Le livre de la Jungle. Rudyard Kipling

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Название Le livre de la Jungle
Автор произведения Rudyard Kipling
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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sont tout à fait semblables à moi! – dit Mowgli en soufflant sur le pot de braise, comme il l’avait vu faire à la femme. – Cette chose mourra si je ne lui donne rien à manger…

      Et il jeta quelques brindilles et des morceaux d’écorce sèche sur la chose rouge. A moitié chemin de la colline, il rencontra Bagheera, sur la fourrure de laquelle la rosée du matin brillait comme des pierres de lune.

      – Akela a manqué son coup, dit la Panthère. Ils l’auraient tué la nuit dernière, mais ils te voulaient aussi. Ils t’ont cherché sur la colline.

      – J’étais dans les terres labourées. Je suis prêt. Vois!

      Mowgli lui tendit le pot plein de feu.

      – Bien!.. A présent, j’ai vu les hommes jeter une branche sèche dans cette chose, et aussitôt la Fleur Rouge s’épanouissait au bout… Est-ce que tu n’as pas peur?

      – Non. Pourquoi aurais-je peur? Je me rappelle maintenant… si ce n’est pas un rêve… qu’avant d’être un loup je me couchais près de la Fleur Rouge, et qu’il y faisait chaud et bon.

      Tout ce jour-là, Mowgli resta assis dans la caverne, veillant sur son pot de braise et y enfonçant des branches sèches pour voir comment elles brûlaient. Il chercha et trouva une branche qui lui parut à souhait, et, le soir, quand Tabaqui vint à la caverne pour lui dire assez rudement qu’on le demandait au Rocher du Conseil, il se mit à rire jusqu’à ce que Tabaqui s’enfuît. Et Mowgli se rendit au Conseil, toujours riant.

      Akela le solitaire était couché à côté de sa pierre pour montrer que sa succession était ouverte, et Shere Khan, avec sa suite de loups nourris de restes, se promenait de long en large, objet de visibles flatteries. Bagheera était couchée à côté de Mowgli, et l’enfant tenait le pot de braise entre ses genoux. Lorsqu’ils furent tous rassemblés, Shere Khan prit la parole – chose qu’il n’aurait jamais osé faire aux beaux jours d’Akela.

      – Il n’a pas le droit, murmura Bagheera. Dis-le. C’est un fils de chien. Il aura peur.

      Mowgli sauta sur ses pieds.

      – Peuple Libre, s’écria-t-il, est-ce que Shere Khan est notre chef?.. Qu’est-ce qu’un tigre peut avoir à faire avec la direction du clan?

      – Voyant que la succession était ouverte, et comme on m’avait prié de parler… commença Shere Khan.

      – Qui t’en avait prié? fit Mowgli. Sommes-nous tous des chacals pour flagorner ce boucher? La direction du clan regarde le clan seul.

      Il y eut des hurlements:

      – Silence, toi, petit homme!

      – Laissez-le parler. Il a gardé notre loi!

      Et, à la fin, les anciens du clan tonnèrent:

      – Laissez parler le Loup Mort!

      Lorsqu’un chef de clan a manqué sa proie, on l’appelle le «Loup Mort» aussi longtemps qu’il lui reste à vivre, ce qui n’est pas long.

      Akela souleva sa vieille tête, péniblement:

      – Peuple Libre, et vous aussi, chacals de Shere Khan, pendant douze saisons je vous ai conduits à la chasse et vous en ai ramenés, et, pendant tout ce temps, nul de vous n’a été pris au piège ni estropié. Je viens de manquer ma proie. Vous savez comment a été nouée cette intrigue. Vous savez comment vous m’avez mené à un chevreuil qui n’avait pas été forcé, pour montrer ma faiblesse. Ce fut habilement fait. Vous avez maintenant le droit de me tuer sur le Rocher du Conseil. C’est pourquoi je demande: Qui vient achever le solitaire? Car c’est mon droit, de par la Loi de la Jungle, que vous veniez un par un.

      Il y eut un long silence: aucun loup ne se souciait d’un duel à mort avec le solitaire. Alors Shere Khan rugit:

      – Bah! Qu’avons-nous à faire avec ce vieil édenté? Il est condamné à mourir! C’est le petit d’homme qui a vécu trop longtemps. Peuple Libre, il fut ma proie dès le principe. Donnez-le-moi. J’en ai assez de cette plaisanterie d’homme-loup. Il a troublé la jungle pendant dix saisons. Donnez-moi le petit d’homme, ou bien je chasserai toujours par ici, et ne vous donnerai pas un os. C’est un homme, un enfant d’homme, et dans la moelle de mes os, je le hais!

