Название | Perdus Pour Toujours |
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Автор произведения | Nuno Morais |
Жанр | Героическая фантастика |
Серия | |
Издательство | Героическая фантастика |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788835424628 |
« Je venais aussi pour te dire que le Colonel Martins est arrivé, je peux le laisser entrer ? » Le Colonel Martins, je l’avais complétement oublié ! Je dis à Gabriela de me laisser, que je vais le chercher dans la salle d’attente. Le Colonel Cunha Martins est un vieillard de presque quatre-vingt-dix ans et qui était déjà notre client à l’époque de mon oncle-grand-père. C’est vraiment quelqu’un de bien et il adore passer au cabinet quand il se promène dans les alentours, alors que la plupart des choses qu’il me demande peuvent être dites ou expliquées par téléphone.
Il prévoit tous les rendez-vous au moins quinze jours avant et planifie tout au moindre détail. Heureusement aussi c’est assez vite expédié, et ça ne dure pas longtemps. Aujourd’hui il est venu me demander de l’aide sur des inventaires pour une altération de testament.
Il m’apporte une feuille A4 manuscrite dans laquelle il explique clairement ce qu’il souhaite mais finit par tout me dire de vive voix. Il me demande des nouvelles de Becca et si tout se passe bien, il me serre ensuite très fort la main et me donne une tape sur l’épaule et sort aussi rapidement qu’il est entré. Au final ça n’a pas duré plus de vingt minutes. Avec son âge et sa vitesse, il doit sûrement représenter le patient parfait de tout gérontologue.
Je remarque qu’il est déjà seize heures vingt, je commence donc à ranger mes affaires pour m’en aller, Becca m’attend pour dix-sept heures et je n’aime pas la décevoir. C’est vrai qu’elle ne sait pas encore lire l’heure mais il y a d’autres manières de savoir si je suis en retard ou pas. Elle voit, par exemple, quels enfants sont déjà partis et ceux qui sont encore là et en faisant une moyenne avec les jours où elle part à l’heure... Ils sont plus difficiles à duper que l’on ne le pense. Dans une impulsion, je mets la lettre de Beauchamp et le fax de Creutzer dans ma sacoche, je ne sais pas bien pourquoi et je prends également l’agenda électronique de mon père et les blocs-notes qu’il gardait dans le double fond du tiroir – des choses vues et revues, mais on ne sait jamais ce qui peut s’y trouver quand on les analyse d’un autre œil.
Je mets mon manteau, toque à la porte de Gabriela pour lui dire au revoir et lui demander si elle veut que je lui ramène quelque chose de Funchal, elle me répond que non et me souhaite un bon voyage.
J’allais sortir lorsque je me souviens de quelque chose, je reviens en arrière et lui dis de ne dire à personne, même sous la torture, où nous allons séjourner. J’esquive la gomme qu’elle me lance et me dirige en courant vers la sortie pour éviter le qualificatif de « patron inhumain qui ne mérite pas sa secrétaire » qui me poursuit.
Le métro n’est pas encore tout à fait plein lorsque je le prends Avenue de la République avant dix-sept heures moins dix, ce qui me laisse le temps de me balader jusqu’à Sancho Pança afin d’observer les filles qui passent. C’est un sport qui apporte beaucoup plus de plaisir en été, comme on pourrait dire, mais un homme dans ma situation doit profiter des opportunités quand elles se présentent. Je n’échangerais contre rien au monde le fait de m’occuper de Becca, mais il est vrai que l’avoir à ma charge a complètement effacé ma vie amoureuse – pour ne pas dire ma vie sexuelle qui est en hibernation. Enfin, par effacer, entendez par là qu’Isabel m’a quitté. Mais ce n’est toutefois pas plus mal. Il vaut mieux qu’elle soit partie plutôt que restée tout en nous rendant la vie difficile à moi ainsi qu’à la petite.
Mais ce n’est pas seulement à cela que je fais référence : être père célibataire est vraiment compliqué. Comment puis-je sortir le soir ? Laisser Becca à une baby-sitter ? Ce devra être quelqu’un de très spécial pour qu’elle l’accepte et je ne serais pas tranquille. De plus, si s’agissait de une mauvais nuit, je ne suis pas sûr qu’une baby-sitter puisse la consoler. On verra bien si Lotta vient passer les vacances de Noël ici. Mais je ne pense pas, elle doit préférer les passer avec Jasper à Copenhague.
