Iza Lolotte et Compagnie. Alexis Bouvier

Читать онлайн.
Название Iza Lolotte et Compagnie
Автор произведения Alexis Bouvier
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066316440



Скачать книгу

      Huret allait et venait dans l’appartement, regardant partout. Ne trouvant rien, il parlait tout haut:

      –Pourquoi a-t-on laissé tout ouvert?

      –Peut-être les malfaiteurs avaient-ils cette peur superstitieuse de la mort dont l’odeur emplit encore l’appartement.

      –Mais, puisqu’on est entré sans forcer la porte, on avait une clef; on pouvait donc tout fermer en partant.

      –On a agi ainsi avec intention, comme vous le disiez, peut-être pour donner le change et faire supposer un vol banal, interrompu par la crainte d’être pris. Entendant du bruit, on s’est sauvé, dit Chadi.

      –Tout cela est absurde.

      –Vous soupçonnez.

      –Voici le fait, interrompit brusquement Huret. Celui qui a commis le crime était-il seul? Je ne le crois pas.

      –Vous voulez parler de Houdard la Rosse? demanda Chadi.

      –Oui, Houdard était un gredin qui a été dupé par Elle. Je ne le crois pas, ou du moins je ne le crois plus le seul coupable. Les papiers importants dont on voulait s’emparer n’ont jamais été retrouvés. Tout est là! Depuis cette époque, Elle a appris qu’il y avait dans ce mur et dans cette jardinière deux cachettes. La vente étant annoncée, on s’est hâté de venir enlever ce que l’on voulait. Houdard ignorait tout cela; car, au dernier moment, lorsqu’il dénonçait sa complice, il nous–aurait dévoilé ces cachettes. De cela, je conclus que ce qui a été pris n’a aucun rapport avec l’affaire criminelle et n’apporterait rien pour ou contre le jugement. Mais ces objets enlevés étaient ceux qui avaient été le mobile du crime. C’est une affaire à reprendre et qui m’intéresse trop pour que je ne veuille pas en être spécialement chargé.

      Pendant que Chadi courait chercher un mouleur, Huret partait avec le commissaire de police. Ils laissalent deux agents–chargés de faire enlever et porter les objets.

      Quelques heures après, Chadi venait, avec un agent, livrer à Huret les pièces à conviction qu’il avait réclamées et disait:

      –J’ai confié les empreintes à un fameux mouleur, D., le mouleur de M. Clésinger; — il va rattacher tout ça, et il vous en donnera un moulage exact; il dit que c’est un bonhomme,–peut-être une statuette.

      –Bien. Vous lui avez recommandé la discrétion?

      –Vous pouvez compter sur lui;–il parle et crie toujours, mais il ne dit jamais rien.

      L’agent Huret, ayant réfléchi quelques minutes, lui demanda:

      –Chadi, est-on pressé chez les Tussaud?

      –Pas trop; le bronze ne va guère.

      –Vous avez des loisirs?

      –C’est à peu près tout mon travail. Mais pourquoi me demandez-vous cela?

      –Je pars pour Bruxelles, pour cette affaire que vous connaissez un peu, et j’ai besoin d’un homme dévoué. C’est un voyage d’une quinzaine de jours. Voulez-vous m’accompagner?

      –Un voyage, . une ballade en Belgique. Si je veux! exclama Chadi; avec ça que c’est pour pincer ceux qui ont fait tant de mal à mes petits bourgeois. Mais vous pouvez compter sur moi, Le père Tussaud fait tout ce que je veux; j’aurai mon congé, surtout lorsqu’il saura le motif pour lequel je le lui demande. Mais c’est avec Denise que ça va être raide. Ça ne fait rien, comptez sur moi, j’en suis.

      –Je ne cherche personne; je puis compter sur vous?

      –C’est entendu, monsieur Huret. Quand partons-nous?

      –Dans deux heures, par l’express de trois heures et demie. Nous serons ce soir à Bruxelles.

      –Bon Dieu! dans deux heures! Je vois la tête de Denise. Je lui dirai que c’est pour un héritage.

      –L’héritage de Léa Médan, dit le chef en riant.

      –C’est une idée, ça! Enfin, on y sera. Je n’ai pas de temps à perdre; je cours. Où vous trouverai-je? Chez vous?

      –Non, à trois heures, à la gare du Nord.

      –A la gare, trois heures précises; ça suffit, on y sera.

      –Pas de malle, pas de bagages; une valise avec du linge.

      –Compris. Je cours, et à trois heures. Plus que ça de chic1je voyage comme un caissier qui a eu des chagrins: en première et grande vitesse. A tout à l’heure, monsieur Huret.

      Et Chadi, joyeux, sortit en courant.

      A trois heures trente, Huret, accompagné de Chadi, montait dans l’express de Bruxelles. Le soir, les journaux publiaient une note brève envoyée par la préfecture de police ainsi conçue:

      «L’on se souvient de l’assassinat commis sur une étrangère, nommée Léa Médan. A la requête des héritiers de la victime, le mobilier et quelques valeurs, mis sous scellés, doivent être vendus demain. Cette nuit, l’appartement a été fracturé, et des personnes se sont introduites dans la maison sise rue Lacuée. Des constatations il résulte qu’aucun objet de valeur n’a été détourné; on suppose que l’effraction n’a eu lieu que dans le but de distraire de la vente quelques lettres compromettantes. On se souvient que la belle Léa Médan avait eu plus d’une histoire galante.

      » L’affaire n’aura pas de suite, et aujourd’hui seront vendus, à l’Hôtel, les objets composant l’héritage de la belle Léa.»

      La police, en envoyant cette note, n’y visait qu’une phrase: «L’affaire n’aura pas de suite,» qui devait donner toute quiétude aux malfaiteurs qu’elle allait rechercher.

       Table des matières

       GRANDEUR ET DÉCADENCE D’UN GENTILHOMME

       Table des matières

      Il était une heure de l’après-midi; c’était dimanche; il faisait un temps magnifique et Bruxelles était désert.

      Dans les rues, à peine quelques passants; toutes les maisons, à l’exception des cafés, des tavernes et des marchands de tabac, étaient fermées, et cependant il faisait gai.

      Un beau soleil dorait les toits aigus et blanchissait les plâtres gris et les pierres sombres des vieilles maisons brabançonnes. Dans les galeries Saint-Hubert pas un être flânant, pas un magasin ouvert; sur la place de la Monnaie, pas une voiture.

      Seul, le Manneken-Pis, la petite fontaine, coulait indécemment et mélancoliquement. Il planait sur la vieille cité un silence incompréhensible par ce clair soleil. Çà et là seulement passaient de superbes équipages conduits à la Daumont, entraînant d’un galop rapide, dans l’éclatement des grelots et des coups de fouet, la société élégante vers les champs de course du bois de la Cambre.

      C’était jour de courses, et la ville était abandonnée pour la piste. C’est seulement sur les verts boulevards, «la verte allée», et le long de la grande avenue menant au bois, que se retrouvait la vie.

      En face du Parc, rue de la Loi, une voiture attendait devant un charmant hôtel. C’était une grande calèche, aux panneaux armoriés, capitonnée de soie rouge à l’intérieur, à laquelle étaient attelés six chevaux de robe semblable, d’un roux ardent, harnachés de cuir fauve, à l’espagnole, avec grelots et passementeries; tous les chevaux portaient en cocarde les couleurs