Название | La diva |
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Автор произведения | Édouard Cadol |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066327057 |
Pour le reste, je n’en parlerai plus et… j’attendrai. Adrienne lui tendit de nouveau la main.
–Je ne sais rien de ce que je ferai, lui dit–elle; mais je me sens déjà plus forte, puisque vous restez mon ami.
Louis ne répondit rien, crainte d’en trop dire.
Alors, comme il allait s’éloigner, elle le retint, et, avec un sourire de ses beaux yeux noyés de mélancolie, elle le contempla un moment:
–Embrassez–moi, lui dit–elle, en approchant son front par un mouvement d’exquise chasteté, embrassez–moi comme vous embrasseriez une sœur affligée.
VI
UN HOMME CONSIDÉRABLE
Durant plus d’une année la situation ne se modifia pas.
Louis Skébel multipliait vainement les démarches, de concert avec Adrienne, dans l’intimité de qui il pénétrait de plus en plus, en raison de l’abnégation, du désintéressement dont il faisait preuve.
Ils étaient ensemble comme de vieux amis, comme seraient de vieilles gens, pour qui l’amour est du domaine d’autrefois; tels qu’elle le souhaitait: frère et sœur.
Cependant les rares nouvelles qu’on recevait du prisonnier étaient mauvaises.
La captivité, le dur régime de la prison altéraient sa santé, et une fois déjà, son embarquement avait été reculé, sur l’avis des médecins de la forteresse. Cependant on annonçait un nouveau convoi, non de condamnés politiques cette fois, mais de malfaiteurs.
Au théâtre, Adrienne avait été longtemps l’objet de la pitié de ses camarades. Et puis, on s’en était lassé.
Dans ce milieu, où la vie marche à pas redoublés, où les impressions violentes se succèdent sans discontinuer, ce qui se prolonge s’use vite.
D’abord, la peine de la pauvre fille avait été tenue pour un malheur de la maison; chacun avait cherché le moyen de s’employer à l’adoucir.
Cependant l’impossibilité devenue évidente, la chose devint fait acquis, et l’on n’y pensa plus.
Un soir, on donnait la première représentation d’un ouvrage que les journaux avaient tambouriné à grand renfort d’indiscrétions et de commérages. La curiosité du public montée an diapason désirée, la salle faite par l’imprésario, il en résultait un de ces événements fugitifs qui donnent des premières où le monde officiel afflue.
Dans une avant–scène madame de Külm étalait une toilette qui faisait sensation.
Derrière elle, Rodolphe se tenait dans cette posture non– chalante qui n’est assez souvent qu’une affectation, un genre.
Depuis la représentation de gala à Compiègne, il n’avait pas revu la jeune fille; il n’avait pas reparu dans les coulisses du théâtre, fuyant l’humiliation de se trouver en face d’une femme qu’il convoitait de toutes ses forces, de toute la fougue de ses appétits, et qui l’avait éconduit avec un sang–froid, une rondeur, dont la nuance «bon enfant» était infiniment blessante pour un homme de son caractère.
Dans cette pièce, Adrienne avait un rôle.
Rodolphe savait bien qu’il allait la revoir et il s’y était préparé. Mais quand il l’aperçut, aucune préparation ne tint et un trouble extrême l’envahit.
Sans s’arrêter au détail des transformations qui, durant cette suite de mois, s’étaient accomplies chez la jeune artiste, il la trouva plus enviable que jamais.
Il l’entendait chanter, d’une voix qui lui donnait le frisson, qui ravivait des convoitises passionnées, aveugles, délirantes, et l’entraînait à des rêves violents; une sorte de vertige où il y avait de l’enlèvement, du rapt, l’abus de la force.
A l’entr’acte, il passa dans les coulisses. Mais Adrienne ne s’y trouvait pas.
Revenu dans son avant–scène, il attendit vainement qu’elle reparût. Elle n’était ni du deuxième ni du troisième acte; par contre, tout le quatrième était à elle.
Ce fut un triomphe pour la jeune fille; triomphe d’autant plus grand qu’on ne l’avait pas prévu.
Pour les auteurs, ce quatrième acte était le point faible, presque dangereux de l’ouvrage, et l’on ne comptait pas qu’une artiste de second ordre, lui donnât de l’attrait. Qu’elle le fît passer, c’est tout ce qu’on en espérait.
Elle–même était bien éloignée d’en attendre de l’effet. Le jouer lui était plutôt pénible, parce que la situation avait, par hasard, des points de rapport avec le chagrin qui attristait sa jeunesse.
Elle représentait la femme d’un roi détrôné, que ses ennemis avaient incarcéré, et elle avait à exprimer les tortures de son impuissance à le délivrer.
Cela peut–être fut cause du succès surprenant qu’elle obtint.
S’identifiant avec le personnage, elle abandonna son âme aux douleurs qui la déchiraient réellement, et ses nerfs tendus outre mesure, donnèrent à son chant des accents de vérité irrésistible.
Trois fois, elle dut reparaître; trois fois les femmes lui jetèrent leurs bouquets, et quand elle rentra dans la coulisse, tout le théâtre l’attendait, la félicitait; les musiciens de l’orchestre étaient montés et lui faisaient cortège; les habitués, les journalistes, les .gens du ministère lui prodiguaient des éloges émus, qui avaient un air de remerciement.
Étonnée, calme, froide, elle souriait avec mélancolie, ne se rendant pas compte de son triomphe.
–Me permettrez–vous, mademoiselle, de vous adresser mes compliments? lui dit une voix qui la fit retourner brusquement, sous l’empire d’un pressentiment confus. C’était Rodolphe qui lui demandait cette permission.
–Vous! monsieur, fit–elle en lui saisissant la main.
Et, se dérobant aux louanges de ceux qui l’entouraient, elle l’entraîna au foyer.
On avait suivi la diva, mais, la voyant en conférence avec le fils de l’ancien ministre, on se tenait à distance, et elle pouvait parler sans être entendue.
–Monsieur, lui dit–elle, tout est en fête autour de moi; tous ceux qui sont là m’acclament, se réjouissent et me croient heureuse. Eh bien, moi, j’ai la mort dans l’âme, du malheur à me laisser mourir, la plus horrible peine qu’on puisse supporter!
–Pourquoi? demanda Rodolphe, frappé de cette confidence, que leurs relations n’expliquaient pas suffisamment.
–Vous souvient–il de la représentation de la Princesse Aldée au château de Compiègne?
–Sans doute.
–Pendant que je chantais là–bas, on arrêtait mon père ici, et voilà plus de quinze mois qu’il est en prison, malade au point qu’on n’a pas osé le transporter à Lambessa. Hélas! monsieur, de récents avis nous montrent son départ comme imminent. Eh bien, je vous l’assure, s’il supporte la traversée, ce sera pour mourir en arrivant!… Comprenez–vous maintenant pourquoi ces ovations me sont indifférentes; comprenez–vous pourquoi, en vous apercevant, je vous ai entraîné à l’écart?
–Oui, dit–il.
Puis prenant un carnet:
–Son nom? demanda–t–il à la jeune fille. La date de son arrestation?
Puis