Je ne sais pas pourquoi je suis en train de me lamenter, cette phase de cauchemars pour laquelle elle mérite énormément d’attention ne peut pas durer éternellement, et dès qu’elle ira mieux et qu’elle aura grandi un peu plus, je pourrai trouver quelqu’un pour s’occuper d’elle pendant quelques heures afin que je puisse avoir de nouveau une vie sociale. Je dois me trouver des nouveaux amis, car la majorité de ceux que j’avais avant l’accident se sont au fur et à mesure éloignés. Enfin, je ne leur jette pas la pierre, mais je n’ai pas vraiment apprécié ce genre d’attitude.
Je suis déjà presque à la porte de la crèche et rien. Il y a des jours où l’on ne peut pas se rincer l’œil. Je me rends la salle du fond où elle doit être en train de terminer son goûter et je suis reçu par une course accélérée, câliné par des bras puis par des mains pleines de miettes et enduites de beurre criant « Kalle, Kalle ! ». Immédiatement, j’oublie que je n’ai pas de vie sociale ou amoureuse et que je ne suis plus allé au cinéma, à un concert ou à une exposition depuis que mes parents sont morts. L’écouter et la voir heureuse, quand on se retrouve chaque jour après le travail, me suffit à être de bonne humeur pour quelques temps. Je lui demande si sa journée s’est bien passée et elle me répond que oui. Nous disons au revoir à ses amis pour aller à la salle de bains afin qu’elle se lave les mains et le visage avant de mettre son écharpe et son manteau, car, même s’il ne pleut pas, le ciel s’obscurcit et c’est une fin d’après-midi désagréable avec beaucoup de vent.
Je m’apprête à sortir mais je retourne dire à Ana que Becca ne va pas revenir avant lundi et reçois alors le deuxième regard chaleureux du jour. C’est agréable car elle est assez jolie mais si jamais cela se passait mal, ce serait Becca qui en souffrirait le plus.
Le voyage du retour en métro s’est déroulé sans incident, malgré le fait d’avoir pris la chaise pliante avec nous et que le métro soit, comme d’habitude à dix-sept heures, bondé.
Arrivés à Marqûes, je lui demande si elle veut aller voir les illuminations et manger une glace, comme elle m’a demandé ce matin, mais elle me dit non de la tête et nous changeons ainsi de rame en direction du Colombo. Nous y arrivons sans difficultés et montons lentement les marches – avec la petite chaise dans la main je ne peux pas du tout la prendre dans mes bras – puis rentrons dans la voiture et nous montons en route vers la maison.
J’ouvre la porte d’entrée à dix-huit heures quinze. On ne peut pas dire que nous avons fait un voyage éclair, en considérant que nous ne sommes même pas sortis de ce qu’on peut considérer le centre-ville.
Je commence à préparer le dîner auquel j’ai pensé tout le long du chemin depuis la crèche. C’est compliqué de cuisiner pour des enfants, ils aiment une chose aussi vite qu’ils ne l’aiment plus. Mais aujourd’hui j’ai une panne d’inspiration culinaire (comme si un jour j’avais été très inspiré …). Je ne cherche alors pas plus loin que des poissons panés avec une purée de pommes de terre, un œuf poché et des rondelles de tomate, que des choses qu’elle aime – ou du moins que d’habitude elle aime. J’accompagne cela avec un verre de lait froid, encore un favori, et pour terminer une banane, qu’elle mange tel un petit singe.
À dix-huit heures trente, nous sommes assis à table et je commence à lui parler du voyage. Au début, elle aime beaucoup l’idée, mais après lorsqu’elle se rend compte qu’elle ne va pas voir ses amis, elle ne sait plus si elle doit être contente ou pas. Finalement, elle arrive à la conclusion que prendre l’avion est plus amusant que d’aller à la crèche et l’excitation s’empare d’elle. Je n’aurais peut-être pas dû lui dire, ça va être difficile de la mettre au lit maintenant…
« Kalle, kan ja’sitta på fonste’et? » Me demande-t-elle en me suppliant, comme toutes les fois où nous prenons l’avion. « Javisst, bien sûr, bebé, mais pourquoi ? ». Je lui réponds cela en sachant très bien ce qu’elle