Nach Paris! Roman. Dumur Louis

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Название Nach Paris! Roman
Автор произведения Dumur Louis
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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stimmt… Tenue, bonne; instruction militaire bonne; baïonette, passable… Ah! ah! il paraît que vous n'êtes pas fort sur la baïonnette? Teufel! voilà qui est mauvais, monsieur Hering, voilà qui est très mauvais! La baïonnette, Donnerwetter! c'est capital. Comment voulez-vous vous en tirer, si vous n'êtes pas fort sur la baïonnette? Vous vous ferez embrocher comme un poulet! Voyons la suite. Vous avez en plusieurs fois des prix de tir; c'est mieux. Vous avez obtenu les aiguillettes de soie avec glands; Schœn. Vous avez été promu exempt au bout de six mois de service et trois mois plus tard sous officier surnuméraire. Vous avez subi avec succès votre examen d'officier de réserve et reçu votre qualification avec la note très bien; ce n'est pas mal… Mais, Donnerwetter! il y a encore quelque chose qui ne me satisfait pas, monsieur Hering, pas du tout…

      Il engoula une ample rasade, puis continua:

      – Donnerwetter! dis-je, il y a encore quelque chose qui ne me satisfait pas. Vous n'avez pas, monsieur Hering, paraît-il, la voix assez forte pour pousser convenablement notre hourrah national. Cela, monsieur Hering, c'est impardonnable. Ne savez-vous pas. Donnerwetter! que le hourrah allemand est avec la baïonnette allemande le moyen le plus puissant que connaisse notre infanterie pour jeter la terreur dans les rangs de l'ennemi? Un Allemand qui ne sait pas manœuvrer proprement sa baïonnette, ni pousser hardiment son hourrah ne sera jamais qu'un zéro devant le perfide adversaire. Allons, monsieur Hering, criez après moi: Hourrah!

      Son organe fit trembler les vitres. Je rassemblai mon énergie et hurlai avec un souffle que je ne me connaissais pas:

      – Hourrah!

      – Hourrah! nom de Dieu! hourrah!

      – Hourrah!

      – Cela manque de coffre. Vous ne buvez pas assez de bière, monsieur Hering.

      Je songeai à tout ce que j'avais absorbé peu d'heures auparavant, mais je n'en répondis pas moins avec subordination:

      – J'en boirai davantage, monsieur le capitaine.

      Le lieutenant Kœnig crut bon à ce moment d'intervenir de nouveau:

      – Je vous demande la permission d'ajouter, monsieur le capitaine, que l'aspirant Hering est le fils du conseiller de commerce Karl Hering, de la province de Saxe, possesseur de nombreuses fabriques, membre des conseils d'administration de sociétés importantes, grand propriétaire foncier, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge et admis à la fréquentation de la plupart des familles nobles du pays. Le conseiller de commerce Karl Hering est plusieurs fois millionnaire.

      Ce petit discours parut faire une certaine impression sur le capitaine Kaiserkopf. Son visage renfrogné se détendit visiblement et il proféra aussi aimablement qu'il lui était possible:

      – Je vous félicite, monsieur Hering, d'appartenir à une bonne famille. Les bonnes familles sont les bonnes familles, chacun sait ça, Sacrament! et l'Allemagne peut compter sur leur dévouement.

      Et se levant solennellement de derrière son bureau, – sa stature me parut énorme, – il prononça en faisant le salut militaire:

      – Aspirant Hering, êtes-vous prêt à verser votre sang pour Sa Majesté l'Empereur?

      Je répondis d'un ton pénétré:

      – Je le suis, monsieur le capitaine.

      – Pour la patrie allemande?

      – Je le suis, monsieur le capitaine.

      – Pour votre capitaine?

      – Je le suis, monsieur le capitaine.

      – C'est bien, fit-il en se rasseyant. Je vois en outre que vous avez eu l'honneur de conduire une demi-section en présence de Sa Majesté, lors de la dernière manœuvre impériale. Je ne puis vous donner de demi-section, car nos cadres sont au grand complet, mais vous commanderez un groupe: ce sera le cinquième de la troisième section. Et maintenant, aspirant Hering, allez: n'oubliez pas le hourrah, la baïonnette… et surtout beaucoup de bière allemande!

