La loi de Dieu. Charles Deslys

Читать онлайн.
Название La loi de Dieu
Автор произведения Charles Deslys
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066331979



Скачать книгу

D’UN AMI

       I

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       Table des matières

       Table des matières

       Non habbebis deos alicnos coram me.

      La veille de Solférino, vers le soir, une dizaine de sœurs grises traversaient le camp.

      Leur marche involontairement ralentie, leurs vêtements poudreux attestaient un long voyage: elles arrivaient de France.

      A quelques pas en avant, l’une des saintes filles, qui semblait guider les autres, s’en distinguait par une taille plus élevée, par un pas plus ferme et plus calme.

      Ce devait être une supérieure. Elle paraissait. jeune encore, et, malgré sa pâleur, elle était encore très-belle.

      –Sœur Thérèse! répétaient avec une pieuse vénération tous ceux qui avaient fait la campagne de Crimée.–C’est la sœur Thérèse!

      Elle atteignit un monticule, sur lequel causaient quelques officiers de chasseurs à pied: ils se levèrent tous à son approche, tous ils se découvrirent.

      Sœur Thérèse passa, suivie de ses compagnes.

      Les officiers reformèrent leur groupe, à l’exception de deux, jeunes capitaines qui restèrent debout, un peu à l’écart des autres.

      Le premier,–un Breton nommé Kerkadec,– semblait en proie à une émotion profonde, et les yeux fixés vers le tournant de la route où venait de disparaître la sœur Thérèse, il était devenu presque aussi pâle qu’elle; il restait immobile et comme pétrifié, avec une larme roulant sur chaoque joue.

      –Kerkadec, dit enfin son compagnon qui l’observait, mais qu’as-tu donc?

      –Moi, rien….. rien! répondit-il du ton de quelqu’un qui se réveille en sursaut, et qui veut garder son secret.

      Puis, comme se ravisant tout à coup:

      –Baudouin, fit-il, tu es mon ami, n’est-ce pas?

      Pour toute réponse, Baudouin tendit franchement la main à Kerkadec.

      –Viens, reprit celui-ci, cherchons quelque endroit où personne ne puisse nous entendre. Il faut que tu saches tout, mais toi seul. il le faut!

      Déjà le Breton, de plus en plus ému, se dirigeait vers un coteau dénude, solitaire.

      La nuit approchait, déjà pailletée çà et là de quelques étoiles. Le ciel était d’un bleu sombre, la chaleur accablante encore. Pas un souffle d’air; un vague et lointain murmure comparable à celui de la mer. C’était le bruit du camp qui s’endormait.

      Ses tentes blanchâtres s’étendaient à perte de vue dans toutes les directions; sur toutes les éminences on voyait se dessiner la silhouette d’une sentinelle. Parfois, un feu qui s’allumait, un roulement de tambour, le pas d’une patrouille, un cri de ralliement, le refrain d’une chanson. Tel était le tableau; mais il y planait quelque chose de lourd, d’orageux, de sinistre. C’était la veille d’une bataille.

      Kerkadec se laissa tomber sur un tertre, parut un instant se recueillir et commença ainsi:

       Table des matières

      «Tu t’es souvent raillé de mon penchant à la mélancolie, de ma tristesse. Tu ne t’en étonneras plus, lorsque je t’aurai raconté l’histoire de ma vie.

      Je n’ai pas connu ma mère, elle mourut comme je venais de naître; et j’avais dix ans tout au plus lorsque mon père alla la rejoindre. Ces choses-là ne vous font pas l’humeur gaie, vois-tu bien?

      Un de mes oncles fut mon tuteur; c’était un vieux célibataire, assez égoïste, et qui n’aimait pas les enfants.

      Par bonheur, nous avions pour voisin, à Saint-Malo, un digne maître pilote, .dont la famille était nombreuse et la maison franchement hospitalière.

      Le père Penhoël,–c’était son nom,–avait quatre fils et une fille.

      L’aîné des garçons ne comptait guère plus de quinze ans; les deux suivants étaient à peu près de mon âge. Quant à la fillette, une année de moins que moi, une année de plus que le dernier de ses frères qui, de nom comme de fait, était le Benjamin de la famille.

      Dès le matin, j’allais chez les Ponhoël, et n’en revenais guère que le soir. J’étais pour ainsi dire comme un sixième enfant de la maison; moi aussi j’appelais Yvonne ma sœur.

      Yvonne, c’était la fille du pilote.

      Quelles bonnes et joyeuses parties nous faisions dans sa vieille maison en bois, sur les remparts ou sur la grève!… Oh! c’est pour moi comme un paradis perdu que ces souvenirs-là!

      Je ne tardai pas à m’en voir exilé cependant; il me fallut entrer au collége de Rennes, où mon tuteur venait de m’obtenir une bourse, comme fils d’ancien militaire; cette bourse constituait pour moi tout l’héritage paternel.

      Ce fut un jour de grand désespoir que celui des adieux. Mais au bout d’une année, lorsqu’arrivèrent les vacances, quelle joie de se revoir enfin, quel bonheur de passer un mois tous ensemble, un mois comme ceux d’autrefois!

      Il est vrai que maintenant l’aîné des Penhoël, Corentin, faisait déjà son apprentissage maritime avec son père; il devait être pilote comme lui.

      Quant au second, qui se nommait Gabriel, il allait entrer au petit séminaire; il se destinait à l’état ecclésiastique.

      Il en serait de même pour Benjamin que pour Gabriel, et de même pour Brieuc, le troisième, que pour Corentin. C’était un usage immémorial, une sorte de loi parmi les Penhoël, que l’aîné fût pilote, que le second fût prêtre, et ainsi de suite des autres frères, afin que tous se dévouassent chrétiennement, les uns au service de Diou, les autres au salut des matelots.

      Pour ce qui était des filles, une au moins sur deux se faisait religieuse.

      Une sainte famille que celle-là, une famille vraimont bretonne.

      Le jour même où Gabriel partait pour le séminaire, Corentin s’en allait en mer affronter sa première tempête. Bien que très-impressionnés