Название | Jane Austen: Oeuvres Majeures |
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Автор произведения | Джейн ОÑтин |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788027302383 |
— Ce que je ressentis ne peut s’exprimer, continua-t-il avec feu. Maria mourante, et peut-être des peines déchirantes que je lui avais causées, me haïssant, me méprisant dans ses derniers momens ; maudit par sa mère, par ses sœurs : ah ! ma situation était horrible ! Je ne pus la supporter ; je me décidai à partir, et à cinq heures du matin, j’étais dans mon carrosse. À présent vous savez tout. Il prit son chapeau, et s’approchant d’elle : Ne voulez vous pas, dit-il, me donner votre main ; mademoiselle Dashwood, en signe de paix et de non malveillance ? Elle ne put y résister, et posa sa main sur la sienne ; il la pressa avec affection. – Allez-vous à Londres ? lui dit-elle. – Non, répondit-il, à Haute-Combe pour quelques jours, et il retomba dans une sombre rêverie, et s’appuya, contre la cheminée, semblant oublier qu’il devait partir. – Vous ne me haïssez plus, n’est-ce pas ? dit-il enfin ; vous ne me méprisez plus ?… – Je vous plains du fond de mon cœur, M. Willoughby, et je vous pardonne ; je m’intéresse à votre bonheur, et je voudrais apprendre que…
— Mon bonheur ! interrompit-il, il ne peut plus y en avoir pour moi dans ce monde ! Je traînerai ma vie comme je le pourrai ; la paix domestique est impossible avec ma femme. Si cependant je puis espérer que vous et les vôtres prendrez quelque intérêt à mes actions, ce sera du moins un motif d’être sur mes gardes…… Maria est à jamais perdue pour moi, n’est-ce pas ? même quand quelques heureuses chances de liberté……
Elinor lui lança un regard plein de reproches. – Je me tais, dit-il, et je pars moins malheureux que lorsque je suis arrivé ; elle vivra du moins ! Mais un affreux événement m’attend encore.
— Quel événement ? que voulez-vous dire ?
— Le mariage de votre sœur.
— Vous êtes dans l’erreur ; elle ne peut pas être plus perdue pour vous qu’elle ne l’est actuellement.
— Mais un autre la possédera, et je ne puis supporter cette pensée. Adieu, adieu, je ne veux pas vous arrêter plus long-temps, et diminuer peut-être l’intérêt que j’ai réveillé. Au nom du ciel ! conservez-le moi ! Adieu, adieu, puissiez-vous être heureuses !… Il quitta rapidement la chambre, et l’instant d’après Elinor entendit le roulement de son carrosse.
CHAPITRE XLVII.
Elinor resta encore quelques momens au salon après que Willoughby l’eut quittée, oppressée par une foule d’idées différentes les unes des autres, qui se succédaient rapidement, mais dont le résultat général était une profonde tristesse. Ce Willoughby qu’elle regardait, il n’y avait pas une heure, comme le plus indigne des hommes, qu’elle abhorrait, qu’elle méprisait, excitait en elle, en dépit de tous ses torts, un degré de commisération, d’intérêt même pour ses souffrances, qui allait dans ces premiers momens jusqu’à lui faire éprouver une espèce de tendre regret de ce qu’il était actuellement séparé pour toujours de leur famille, et que sans doute elle ne le reverrait plus. Surprise elle-même de l’influence qu’il exerçait sur son esprit, elle voulut l’analyser, et trouva que c’était un sentiment tout-à-fait involontaire, qui tenait à des circonstances indépendantes de son mérite, et qui se trouvaient avoir peu de poids au tribunal de la raison : c’étaient d’abord les attraits de son charmant extérieur, de cette physionomie agréable, aimable, de sa manière franche, affectionnée, animée ; et il n’y avait nul mérite à lui d’être ainsi : c’était ensuite son ardent amour pour Maria ; mais cet amour n’était plus innocent et devenait un tort de plus. Elle se disait tout cela, sans que l’intérêt qu’il venait de lui inspirer fût diminué le moins du monde ; elle réfléchissait douloureusement au tort irréparable que ce jeune homme s’était fait à lui-même, par l’habitude de l’indépendance, de la paresse, de la dissipation. La nature avait tout fait pour lui ; elle lui avait donné tous les avantages personnels, tous les talens, une disposition à la franchise, à l’honnêteté, un cœur sensible ; et le monde et les mauvais exemples avaient tout corrompu. Chaque faute, en augmentant le mal, avait reçu sa punition au moment même. La vanité qui lui avait fait rechercher un coupable triomphe aux dépens du bonheur de Maria, l’avait entraîné dans un attachement réel et profond, que ses torts précédens l’avaient obligé de sacrifier ; son libertinage avec Caroline l’avait privé de sa seule ressource de fortune ; son mariage, qui avait déchiré si cruellement le cœur de Maria, était pour lui une source de malheurs qui ne lui laissait plus d’espoir. Il résulta de ce tableau que son intérêt augmenta pour un coupable déjà trop puni, sans l’être encore par la haine de ceux qu’il aimait si tendrement : aussi son cœur n’en éprouva plus pour lui.
