Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



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une extrême vivacité ; elle ne devait pas me pardonner, non jamais, avant de savoir ce qui peut-être est une excuse. Mais actuellement je demande d’elle et de vous un pardon mieux motivé. À présent voulez-vous m’entendre ?

      Elinor fit sonner sa montre ; il n’était que huit heures et un quart ; il était impossible que sa mère et le colonel fussent là avant dix heures. Elle dit à Willoughby qu’elle les attendait ; qu’avant tout elle voulait aller revoir sa sœur, et que si elle la trouvait tranquille elle reviendrait au salon pour un quart d’heure.

      — Vous reviendrez, mademoiselle Dashwood, s’écria-t-il avec impétuosité, vous reviendrez ; ou, j’en fais le serment, j’irai vous chercher auprès du lit de Maria, et c’est à elle que je demanderai de m’entendre.

      — M. Willoughby ! dit Elinor d’un ton qui le fit rentrer en lui-même.

      — Pardon, dit-il en baissant les yeux, ne sais-je pas que mademoiselle Dashwood est incapable de tromper ? Je vous attendrai ici, je vous le promets ; mais aussi je n’en sortirai pas que je ne vous aie revue. Si vous ne revenez pas, j’attendrai votre mère, et c’est à elle que j’ouvrirai mon cœur ; elle m’écoutera, je le sais. Excellente femme ! combien elle m’aimait ! Des larmes remplirent ses yeux ; elles achevèrent de subjuguer Elinor. Je reviendrai bientôt, lui dit-elle en sortant.

      Elle courut auprès de sa sœur ; elle dormait tranquillement. Betty était assise à côté d’elle, et lui promit de la demander à l’instant où la malade se réveillerait. En repos alors sur elle, elle se pressa de rejoindre Willoughby pour hâter le moment de son départ. Il se promenait vivement et les bras croisés quand elle rentra. Comment est-elle ? dit-il à demi-voix.

      — Elle repose, et me voici prête à vous entendre ; mais d’un instant à l’autre je puis être appelée auprès d’elle, ou ma mère peut arriver ; je vous conjure encore d’être bref.

      — Bref ! et j’ai tant de choses à dire… Il s’arrêta.

      — Eh bien, commencez donc, dit Elinor impatientée.

      — Je ne sais, dit-il, quelle a été complètement votre opinion sur ma conduite avec votre sœur, et quel diabolique motif vous avez pu me supposer. Peut-être allez-vous me juger plus mal encore ; mais enfin vous devez tout entendre, et je veux être vrai. Quand je m’introduisis chez vous, et j’en cherchais l’occasion qui se présenta d’elle-même, je n’avais d’autre vue et d’autre intention que de passer mon temps en Devonshire d’une manière plus agréable que dans mes précédentes visites à ma vieille tante. L’aimable extérieur de votre sœur, la séduction de son esprit, ses talens enchanteurs attirèrent sans doute mon admiration particulière ; et dès les premiers jours sa conduite avec moi, si tendre, si confiante… Non, je ne conçois pas à présent comment mon cœur y fut insensible ; mais il faut que je le confesse, ma vanité seule était flattée d’une conquête si brillante, si fort au-dessus, à tous égards, de celles dont je m’étais occupé jusqu’alors. Ne songeant point à son bonheur, ne pensant qu’à mon triomphe et à mes plaisirs du moment, animé par son entretien plein de feu, je lui parlai le langage dont j’avais l’habitude avec les femmes ; je témoignai des sentimens que je n’éprouvai pas ; je tâchai par tous les moyens possibles de me faire aimer sans avoir le dessein de lui rendre son affection.

      Elinor, indignée, lui jeta un regard plein de mépris, et l’interrompit en lui disant : Il est inutile, M. Willoughby, que vous parliez plus long-temps et que je vous écoute. Un tel commencement dit tout ; il ne peut être suivi de rien que je veuille entendre ; je vous prie de me dispenser d’un plus long entretien.