      Alors, plus de la moitié du clan hurla:

      – Un homme! Un homme! Qu’est-ce qu’un homme peut avoir à faire avec nous? Qu’il s’en aille avec ses pareils.

      – C’est cela! Pour tourner contre nous tout le peuple des villages? vociféra Shere Khan. Non, non, donnez-le-moi. C’est un homme, et aucun de nous ne peut le regarder entre les yeux.

      Akela dressa de nouveau la tête, et dit:

      – Il a partagé notre nourriture. Il a dormi avec nous. Il a rabattu le gibier pour nous. Il n’a pas violé un seul mot de la Loi de la Jungle!

      – Et moi, je l’ai payé le prix d’un taureau, lorsqu’il fut accepté: la valeur d’un taureau est peu; mais l’honneur de Bagheera est quelque chose pour quoi elle pourrait bien se battre! dit Bagheera de sa voix la plus douce.

      – Un taureau payé il y a dix ans! grogna l’assemblée. Que nous importent des os qui ont dix ans!

      – Et un serment? – dit Bagheera en relevant sa lèvre sur ses dents blanches. – Ah! on fait bien de vous appeler le Peuple Libre!

      – Aucun petit d’homme ne doit courir avec le peuple de la jungle! rugit Shere Khan. Donnez-le-moi!

      – Il est notre frère en tout, sauf par le sang, poursuivit Akela; et vous le tueriez ici!.. En vérité, j’ai vécu trop longtemps. Quelques-uns d’entre vous sont des mangeurs de bétail, et j’ai entendu dire que d’autres, suivant les leçons de Shere Khan, vont par la nuit noire enlever des enfants aux seuils des villageois. Donc je sais que vous êtes lâches, et c’est à des lâches que je parle. Il est certain que je dois mourir, et ma vie ne vaut plus grand’chose; autrement, je l’offrirais pour celle du petit d’homme. Mais afin de sauver l’honneur du clan… presque rien, apparemment, et, à force de vivre sans chef, vous l’avez oublié… je promets que si vous laissez le petit d’homme retourner chez ses pareils, je ne montrerai pas une dent lorsque le moment sera venu pour moi de mourir. Je mourrai sans me défendre. Le clan y gagnera au moins trois existences. Je ne peux faire plus; mais, si vous le voulez, je peux vous épargner la honte de tuer un frère auquel on ne saurait reprocher aucun tort… un frère qui fut réclamé et acheté pour être admis dans le clan, suivant la Loi de la Jungle.

      – C’est un homme!.. un homme!.. un homme! grogna l’assemblée.

      Et la plupart des loups commencèrent à se grouper autour de Shere Khan, dont la queue se mit à battre les flancs.

      – A présent l’affaire est dans tes mains! dit Bagheera à Mowgli. Nous autres nous ne pouvons plus rien faire que nous battre.

      Mowgli se leva, le pot de braise dans les mains. Puis il s’étira et bâilla au nez du Conseil; mais il était plein de rage et de chagrin, car, en loups qu’ils étaient, ils ne lui avaient jamais dit combien ils le haïssaient.

      – Écoutez! Il n’y a pas besoin de criailler comme des chiens. Vous m’avez dit trop souvent, cette nuit, que je suis un homme (et cependant je serais resté un loup, avec vous, jusqu’à la fin de ma vie): je sens la vérité de vos paroles. Aussi, je ne vous appelle plus mes frères, mais sag (chiens), comme vous appellerait un homme… Ce que vous ferez, et ce que vous ne ferez pas, ce n’est pas à vous de le dire. C’est moi que cela regarde; et afin que nous puissions tirer la chose au clair, moi, l’homme, j’ai apporté ici un peu de la Fleur Rouge que vous, chiens, vous craignez.

      Il jeta le pot sur le sol, et quelques charbons rouges allumèrent une touffe de mousse sèche qui flamba, tandis que tout le Conseil reculait de terreur devant les sauts de la flamme.

      Mowgli enfonça sa branche morte dans le feu jusqu’à ce qu’il vît les brindilles