La loi de Dieu. Charles Deslys

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Название La loi de Dieu
Автор произведения Charles Deslys
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066331979



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fut Yvonne qui répondit:

      –Quahd on meurt comme sont morts Brieuc et Corentin, comme mourront peut-être Benjamin et Gabriel…, en cherchant à sauver des hommes ou des âmes!…, c’est-à-dire pour le service de Dieu., la mort est une récompense., un bien!

      Tandis qu’elle prononçait ces paroles, Yvonne rappelait ces vierges chrétiennes qui jadis, le front calme, le sourire aux lèvres, le regard illuminé par une dernière prière, attendaient, héroïquement au milieu du cirque, la couronne du martyre, et qui sont des saintes dans le ciel.

      –Partez! partez tous les deux! dit alors le vieux Penhoël, et si le Seigneur veut que je reste seul ici-bas, que sa volonté soit faite!

      Quelques jours plus tard, Gabriel et Benjamin ’embarquaient pour la Chine. De loin, à l’extrémité de la jetée, le père et la jeune sœur adressaient aux deux missionnaires un suprême adieu.

      Puis, tous les trois, nous allâmes nous agenouiller au pied do la grande croix qui domine la rade, Jusqu’alors le vieillard n’avait pas versé une larme. Mais, en rentrant dans sa maison déserte, il se laissa tomber sur le fauteuil rustique, autour duquel se groupaient autrefois ses quatre fils, et il pleura.

      –Je vous reste, mon père, dit Yvonne en l’entourant de ses bras, en baisant ses cheveux blancs.

      Quant à moi, j’avais pris les deux mains du vieillard dans les miennes, je lui criai du fond du cœur:

      –Ne suis-je pas aussi votre fils?

      Hélas! j’oubliais en ce moment la dette qu’il me fallait payer à la patrie.

      –Courage! me dit Yvonne au moment du départ, faire son devoir, servir son pays, c’est encore servir le Seigneur!

       Table des matières

      Cinq années se passèrent,

      J’étais en Afrique, je venais d’être décoré, j’étais sergent-major, lorsque deux lettres m’arrivèrent presque simultanément… deux lettres cachetées de noir.

      La première m’annonçait la mort du père Penhoël, la seconde celle de mon oncle Kerkadec. J’étais riche maintenant, je pouvais être libre.

      Je m’empressai de retourner à Saint-Malo. Oh! comme le cœur me battait en rentrant dans la maison d’Yvonne!

      Sous son vêtement noir, elle était plus belle encore; elle m’accueillit avec un sourire plein de tendresse, mais dont cependant la grave mélancolie me frappa.

      –Ma promise, lui dis-je en m’agenouillant devant elle,–ma fiancée… ma femme!

      Pour toute réponse, elle me montra sa robe noire.

      –A l’expiration de votre deuil, répondis-je, nous nous marierons, Yvonne?

      –Je l’ai promis à mon père expirant, murmurat-elle, et je tiendrai ma promesse.

      Les jours suivants, elle me renouvela la même assurance. Et cependant il y avait dans son regard, dans son attitude, quelque chose de plus en plus étrange.

      On eût dit que son âme se détachait des choses terrestres, que ses yeux cherchaient à l’horizon comme un monde invisible. Elle avait la pâleur et presque l’immobilité d’une statue de marbre; elle semblait plongée dans une sorte d’extase.

      Etonné, inquiet, je lui fis l’aveu de mes craintes, je la suppliai de s’expliquer franchement.

      –Ce n’est rien…, rien, dit-elle, j’ai l’âme encore tout attristée.

      –Mais, répondis-je, il sera bientôt temps de reparler mariage.

      Et, lui prenant la main, j’y mis un baiser.

      Au contact de mes lèvres, elle frissonna. Un douloureux pressentiment m’étreignit le cœur, je m’écriai:

      –Yvonne… ah!… vous ne m’aimez plus, Yvonne!

      Elle me regarda tout étonnée, Puis, voyant que je pleurais à ses genoux, elle m’embrassa au front, elle s’enfuit.

      Tout.cela devenait de plus en plus alarmant, de plus en plus incompréhensible. Une fiévreuse angoisse, un morne chagrin, s’emparèrent de moi. Yvonne s’en aperçut; elle s’efforça de redevenir ce qu’elle était autrefois, affectueuse et souriante.

      Le dernier mois de son deuil s’écoula ainsi.

      –Faut-il faire publier nos bans? demandai-je enfin.

      –Ami, répondit-elle, attendons qu’il m’arrive une lettre de mes deux frères qui sont là-bas, en Chine… Voici plus d’une année que je n’ai reçu de leurs nouvelles.

      –Cependant, murmurai-je, si ce retard devait se prolonger longtemps encore…

      –Non! intorrompit-elle avec un accent convaincu, ne craignez pas cela, eu sera bientôt..; quelque chose me le dit là. un de ces pressentiments du cœur qui ne trompent jamais.

      J’insistai néanmoins. Yvonne me supplia de ne pas lui refuser ce délai suprême, elle me le demandait avec des larmes dans les yeux, à mains jointes. Je me résignai. Hélas! je n’attendis pas longtemps. Le lendemain soir, comme j’arrivais à la maison d’Yvonne, j’en vis sortir un auguste prélat, l’évêque de Rennes-

      J’entrai vivement, j’aperçus Yvonne agenouillée non loin du seuil, et pâle comme une morte. A plusieurs reprises je voulus l’interroger, mais vainement; elle semblait ne pas m’entendre. Enfin, je lui touchai l’épaule.

      Elle releva les yeux, me reconnut, se redressa lentement, me fit asseoir dans le grand fauteuil du père Penhoël et me dit:

      –Ecoutez… ce que je viens d’apprendre et ce que j’ai résolu. J’espère que vous me comprendrez, mon ami… je l’espère.

      Voici, ou du moins à peu près, ce qu’Yvonne me raconta.

       Table des matières

      Après un premier temps d’épreuves, Gaiel et Benjamin étaient parvenus à fonder, dans l’une des provinces les plus reculées de la Chine, dans le Kouang-si, ce que les missionnaires appellent une chrétienté.

      Cette humble et primitive paroisse, perdue dans une montagneuse contrée, au bord d’un grand fleuve, ne se composait tout d’abord que de quelques chaumières habitées par de pauvres parias convertis au culte du vrai Dieu.

      Grâce aux efforts persévérants, grâce à l’attractive vertu des deux jeunes apôtres, la colonie s’accrut rapidement, devint très-prospère.

      De nombreuses habitations s’élevèrent sur cette rive jusqu’alors déserte; les campagnes environnantes furent défrichées, se couvrirent d’intelligentes cultures, car les frères Penhoël n’enseignaient pas seulement la religion, mais aussi le travail.

      Ce travail fut béni de Dieu; la chrétienté ne tarda pas à se trouver assez riche pour élever, dans ce pays idolâtre, une chapelle que surmontait la croix.

      Toutes les vertus évangéliques, toutes les béatitudes possibles ici-bas s’épanouissaient, ignorées et paisibles, dans ce simple coin de terre, dont les frères Penhoël avaient fait une sorte de paradis.

      Bientôt leur réputation s’étendit au loin, leur attirant de nouveaux prosélytes. Quelque temps encore, et toute la province allait devenir chré-’ tienne,

      Mais