Название | Iza Lolotte et Compagnie |
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Автор произведения | Alexis Bouvier |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066316440 |
La Grande Iza s’apprêtait à boire, lorsque, tout à coup, elle tressaillit, se pencha, l’œil fixe, regardant dans la foule.
–Eh bien! qu’as-tu? Qu’est-ce qui te prend? lui dit son amie, étonnée.
Tout autour d’elle, les gens, stupéfaits, la regardaient.
Elle le vit, et aussitôt se remettant, se secouant, elle répéta:
–A Van Ber-Costeinn!
Et elle but et vida sa coupe d’un trait.
Puis, se laissant retomber sur les coussins de la voiture, elle dit bas, d’une voix sourde:
–Lui! lui ici! Que vient-il faire?
Iza venait de reconnaître dans la foule l’agent Huret, et sa vue, qui l’avait surprise d’abord, la rendait pensive. Son amie lui dit alors:
–Tiens, voilà Verchemont.
–Toujours le même: il arrive quand tout est fini.
II
SUITE DU PRÉCÉDENT
Pour justifier le sourire contraint, le front soucieux du cavalier qui venait d’arriver, nous devons en aller chercher les motifs à l’hôtel de la rue de la Loi et faire assister le lecteur à la scène qui s’y est passée depuis le départ de la belle courtisane.
Quelques minutes avant que la Grande Iza descendît de chez elle, un homme, petit, basané, ayant l’aspect d’un Méridional, s’était présenté à l’hôtel, demandant M. Oscar de Verchemont.
Le domestique l’avait accueilli en l’interrogeant:
–N’êtes-vous pas M. Cadenac?
–Si, justement.
–Monsieur vous attend; je vais le prévenir de votre arrivée.
Le domestique était entré quelques secondes dans le cabinet de son maître et en était ressorti disant:
–Monsieur Cadenac, veuillez entrer.
Il fut introduit dans un bureau luxueux; M. Oscar de Verchemont vint au-devant de lui et lui demanda vivement:
–Bonjour, Eusèbe. Eh bien! m’apportez-vous ce que je vous ai demandé?
–Oui, monsieur le comte, oui.
Et comme, en répondant, il le regardait fixement, l’air étonné, M. de Verchemont lui dit:
–Qu’as-tu à me regarder ainsi? Qu’ai-je donc de singulier?
–Oh! il y a bien longtemps que je n’ai vu monsieur le comte.
–Suis-je donc bien changé?
Eusèbe ne répondit que par un mouvement de tête.
–Ah! mon pauvre Eusèbe, tu sais bien des choses. Tu comprends une partie de ma douleur; mais nous n’avons pas le temps de parler longtemps aujourd’hui. Je suis attendu. Renseigne-moi sur les choses les plus importantes que je te demandais, car, ce soir, je dois terminer l’affaire qui me rendra le calme.
–Oh! pauvre monsieur Oscar, fit tout bas le petit bonhomme, regardant en dessous, mais affectueusement, son maître.
–Ainsi, tu as les fonds?
–J’ai les chèques et la plus grande partie des hypothèques, pour lesquels il faut votre signature, mais qu’on pourra toucher ici en quelques jours.
–Très bien. Ainsi le domaine de Lordenac, les près, les bois, les moulins tout enfin, tu as réussi au prix que je t’avais indiqué?
–J’ai dû faire encore une concession.
–Mais il est vendu?
–Oui, monsieur le comte.
–Tous les biens de ma mère!
–C’est signé d’hier, dit lugubrement Eusèbe.
–Vendus!
–Oui, monsieur le comte.–
–Tu me parlais d’hypothèques?
–Je n’ai pas voulu.–se reprenant vivement– je n’ai pas osé traiter pour le château de M. le duc.
–Et pourquoi?
–Monsieur, j’ai vendu tous les biens, toutes vos propriétés de Touraine et d’Anjou, puis celles de Lordenac; j’ai cru devoir réserver le domaine de votre famille. C’est là que vous êtes né, monsieur Oscar, c’est là qu’était née Mme la comtesse votre mère, c’est là qu’était né votre aïeul, M. le duc, c’est là qu’il vivait; c’est là, dans la grande salle, que sont tous les portraits de la famille, les portraits de mes vieux maîtres, depuis monseigneur le Balafré jusqu’à vous, monsieur le comte.
Il pleurait en parlant, le vieil Eusèbe, et Oscar de Verchemont faisait de pénibles efforts pour cacher son émotion.
–J’ai cru, monsieur le comte, que vous auriez trop de chagrin si vous perdiez ce vieux château.
–Enfin! enfin! Pour avoir la somme, qu’as-tu fait? Car tu as la somme entière?
–Oui, monsieur le comte, oui, grâce à Dieu; avec la vente des deux derniers biens qui nous restaient, j’ai fait la plus forte somme; puis j’ai trouvé, pour avoir le reste, un prêt sur hypothèque.
–Sur le vieux château?
–Oui, monsieur le comte.
–Et de combien donc?
–Seize cent mille francs.
–Qu’est-ce que tu me dis là? Le château du duc ne vaut pas cela.
–J’ai trouvé.
–Et les fonds? on les aura? c’est sérieux?
–Oui, monsieur le comte, il ne faut pour cela que votre signature
–Mais c’est, de mes biens, celui que j’estime le plus, mais qui vaut le moins.
–Il fallait ce chiffre pour compléter la somme, et je l’ai trouvé, monsieur le comte, fit Eusèbe embarrassé.
–Enfin c’est fait, fit Verchemont, pressé; je puis donner ma promesse et m’engager. Tu as les trois millions?
–Je les ai, fit Eusèbe avec un soupir.
–Merci, mon vieil Eusèbe, merci! Ma journée est absolument prise. Ce soir, nous avons du monde, et nous ne pourrons causer sérieusement. Demain nous reparlerons de tout cela. Ce soir, je peux donner ma parole? Du moment où je peux agir, c’est pour moi le point capital. Depuis deux jours, je ne vis pas; ton télégramme m’avait rempli d’inquiétude.
–Monsieur le comte, je n’avais qu’une promesse et ne pouvais rien dire.
–Tu as sagement agi. Tu dois être épuisé; va prendre un peu de repos et fais-toi servir ce que tu voudras; ta chambre est préparée depuis deux jours.
–Oh! monsieur, excusez-moi; mais j’ai eu vingt-quatre heures de chemin de fer.
–Allons! au revoir, Eusèbe, à demain; repose-toi; nous causerons.
M. de Verchemont sonna; un domestique vint, et, sur son ordre, il emmena Eusèbe dans la chambre qui lui avait été réservée.
Seul, de Verchemont se laissa tomber sur un fauteuil et fondit en larmes, balbutiant entre ses sanglots: