Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

Читать онлайн.
Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



Скачать книгу

qu’il chérissait, dans un état aussi cruel, c’était presque au-dessus de ses forces. M. Palmer aussi lui demanda comme une grâce de le remplacer à Cleveland : si la maladie tournait mal, dit-il, ces dames auraient besoin d’un ami ; et l’on juge combien cette seule supposition déchirait le cœur du colonel. Maria ignorait tout, et ne parut pas surprise de ne point voir madame Palmer. Il y a même apparence qu’uniquement occupée de deux objets, sa mère et Willoughby, elle l’avait complètement oubliée.

      Deux autres jours s’écoulèrent depuis le départ de M. Palmer ; et la situation de la malade était toujours aussi critique. M. Harris qui venait deux fois par jour, donnait des espérances qu’Elinor saisissait avec avidité ; mais madame Jennings et le colonel n’osaient pas s’y livrer. La première faisait des songes, avait des pressentimens qui ne l’avaient jamais trompée ; le colonel se rappelait plus que jamais la ressemblance frappante entre Maria et son Elisa, et se croyait destiné à perdre encore cet objet de son second amour. Il appelait en vain à son secours et la raison, et la jeunesse, et la bonne constitution de Maria, et l’avis du médecin : rien ne pouvait le rassurer, et dans ses momens de solitude, il s’abandonnait à la plus noire mélancolie et ne croyait pas ; revoir jamais Maria. Cependant, dans la matinée du troisième jour, ils reprirent tous plus d’espérance. Quand M. Harris arriva, il déclara qu’il trouvait Maria beaucoup mieux. Le pouls était plus fort, plus réglé, et chaque symptôme plus favorable qu’à sa dernière visite. Elinor était au ciel en l’entendant parler ainsi, et se félicita de ce que dans ses lettres à sa mère elle avait suivi son propre jugement plutôt que celui de ses amis, en lui parlant du mal de Maria comme d’une légère indisposition qui retardait leur départ de Cleveland, et en fixant presque le moment où Maria serait assez bien pour entreprendre le voyage.

      Mais la journée ne finit pas aussi heureusement qu’elle avait commencé. Sur le soir, Maria parut plus malade qu’elle ne l’avait encore été ; et la fièvre et l’insupportable douleur de tête et les frissons revinrent avec plus de force. Elle avait voulu se lever une heure ou deux sur une chaise longue pour qu’on refit son lit ; elle demanda elle-même à y rentrer, et n’y fut pas plus tranquille. Elinor voulait attribuer cet état à la fatigue, et lui administra les cordiaux prescrits par le médecin ; elle eut enfin la satisfaction de la voir tomber dans un sommeil dont elle attendait les meilleurs effets ; mais il ne fut pas aussi bienfaisant qu’elle l’avait espéré. Quoiqu’elle eût déjà veillé la nuit précédente, Elinor ne voulut pas entendre parler de quitter sa sœur avant son réveil, et s’assit à côté du lit pour observer tous ses mouvemens. Madame Jennings n’était pas très-bien elle-même, et se coucha. Elinor voulut que Betty, qui était une excellente garde, ne quittât point sa maîtresse ; elle resta donc seule avec Maria, dont le sommeil était toujours plus agité. On entendait des plaintes inarticulées sortir de ses lèvres brûlantes, elle changeait à tout moment de posture. Elinor hésitait s’il ne valait pas mieux l’éveiller que de la laisser dans un sommeil aussi pénible, quand tout à coup un bruit accidentel dans la maison la réveilla en sursaut. Elle se leva sur son séant, et s’écria avec un son de voix très altéré et de l’égarement dans les yeux :

      — Est-ce maman ? Ne vient-elle pas ? Ô maman ! maman !

      — Non, ma chère, pas tout-à-fait encore, lui dit doucement Elinor en l’aidant à se recoucher ; soyez tranquille, mon cher amour, elle sera ici avant qu’il soit long-temps.

      — Qu’elle vienne, qu’elle arrive, s’écria Maria en délire, ou bien elle ne retrouvera plus son enfant. Elinor, dites-lui de venir ce soir même ; mais qu’elle ne passe pas à Londres, il la tuerait aussi, car il veut que je meure ! Il est venu avec sa femme, dans son caricle, tout exprès pour me tuer ; ils m’ont écrasée, brisée ; si vous saviez ce que je souffre ! Maman me guérira ; allez la chercher, Elinor ; mais lui et cette femme empêchez-les d’entrer. Je ne veux pas les voir ; je ne veux voir que vous et maman.

