Nach Paris! Roman. Dumur Louis

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Название Nach Paris! Roman
Автор произведения Dumur Louis
Жанр Зарубежная классика
Серия
Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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comme j'avais un geste d'incrédulité:

      – Vous verrez, affirma-t-il.

      Puis, après avoir allumé un cigare et fait renouveler son litre, le juge de district Obercassel continua:

      – C'est maintenant qu'il nous faut agir. Dans quelques années, il serait trop tard. Nous avons besoin de nous étendre, de briser autour de nous des résistances qui pourraient devenir trop fortes. Il nous faut les ports du nord, les mines de fer et les colonies françaises. Il nous faut la Vistule et la mainmise sur la Baltique. Il nous faut l'accès de la Méditerranée et la domination surtout l'empire ottoman. Voilà pour commencer. Dans vingt ans, ce sera le tour de l'Angleterre. Dans cinquante ans, les États-Unis seront allemands, le Brésil de même; le canal de Panama nous appartiendra et nous pourrons alors nous occuper sérieusement de la Chine.

      – C'est magnifique! m'écriai-je enthousiasmé.

      – Nous ne verrons pas tout cela. Vous peut-être, pas moi. Mais je suis modeste, je mécontenterai d'assister à la première partie de cette colossale trilogie.

      Il prononçait tout cela tranquillement, l'œil doucement émerillonné, en ingurgitant à petits coups sa bière blonde.

      – Mais j'y songe, fit-il, vous êtes mobilisable, Herr Wilfrid. Vous n'avez encore rien reçu?

      J'hésitais à répondre. Mais je voulus maintenir le secret.

      – Non, dis-je en rougissant.

      – Cela m'étonne, car chez nous l'artillerie et les pionniers sont déjà partis.

      – Quand?

      – Il y a trois jours. Ils doivent être bien loin maintenant.

      – Vous les avez vus?

      – Non. Peu de gens les ont vus. Ils sont partis de nuit. Le 26e régiment d'infanterie est également parti, mais la nuit dernière seulement. Il s'est embarqué à la gare de Neustadt.

      – Et le 183e?

      – Le 183e, on ne le voit pas non plus. Mais je crois qu'il est encore ici. Il doit être consigné dans sa caserne. Est-ce au 183e que vous êtes incorporé?

      – Pour le moment, oui. Mais je serai peut-être affecté à son régiment de réserve.

      – C'est probable. Vous êtes sous-officier maintenant?

      – J'ai été libéré avec ce grade, mais je ne sais si on me le conserverait dans une campagne.

      – Oh! certainement. On n'a jamais trop de sous-officiers. Et, si la chance vous favorise, vous ne serez pas longtemps sans avoir le porte-épée. Il y aura vite des trous à combler, expliqua-t-il placidement.

      Ceci me rappela la caserne. Je tirai ma montre. Il était cinq heures et demie.

      Je réglai ma consommation et, prétextant un train à prendre, je laissai le juge Obercassel dans la salle enfumée du Franziskaner.

      – Mes amitiés chez vous, me cria-t-il encore… et bonne chance!.. Si vous allez en France, vous m'enverrez une carte postale timbrée de Paris!

      La grosse horloge du corps de garde sonnait six heures, quand je fis mon entrée à la caserne. Une vie intense la remplissait du haut en bas. A tous les étages s'agitaient des gestes, s'activaient des silhouettes, à toutes les fenêtres s'astiquaient ou se brossaient des effets militaires. Sous la haute majuscule de leur lettre d'ordre, les multiples portes engouffraient on dégorgeaient un flot incessant d'uniformes. Un sourd remuement continu, sans éclat, sans vacarme, montait ou descendait de partout, coupé de brefs commandements ou du bruissement cadencé des pas. Sur tout un côté de la cour principale étaient alignés trois ou quatre cents hommes en calot rond et vareuse de coutil qui faisaient l'exercice sous les ordres d'un premier-lieutenant et d'une demi douzaine de sous officiers. Des cours annexes parvenaient des odeurs d'écurie, de piscine, de cordonnerie et de soupe au lard.