      — J’insiste sur ce que vous entendiez tout, répliqua-t-il ; vous savez mon tort, écoutez ma punition. Ma fortune était réduite à moins que rien ; elle n’avait jamais été considérable. J’ai toujours été très-dépensier, et j’étais lié avec des gens riches que je voulais égaler. Chaque année avait ajouté à mes dettes, et je n’avais d’autre espoir de m’acquitter, que la mort de ma vieille cousine, dont le moment était très-incertain, ou bien un mariage avec une femme riche. Dans cette intention, et poussé par les conseils de quelques amis, j’avais déjà fait ma cour dans ce but, l’hiver précédent, à Mlle Grey, qui devait posséder 50 000 livres sterling le jour de ses noces, et m’avait assez bien reçu pour me laisser croire que je pouvais me présenter avec succès. Je ne pouvais donc dans de telles circonstances penser à associer à mon sort une jeune personne sans fortune ; mais avec un égoïsme, une cruauté, qui ne peut jamais m’être trop reprochée, je me conduisais de manière à engager ses affections, sans avoir seulement la pensée de pouvoir jamais l’épouser. Oui, mademoiselle, oui, je mérite ce regard indigné ; je mériterais tout au monde, si je n’avais pas deux choses à dire en ma faveur, qui peuvent un peu, sinon excuser, mais pallier au moins cette indigne conduite. L’une est que je ne savais pas encore ce que c’était que l’amour ; des galanteries banales, des conquêtes faciles et bientôt oubliées avaient jusqu’alors rempli ma vie. L’autre est le serment que je puis vous faire, et dont Maria peut vous confirmer la vérité, est de n’avoir pas eu un instant la coupable pensée de profiter de son attachement, de son inexpérience, de sa jeunesse pour la séduire. Quand elle aurait été entourée d’anges, elle n’aurait pas été plus en sûreté. Son extrême sensibilité, sa franchise sans bornes l’entraînaient quelquefois à des imprudences ; mais son sentiment était en même temps si pur ; elle avait sur la vertu des idées si exaltées, tant de vraie dignité, tant de réelle innocence, qu’il aurait fallu être un monstre pour ne pas la respecter. Ah ! c’était l’être assez que de sacrifier à la vanité, à l’avarice, le bonheur d’une créature si parfaite ! Mais ce n’est pas elle seule que j’ai sacrifiée, pour éviter une situation bornée qui me semblait être la pauvreté, et qui, avec elle, aurait été le bonheur parfait. J’ai trouvé avec la richesse tous les malheurs que j’ai mérités sans doute, mais qui n’en sont pas moins cruels, et j’ai perdu, perdu pour jamais, tout espoir d’être heureux avec la seule femme que j’aie aimée.

      — Vous l’avez donc aimée ? dit Elinor un peu radoucie ; il y a donc eu un temps où vous lui avez été attaché ? Vous voulez m’ouvrir votre cœur, dites-vous ; parlez donc : avez-vous aimé Maria ?

      — Si je l’ai aimée ? ah, dieu ! Résister à tant d’attraits, repousser une telle tendresse ! existe-t-il un homme au monde à qui cela fût possible ? Oui, par degrés insensibles, je me trouvai passionné d’elle, et décidé alors à renoncer à tout pour elle, à lui offrir mon cœur et ma main. Je la connaissais trop bien pour craindre que la médiocrité de ma fortune fût un motif de refus, même pour madame Dashwood, qui ne voyait que par les yeux de Maria, et qui me témoignait une amitié de mère. Résolu de changer de vie, de trouver le bonheur dans l’amour et la simplicité, je voulais lui proposer de nous garder auprès d’elle à la chaumière, jusqu’à ce que la mort et l’héritage de madame Smith me missent à même de conduire ma compagne à Altenham, dont Maria aimait la situation, et qui la laissait dans le voisinage de sa famille. Oh ! combien j’étais heureux en formant ce plan, en pensant que mon existence entière serait ce qu’elle était depuis deux mois, un enchantement continuel au milieu des quatre femmes les plus aimables en différens genres que j’eusse rencontrées dans cette délicieuse habitation ! Vous rappelez-vous, miss Dashwood, la dernière soirée que j’ai passée à la chaumière, quand je conjurai votre mère, que je regardais déjà comme la mienne, de n’y rien changer ? Ah ! le souvenir de cette seule journée suffirait pour empoisonner le reste de ma vie… Et je croyais alors que toutes mes journées seraient semblables à celle-là ! Madame Dashwood m’invita à dîner pour le lendemain, et je me décidai à lui ouvrir entièrement mon cœur, à ne parler de rien à Maria ; j’étais si sûr de son affection ! c’est devant elle que je voulais dire à sa mère : Unissez vos enfans. Je vous quittai plein de cette ravissante idée ; je voulais en parler le soir même à madame Smith, et lui demander son aveu, que j’étais sûr d’obtenir. Cette digne femme vous estimait sans vous connaître, et attachait bien plus de prix aux mœurs, à une bonne éducation, qu’à une brillante fortune. Souvent, lorsque je lui parlais de votre famille,