La diva. Édouard Cadol

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Название La diva
Автор произведения Édouard Cadol
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066327057



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des brochures et des journaux. Le coupé d’un personnage.

      Et lui–même avait son hôtel, avenue de l’Impératrice, s’il vous plaît, avec serres, parc, grilles dorées; des luxes à la fois cossus et distingués.

      L’hôtel était bien connu à Paris. On y donnait des fêtes dont parlaient les journaux, et, un jour par semaine, madame y recevait un cercle de gens notables: des généraux, des évêques, des ministres parfois, des receveurs généraux en quantité; tous fonctionnaires quant au fond, et, brochant sur le tout, les financiers de la plus haute volée, avec des jeunes gens, titrés ou non, qui ne connaissaient pas meilleur endroit pour flirter avec des femmes d’origines diverses.

      Le ménage n’en avait pas toujours été là.

      Au début, monsieur occupait une assez humble place, dans une de ces banques où Morny avait la main, en compagnie d’une série de dignitaires affolés de spéculation.

      Six mille francs d’appointements, tout au plus. Telle était alors la condition de Ludowig Warth.

      Pour sa femme, elle n’avait rien apporté à la communauté.

      Fille de légionnaire, élevée à Saint–Ouen, orpheline, elle s’était accommodée du premier venu sur qui son adorable visage avait fait impression.

      Le mari lui importait peu; mais le mariage, oui, et beaucoup!

      Oh! se marier; sortir de tutelle; se produire et avoir un salon! rien ne lui dansait plus dans la tête!

      Warth n’était ni beau, ni agréable, sans doute; il avait plutôt l’air gourmé d’un cuistre; mais bast! c’était un mari!

      Elle le prit d’enthousiasme, et, dès le second mois, elle recevait.

      Dame! C’était un salon bien chétif et modeste d’abord. Le thé, servi dans des tasses en porcelaine dorée, de pacotille, en faisait les frais. Le piano provenait d’une combinaison d’abonnement en trente–six mois. Le meuble vous avait un air de private parlour, de garni. Et les invités étaient, pour la plupart, de qualité mince.

      Mais à chaque réunion nouvelle, il y avait un petit luxe de plus, et bientôt, la réception fut précédée d’un dîner.

      Dîner d’intimes, pour commencer: deux services, avec un poisson, la bombe glacée du pâtissier voisin, et les gâteaux secs, qui du dessert passaient au salon, à dix heures.

      Un peu après, on invita un chef hiérarchique de l’employé. Prétexte à primeurs sur la table.

      Le soir, il vint un pianiste en renom, qui tapa un morceau à la mode. Madame fît danser les enfants: des amies de Saint–Ouen qui cherchaient amateur. Puis, il y eut un chanteur de romance, puis. puis.

      Le ménage se trouva obéré. Les créanciers envoyèrent du papier timbré, firent des scènes dans les escaliers, et le Mont–de–Piété devint une ressource.

      Là devant, Ludowig tripota un peu à la Bourse, comme de raison. Il gagna, il perdit, fit des «moyennes» et finalement se trouva pris dans un mouvement, qui le mit dans l’alternative de sauter ou de faire des emprunts forcés à sa caisse, aggravés de grattages insolites sur les livres, que M. le commissaire avait eu l’ennui de parapher à chaque page.

      Après s’y être laissé aller pour payer ses différences, il y revint pour solder la dépense des réceptions de madame. Un peu plus, un peu moins; quand on y est, ma foi!… Puisqu’on n’y voyait que du feu, je vous demande un peu de quoi eût servi le scrupule! D’autant,–notez–le, je vous en supplie,–qu’il comptait bien tout restituer à la première opération qui réussirait.

      Quand ça? Demain peut–être; qui sait, auj ourd’hui même, probablement: la rente ne pouvait raisonnablement faire autrement que de monter, sur les dépêches venues de Londres dans la nuit.

      Et puis, pas du tout! Contre toutes prévisions la rente dégringolait! Une ignoble manœuvre des gros banquiers allemands!

      Et mons Ludowig avalait un nouveau «bouillon», entraînant nouveaux barbottages dans la caisse et nouveaux grattages sur les livres. Tant pis! Mais demain? Demain, ça ne pouvait manquer de remonter.

      Tant et si bien qu’un beau jour, l’honorable employé se trouva avoir fait, à la lune, un trou de quatre–vingt mille francs.

      Passe encore s’il eût eu le temps d’attendre comme toujours «à demain», mais va te promener!

      Pour les besoins d’une belle opération, où les hauts administrateurs entrevoyaient le moyen de dévaliser à coup sûr un peuple de petits rentiers–mais légalement, entendez bien!–on voulut dresser le bilan général de la maison.

      Impossible, pour Warth, de dissimuler plus longtemps ses emprunts à la caisse.

      Un autre eût filé ou se fût brûlé la cervelle. Lui, pas!

      Tablant sur ce que les opérations de son administration n’avaient rien à gagner à ce que la justice y mît le nez, il se présenta bravement un matin, chez le président du conseil: Monseigneur Le Fauve, et, muni d’un état en règle, qui faisait le plus grand honneur à ses talents de comptable, il lui avoua, comme par curiosité, que depuis deux ans, il volait en toute sécurité!

      On pense bien que Monseigneur n’était pas parvenu à la haute situation qu’il occupait sans en avoir vu de toutes les couleurs. Si l’autre crut le déconcerter, par sa brutale et cynique franchise, il se trompa du tout au tout.

      –Voyons l’état de vos détournements, dit Son Excellence.

      Il l’examina posément, comme s’il se fût agi d’un document de comptabilité régulière, et il releva une erreur d’addition dans la colonne des unités.

      –Vous vous faites tort de neuf francs, dit–il avec un beau sang–froid.

      Puis prenant une plume qu’il trempa dans l’encre, avant de la présenter à l’employé infidèle:

      –Vous allez me signer cela, n’est–ce pas? lui demanda– t–il.

      –Jamais!

      –Comme vous voudrez; si vous préférez coucher à Mazas.

      –Faire du bruit? répliqua Warth, avec un sourire effronté. Vous n’oseriez pas, monseigneur.

      –Parce que?…

      –Parce que la justice une fois appelée, les opérations de la compagnie lui sauteraient aux yeux.

      Le Fauve le regarda un moment, puis, haussant les épaules:

      –Innocent! fit–il en riant. Vous vous imaginez donc, mon cher, que vous pourriez être un antagoniste? Je vous croyais plus intelligent. Mais, mon ami, qui donc vous parle de saisir la justice de votre affaire? Hé! non; elle doit être étouffée. et vous avec! si vous n’êtes pas sage. Ludowig avait pâli.

      –Vous êtes stupide! reprit Le Fauve, en s’animant. Où donc vous croyez–vous? A qui pensez–vous avoir affaire? Qui diable a pu vous faire supposer que des gens, comme nous, risqueraient de jeter du scandale sur une entreprise, qui fait corps avec tout un système de gouvernement? Et cela pour quatre–vingts malheureux mille francs? Belle vétille, vraiment!

      –Cependant, pour m’incarcérer, il faut.

      –Il faut un signe de moi; pas plus. Et une fois bouclé, vous l’aurez belle sans doute de faire vos conditions.

      Warth ne trouva rien à répliquer.

      –Je suis pris! pensa–t–il, confondu. Et je me suis livré moi–même »

      En effet, il avait cru possible d’échapper aux conséquences de son vol, par une menace. Et voilà que la botte était parée.

      Cette lamentable constatation le cloua sur place,