      Elinor vit avec douleur qu’elle n’était plus à elle-même ; elle lui tâta le pouls, il était extrêmement agité, on ne pouvait pas compter les battemens, et le délire augmenta avec une telle rapidité, qu’Elinor fut vivement alarmée. Maria ne la reconnaissait plus ; tantôt elle la prenait pour sa mère et l’embrassait avec ardeur en lui disant les choses les plus touchantes et les plus incohérentes ; tantôt elle la repoussait avec horreur en la prenant pour madame Willoughby, qu’elle ne nommait jamais. Enfin Elinor se décida à envoyer chercher sans retard M. Harris, et à dépêcher un exprès à Barton pour faire venir sa mère. Elle voulut consulter à cet effet le colonel Brandon, et laissant un moment sa sœur aux soins de Betty, elle se hâta de descendre au salon, où elle savait qu’il restait très-tard.

      Elle le trouva en effet, et lui communiqua ses craintes, craintes qu’il avait déjà depuis long-temps. Il l’écouta dans un sombre désespoir ; ce qu’il aurait pu dire aurait été bien faible pour ce qu’il sentait ; mais à peine eut-elle articulé le désir d’envoyer un messager à madame Dashwood, qu’il prit vivement la parole pour lui offrir de se charger lui-même de cette commission. Elinor ne fit nulle résistance, nul compliment, cette offre répondait trop bien à tous les vœux de son cœur : et comment refuser un ami si bon, si sensible, qui apprendrait avec précaution à sa mère le malheur qui les menaçait, qui la soutiendrait, la consolerait dans cet affreux moment, et dans un voyage si triste et si fatigant par sa promptitude ? Excellent ami, lui dit-elle en pressant sa main, ma reconnaissance égale le service que vous nous rendez ; je suis moins inquiète pour ma mère puisque vous serez avec elle. Qui sait l’effet que peut produire sa seule présence sur un cœur tel que celui de Maria ? Oh ! s’il était donné à l’amour maternel de la rendre à la vie, nous vous devrons peut-être aussi ce bonheur. Qui sait si ma mère, altérée d’un tel coup, aurait été en état d’entreprendre cette course toute seule ? Mais vous soutiendrez son courage ; je vais lui écrire un mot pendant que vous ferez préparer les chevaux.

      Pas un moment ne fut perdu : le colonel fit tous les arrangemens de ce petit voyage avec calme et promptitude. Il calcula exactement le temps qu’il y mettrait, et le moment de son retour. Il espérait, en partant tout de suite, pouvoir être revenu le lendemain à peu près à la même heure ; il était environ onze heures du soir.

      Les chevaux furent prêts plus vite même qu’on ne l’aurait cru ; le colonel pressa la main d’Elinor avec le regard le plus expressif de douleur et d’amitié, et se jeta dans sa voiture. Minuit sonna ; elle se hâta de retourner auprès de sa sœur pour attendre le médecin, bien décidée à veiller encore.

      CHAPITRE XLV.

       Table des matières

      Cette nuit fut également douloureuse pour les deux sœurs. Les heures s’écoulèrent les unes après les autres sans apporter de changement ; Maria dans un délire toujours croissant, et Elinor dans la plus cruelle anxiété, attendant le médecin avec impatience, et redoutant d’entendre ce qu’il allait prononcer. Une fois que ses craintes furent éveillées, elle paya bien cher sa première sécurité, et Betty, qui veillait avec elle, la torturait encore en lui parlant des tristes pressentimens de sa maîtresse. Elinor n’était pas du tout superstitieuse ; mais, qui n’a pas éprouvé qu’on le devient dans un grand danger ? Elle écoutait tout, croyait tout, s’affligeait de tout, et n’avait presque plus conservé d’espérance. Les idées de Maria étaient encore fixées par intervalles sur sa mère, et lorsqu’elle prononçait son nom en l’appelant avec vivacité, c’était un nouveau coup de poignard pour Elinor, qui se reprochait amèrement d’avoir laissé passer plusieurs jours sans la faire venir. Peut-être madame Dashwood, éclairée par sa tendresse maternelle, aurait imaginé quelque remède salutaire, qui serait à présent inutile ou trop tardif. Elle se représentait sans cesse cette tendre mère arrivant et ne retrouvant plus son enfant chéri, ou la retrouvant en délire, et n’en étant pas même reconnue.

      Elle était sur le point d’envoyer encore chez M. Harris quand il arriva environ sur les cinq heures ; son opinion fut cependant moins alarmante que