      J'aperçus tout d'abord le lieutenant Kœnig, occupé à dénombrer un amoncellement de bagages à l'entrée du magasin de bataillon. Une liste à la main, il en vérifiait le compte, pendant que deux soldats du train rangeaient les colis et les classaient sous ses yeux. J'allai aussitôt à lui.

      – Tiens, Hering! Wie geht's, bester Freund?

      – Fort bien. Un peu ahuri seulement par tous ces événements.

      – Hein! Qui nous aurait dit aux dernières manœuvres…

      – Alors quoi? Nous partons?

      – Nous partons. Mais quand, das weiss ich nicht. Le colonel reste mystérieux. Quand avez vous reçu votre ordre?

      – Avant-hier.

      – Parfait. Avez-vous vu le capitaine?

      – Pas encore. J'arrive.

      – Eh bien, montez vous mettre en tenue. Je vous rejoindrai dans une demi-heure. Nous irons ensemble. Vous verrez, mon cher, un homme extraordinaire.

      – Qui ça, Braumüller?

      – Mais non, Kaiserkopf… le capitaine Kaiserkopf. Puis, voyant mon étonnement:

      – C'est juste, vous ne savez pas… Braumüller est parti avec l'active.

      – Le régiment n'est plus ici?

      – Non. Nous autres, nous sommes affectés au cadre de réserve. Nous avons un nouveau capitaine, et c'est le capitaine Kaiserkopf.

      – Kaiserkopf… répétai-je, comme pour me graver dans la tête ces syllabes sonores.

      – Vous verrez. C'est un homme… je ne sais pas s'il vous plaira… c'est un homme extraordinaire… Il vient de Torgau.

      – Qu'a-t-il de si extraordinaire?

      – Vous verrez. A propos, fit Kœnig, ce n'est pas la peine de sortir votre tenue de service. On distribue depuis ce matin les uniformes de campagne. Faites-vous délivrer le vôtre. A tout à l'heure.

      – C'est entendu. Mais qu'est-ce que c'est donc que tous ces gens-là, demandai-je, montrant les hommes à l'exercice. Il y a là pour le moins, un demi-bataillon.

      – Une compagnie, mon cher, une seule compagnie, la sixième.

      – Une compagnie! m'écriai-je. Vous plaisantez.

      – Aucunement, mon ami. Toutes les compagnies de notre régiment vont avoir trois cent cinquante hommes sur pied de guerre.

      Je restai suffoqué. Trois cent cinquante hommes par compagnie, cela me semblait un chiffre énorme.

      – Kanonenfutter, murmura philosophiquement le lieutenant Kœnig. Ah! les Français ne se doutent pas de ce qu'ils vont recevoir sur le dos: l'active et la réserve, tout à la fois, et des compagnies de trois cent cinquante hommes!

      Sur quoi il se remit à sa besogne d'estampillage.

      Je montai à la compagnie. Notre étage bourdonnait comme une ruche en travail. Par les portes des chambrées on voyait les hommes en tricot de coton préparer leurs paquetages, ordonner leur fourniment, graisser leurs bottes. Des sous-officiers s'évertuaient, bougonnaient des instructions, mâchaient des jurons entre leurs dents tabagiques. Une prenante odeur de suée, de pieds et d'aisselles flottait dans les corridors.

      Je rencontrai le fourrier Schmauser devant les lavabos.

      – Ah! vous voilà, Hering! Je vous ai logé chez le feldwebel Schlapps. Vous ne vous plaindrez pas!

      – Le feldwebel est absent?

      – Le feldwebel est parti en avant avec le lieutenant-colonel Preuss pour les cantonnements.

      – Où?

      – Je n'en sais rien.

      – Quand partons-nous!

      – Je n'en sais rien.

      – Mais, savez-vous au moins si nous partons?

      – Je n'en sais rien de rien. Tout ce que je sais, c'est