Elle alla auprès de sa sœur. Celle-ci venait de se réveiller d’un doux et long sommeil, qui confirma toutes ses espérances, Elinor s’assit à côté d’elle en silence. Son cœur était plein. Le passé, le présent, l’avenir, la visite de Willoughby, l’attente de sa mère, tout ensemble lui donnait une telle agitation, que son pouls était sûrement plus élevé que celui de la malade, et qu’elle craignait de se trahir si elle avait dit un seul mot. Heureusement que cette crainte ne fut pas longue. À peine une demi-heure s’était écoulée depuis le départ de Willoughby, que le roulement d’un autre carrosse lui annonça l’arrivée des voyageurs. Elle vola au bas de l’escalier, heureuse de revoir sa mère et de pouvoir la rassurer. Elle arriva à la porte de la maison au moment où madame Dashwood y entrait ; elle la reçut dans ses bras, et sa première parole, en serrant cette bonne mère sur son cœur, fut celle-ci : Elle est sauvée ! elle est bien, aussi bien qu’elle puisse être. Madame Dashwood s’était sentie si émue en approchant de la maison, qu’elle avait cru que c’était un pressentiment qu’elle ne retrouverait plus sa fille chérie. Le passage subit de cette affreuse crainte à l’heureuse nouvelle qu’elle était hors de danger, fut trop rapide pour ses sens ; elle tomba dans une demi-faiblesse sur l’épaule d’Elinor. Elle et leur ami la soutinrent et la portèrent jusqu’au salon. Là, assis à côté de sa fille aînée, elle retrouva ses sens ; mais incapable de parler, elle versa des torrens de larmes, embrassa plusieurs fois son Elinor, se tournait par intervalles vers le colonel Brandon, pressait sa main avec un regard qui lui disait son bonheur, sa reconnaissance, et sa certitude qu’il partageait tout ce qu’elle éprouvait. Ah ! sans doute il le partageait ! Il ne parlait pas non plus, il ne l’aurait pas pu ; mais tout en lui exprimait la joie la plus vive.
Dès que madame Dashwood put se soutenir, son premier désir fut de revoir Maria. Elinor demanda seulement la permission de l’annoncer sans autre préparation. Maria était assez bien pour n’en avoir pas besoin ; et, deux minutes après, la plus tendre des mères était assise sur le lit de son enfant bien aimée, rendue plus chère encore par son absence, son malheur et son danger. Elinor jouissait avec délices de leur bonheur mutuel ; mais en bonne et sévère garde, elle conjura Maria de se calmer, et sa mère de ne pas trop exciter sa sensibilité. Madame Dashwood pouvait être calme et prudente, quand il s’agissait de la vie de l’une de ses enfans, et Maria, contente de savoir sa mère auprès d’elle, se sentant elle-même trop faible pour parler, se soumit au silence prescrit par ses bonnes gardes. Madame Dashwood voulut absolument passer cette nuit à côté d’elle ; et Elinor, qui ne s’était pas couchée les deux dernières nuits, consentit à obéir à sa maman et à se mettre au lit. Elle s’y reposa physiquement, mais ne dormit point ; ses esprits étaient trop agités. Willoughby, le pauvre Willoughby !