison, le temps n’étant pas assez beau pour une convalescente. Mais enfin, un matin, la température était si douce, si agréable qu’elle fut tentée d’en profiter et que madame Dashwood consentit à la laisser se promener, appuyée sur le bras de sa sœur, dans la prairie devant la maison, aussi long-temps qu’elle ne serait pas fatiguée. Les deux sœurs sortirent ensemble, marchant doucement, s’arrêtant quelquefois, et s’avancèrent assez loin pour voir en plein la colline qui dominait la chaumière de l’autre côté. Elles firent une pause. Maria regardait sa sœur en silence ; enfin elle dit, d’un ton assez calme, en étendant la main : C’est là, exactement là ; je reconnais la place. Voyez là où la pente est plus rapide ; c’est l’endroit où je tombai, et où je vis Willoughby pour la première fois. — Sa voix faiblit un peu à cette dernière phrase ; mais ; bientôt elle se remit, et elle ajouta : Je suis charmée de sentir que je puis regarder cette place sans trop de peine… Pouvons-nous causer tranquillement sur ce sujet, chère Elinor ? ou bien, dit-elle en hésitant, vaut-il mieux ne nous en point occuper ? J’espère cependant que je puis à présent en parler comme je le dois.

      Elinor l’invita tendrement à lui ouvrir son cœur.

      — Je puis déjà vous assurer, dit-elle, que je n’ai plus nul regret pour ce qui le concerne. Je ne veux pas vous parler de mes sentimens passés, mais de mes sentimens actuels. À présent je vous jure, Elinor, que si je pouvais être satisfaite sur un seul point, je serais complètement tranquille. Ah ! s’il pouvait m’être accordé de croire qu’il m’a aimée une fois, qu’il ne m’a pas toujours trompée ! mais par-dessus tout, si je pouvais être assurée qu’il n’est pas aussi vicieux que je l’ai imaginé depuis l’histoire de cette infortunée jeune fille, et qu’il faudrait le croire pour que je dusse penser que c’était le sort qu’il me destinait ! Ah ! cette idée est cruelle, affreuse, et troublera toujours ma tranquillité.

      Elinor recueillait toutes les paroles de sa sœur dans son cœur, et lui répondit : Si vous étiez donc convaincue qu’il n’a jamais eu sur vous de projets coupables et qu’il vous a vraiment aimée, vous seriez contente et tout-à-fait à votre aise ?

      — Oui, oui, je vous le jure, et j’en suis sûre. Ma paix y est doublement intéressée ; car non seulement il est horrible de suspecter d’un tel dessein une personne qu’on a aussi passionnément aimée ; mais ce dessein me fait honte à moi-même. Je lui ai montré mon attachement avec tant de confiance et si peu de retenue, qu’il a pu peut-être en conclure qu’il trouverait peu de difficultés ; cependant je n’ai pas, à cet égard, à me plaindre de lui. Mais qui sait où pouvait m’entraîner une affection si vive pour un homme sans principes, qui regarde comme un jeu la perte d’une jeune personne ? Oh ! si je pouvais croire qu’il m’a mieux jugée !

      — Et comment alors, dit Elinor, expliqueriez-vous sa conduite ?

      — Je voudrais pouvoir supposer… Oh ! comme je serais heureuse si je pouvais seulement le croire inconstant, très-inconstant et rien de plus !

      Elinor ne répondit pas ; elle débattait en elle-même s’il valait mieux commencer tout de suite l’histoire de la visite de Willoughby, ou différer encore. Elles restèrent quelques minutes en silence.

      — Je crois me venger assez de lui, reprit Maria en soupirant, quand je souhaite que ses réflexions secrètes soient aussi pénibles que les miennes ; il en souffrirait assez pour l’amener peut-être au repentir.

      — Comparez-vous votre conduite avec la sienne ?

      — Non, je la compare à ce qu’elle aurait dû être, à la vôtre, Elinor.

      — À la mienne ! vous avez tort ; nos situations ont si peu de ressemblance.

      — Elles en ont plus que notre conduite. Ne permettez pas à votre bonté, ma chère Elinor, à votre indulgence pour moi, de défendre ce que votre jugement doit blâmer. Ma maladie m’a fait beaucoup de bien, elle m’a donné du loisir et du calme pour de sérieuses réflexions. Long-temps avant que j’eusse la force de parler j’étais capable de réfléchir : j’ai considéré tout le passé ; je n’ai vu dans ma propre conduite, depuis le premier instant de ma connaissance avec lui, l’automne dernière, rien autre chose qu’une suite d’imprudences envers moi-même, et de manques d’égards et de bonté envers les autres ; j’ai vu que mes propres sentimens avaient préparé mes souffrances, et que mon peu de courage pour les supporter m’avait conduite au bord du tombeau. Ma maladie,