Название | Trois Roses dans la rue Vivienne |
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Автор произведения | Gustave Claudin |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066328665 |
Gustave Claudin
Trois Roses dans la rue Vivienne
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066328665
Table des matières
PRÉFACE
Les romanciers, aujourd’hui plus que jamais, se divisent en deux classes. Nous avons ceux qui, planent et ceux qui rampent, ceux qui contemplent les étoiles et ceux qui regardent le ruisseau. On réussit beaucoup à présent en regardant le ruisseau, La culture du laid semble remporter sur celle du beau. Cet être collectif qui s’appelle le public a comme une prédilection pour les monstres et une aversion pour les héros.
S’il en est ainsi, c’est parce que certaine écrivains admirablement doués font un déplorable usage de leur talent. Ils disposent de facultés puissantes, et ne s’en servent que pour exalter et mettre au premier plan des turpitudes qu’ils devraient taire ou flétrir.
Que dirait-on de l’Académie des beaux-arts, qui ayant à choisir un sujet de composition pour les jeunes gens qui se disputent le prix de Rome, reproduirait l’histoire, et les convierait à peindre sur leur toile une borne de la rue, salie par les ordures que les balayeurs n’ont pas encore enlevées?
Il y a des esprits baroques qui au tort de méconnaître la vérité ont ajouté celui de ridiculiser le paradoxe lui-même. Ils sont là tout prêts à prouver qu’un artiste peut dépenser autant de talent à peindre ces ordures, qu’à représenter la colère d’Achille ou la clémence d’Auguste. Il serait temps de ne plus tolérer ce défi jeté au bon sens, et de signifier aux comparses qu’en adhérant à cette grossière erreur, ils se proclament plus sots et plus niais que ceux aux dépens desquels ils se proposent de rire.
Malgré les suffrages de ces aveugles et de ces fanfarons de corruption, il ne faut point hésiter à combattre ces tendances funestes qui insultent à tous ceux qui ont eu du génie, et que dans un accès de fureur contre ce qui est beau, auguste et grand, on avait résumé par ce cri: Homère, à Chaillot!
On sait où conduisent ces abominables insanités. Un jour, des forcenés brûlent les bibliothèques, non comme le Calife d’autrefois pour chauffer un bain, car on ne se baigne pas dans ce monde-là, mais par pur vandalisme et pour ramener à des temps préhistoriques.
Mais, me dira-t-on, pourquoi ces lamentations figurent-elles dans la préface d’un ineffensif roman, imaginé par un esprit qui n’a ni la force ni la prétention de faire la leçon à ses semblables, ni l’espérance de modifier les opinions de personne? Elles y ont trouvé place afin de prévenir le lecteur que les personnages mis en scène sont absolument étrangers aux milieux dans lesquels se déroulent les romans à grand succès, écrits par les gens de talent, qui persistent, ainsi que je l’ai dit, à explorer le ruisseau. J’ai essayé, infructueusement sans doute, de rendre intéressants des personnages honnêtes, et de prouver que la vertu, analysée avec impartialité, pouvait, même à un point de vue purement romanesque, et sans tomber dans la berquinade, soutenir la comparaison avec le vice, à la condition toutefois qu’on n’eût pas pour ce dernier des condescendances aveugles.
Depuis le paradis terrestre le vice et la vertu sont en présence. Ils ont tour à tour prévalu; mais, si j’en crois ce que j’ai lu et ce que je vois, le vice avec son fruit défendu a conservé l’avantage. La pauvre vertu méconnue a dû lui céder le pas, et s’effacer humblement devant lui
On a partout pour lui une indulgence qui ne va pas jusqu’à le récompenser, mais qui fait souvent plus que l’absoudre. Les poëtes, les romanciers et les conteurs ont pour lui des prédilections déplorables. Ils l’appellent sans cesse à leur secours pour en parer les héros de leurs rêves. Si par hasard et par un timide remords de conscience, ils veulent réparer leurs torts et leur froideur pour la vertu, ils perdent toute leur verve dès qu’ils la font apparaître, et semblent la traiter comme Cendrillon. C’est ainsi que les choses se passent en littérature, à la grande joie des lecteurs qui préfèrent de beaucoup un personnage chargé de crimes à un héros comblé de toutes les vertus.
Mais, dira-t-on, il n’y a pas que la liltérature. A côté d’elle, notre état social comporte des institutions, oeuvre des moralistes et des sages, et opposant une sorte de contre-poids aux entraînements irréfléchis de l’imagination.
Je le sais bien. Nous avons des institutions que j’ai la prétention de connaître, et c’est précisément en les méditant que j’ai pu apprécier à quel degré la cause de la vertu avait été sinon trahie, tout au moins abandonnée par elles. Qu’on me permette de justifier par un fait indéniable la parfaite exactitude de mon assertion.
Dans notre état social la vertu a sa fête marquée sur le calendrier. Une fois par an l’Académie