      L'audience était terminée. Je claquai des talons, bombai le buste et partis au pas de parade, tandis que le vice-feldwebel Biertümpel reprenait d'une voix rauque:

      – Staufifier, Fritz; Schmidt, Ruprecht; Schmidt, Anastasius…

      Kœnig me rejoignit dans le corridor. Il avait l'air très satisfait.

      – Vous avez de la chance, me dit-il, le capitaine a été charmant pour vous.

      – Diable! fis-je, qu'est-ce que c'est donc quand il n'est pas charmant!

      – Je vous répète que vous avez fait bonne impression.

      Je compris alors la tactique de Kœnig et pourquoi il avait tenu à assister à ma présentation, pour diriger sans en avoir l'air, et dans le sens qui pût m'être le plus favorable, cette périlleuse formalité. Je le remerciai vivement de son amitié.

      – Et maintenant, proposai-je, il me semble qu'il serait temps de souper. Voulez-vous que nous allions au casino!

      – Ce serait avec plaisir, fit Kœnig, mais depuis trois jours, mon cher, nous ne pouvons sortir de la caserne. Les officiers supérieurs seuls ont le droit d'aller en ville. On nous a aménagé une cantine dans la salle d'honneur des sous-officiers. C'est là que nous allons nous rendre.

      En passant, nous entrâmes dans la chambrée numéro 35, qu'occupaient mes hommes.

      – Fixe! cria le plus ancien en apercevant l'officier.

      Aussitôt les sept ou huit soldats présents se précipitèrent chacun devant son armoire et s'immobilisèrent dans la position de front, les mains au pantalon.

      – Combien d'hommes dans cette chambrée? interrogea Kœnig.

      – A vos ordres, monsieur le lieutenant. La chambre est occupée par vingt hommes, dont quinze du groupe cinq de la troisième section et cinq en supplément.

      La chambre, disposée en temps normal pour huit à dix hommes d'un groupe, contenait une dizaine de lits et autant de paillasses destinées à être étendues sur le plancher et pour le moment roulées contre le mur. Chaque armoire servait pour deux hommes.

      – Quel est le rôle de service pour demain? demanda Kœnig.

      – A vos ordres, monsieur le lieutenant.

      L'ancien alla se planter devant une affiche de service dactylographiée, placardée contre le panneau intérieur de la porte, et martela d'une voix sonore:

      – A quatre heures et demi, réveil. A cinq heures, appel et revue de chaussures, dans la chambrée, passée par le chef de groupe. A six heures, revue d'effets, dans la chambrée. A sept heures, café. A sept heures trente, inspection d'armes, dans la salle d'exercice. A neuf heures, revue de paquetage, dans la chambrée. A dix heures, examen médical, par le médecin aide-major. A onze heures, revue de compagnie, dans la cour de l'intendance. A midi trente, dîner. A deux heures, revue de bataillon, dans la cour principale. A quatre heures, revue de régiment, dans la cour principale. A six heures, bain. A sept heures, soupe.

      – Trefflich? fit Kœnig au terme de cette lecture laborieuse. Voici monsieur l'aspirant Hering qui a été désigné pour commander votre groupe. Vous lui obéirez comme à Dieu. J'espère que monsieur le capitaine n'aura pas à recevoir de plaintes sur la discipline du groupe cinq.

      Automatiquement, toutes les mains présentes s'étaient levées d'un geste pour le salut militaire.

      Je reconnus trois de mes hommes de l'année précédente, les mousquetaires Schnupf, Maurer et Vogelfænger, et les saluai par leurs noms. Il me sembla que mes drôles étaient tout contents de ne pas avoir pour les commander un sous-officier professionnel.

      Au sortir de la chambrée 35, nous fûmes surpris par un lointain vacarme qui paraissait provenir des abords de l'escalier K.

      – Que diable est-ce là? fit Kœnig.

      Nous nous portâmes dans La direction du tumulte. A mesure que nous approchions, une voix de plus en plus tonitruante se