Emile Zola, Sa Vie et Son Oeuvre. Edmond Lepelletier

Читать онлайн.
Название Emile Zola, Sa Vie et Son Oeuvre
Автор произведения Edmond Lepelletier
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066086954



Скачать книгу

toute la race latine. Dans le choc formidable qui se produisit, lors de la campagne des Gaules, c'étaient les hommes venus de l'Armorique, de la Belgique, des forêts du pays des Éduens, et des massifs montagneux du territoire des Arvernes, qui riaient, criaient, chantaient et mêlaient, aux brutalités guerrières, les bavardages sans fin, dans les festins tumultueux qui suivaient les combats. Ces géants blonds des pays septentrionaux, étaient d'une exubérance démonstrative et d'une intarissable loquacité. Ils formaient contraste avec le calme opiniâtre des légionnaires d'Italie, qui, lentement, posément, envahirent et gardèrent le sol gaulois.

      Émile Zola est un Méridional né à Paris, emporté, tout enfant, tout inconscient, dans son milieu originel, y redevenant homme du Midi, sobre, tenace et taciturne, revenant ensuite dans la grande ville cosmopolite, et en partie méridionale par afflux universel, mais cité du Nord maritime, par le climat et les mœurs. Il a traversé sans se mélanger, comme le Rhône le Léman, l'énorme capitale, sans perdre rien de sa saveur natale, de ses qualités de terroir, sans y diluer ce qu'il tenait de l'hérédité. C'est à Aix-en-Provence, et dans sa banlieue, qu'il acquit les premières initiations intellectuelles; c'est dans cette ville qu'il subit cet ensemencement du cerveau, plus pénétrant chez les jeunes gens de seize à vingt ans, destinés à grandir et à se développer hors du sillon d'origine. Il n'est pas Méridional pur sang. Les croisements sont favorables aux perfectionnements des produits, déclarent les embryogénistes. Zola, comme plusieurs hommes supérieurs, eut une généalogie complexe, et sa filiation est mixte.

      L'hérédité joue un rôle considérable dans la formation des intelligences et des caractères. Il est douteux pourtant que son rôle ait l'importance qu'on lui attribue souvent, et que Zola a propagée, d'après les doctrines du docteur Lucas. Les Rougon-Macquart sont issus de la volonté de l'auteur d'étudier les dispositions héréditaires d'un certain nombre d'individus, et les déformations psychologiques que les tares et les dégénérescences peuvent produire chez ces êtres, placés dans des milieux différents et dans des conditions sociales antagonistes. J'estime qu'il y aurait de l'exagération, et, par conséquent, erreur scientifique, à vouloir appliquer le fatalisme de l'hérédité, d'une façon absolue, à ce qui est du domaine sentimental, intellectuel et moral.

      Dans la formation du cerveau et du moral de Zola, on ne saurait trouver trace forte de l'hérédité. Dans sa constitution physique, on observerait plutôt une transmission sérieuse. Le père de Zola était vigoureux et bien constitué. C'était un homme de petite taille, trapu et brun, comme l'auteur des Rougon-Macquart. Il avait une bonne santé. Il est mort jeune, il est vrai, à cinquante et un ans, mais d'une affection accidentelle, à marche rapide: une pleurésie contractée en voyage. Sans le refroidissement dont il fut atteint, en visitant des travaux, risque professionnel, pour ainsi dire, il eût probablement vécu de longues années. Un accident a, de même, interrompu l'existence d'Émile Zola. L'hérédité n'a rien à voir dans cette triste coïncidence.

      Comme son père, Émile Zola n'avait aucune maladie organique. Voici, d'après l'examen qu'a fait de lui le docteur Edouard Toulouse, médecin de l'asile Sainte-Anne, la description physique d'Émile Zola, à l'âge de cinquante-six ans, en 1896, par conséquent:

      C'est un homme d'une taille au-dessus de la moyenne, d'apparence robuste et bien constitué. Le thorax est large, les épaules hautes et carrées; les muscles sont assez volumineux, bien que non exercés. Il existe un certain embonpoint. La peau est blanche, rosée, ridée en certains endroits; le tissu cellulaire est abondant. Les cheveux et la barbe étaient bruns; ils grisonnent aujourd'hui. Les poils sont très fournis sur tout le corps, et notamment sur la partie antérieure du thorax. La tête est grosse, la face large, les traits assez accentués. Le regard est scrutateur, doux et même rendu un peu vague par la myopie. L'ensemble de la physionomie exprime la réflexion habituelle et une certaine émotivité. M. Zola a un air sérieux, inquiet, chagrin, qui lui est particulier. La voix est assez bien timbrée; mais les finales sont quelquefois émises en fausset, et il existe un reste, à peine appréciable, du trouble de prononciation de l'enfance.

      La taille est de 1m.705, c'est-à-dire au-dessus de la moyenne qui est, à Paris et en France, de 1m.655 environ. D'après les relevés de M. A. Bertillon, la taille moyenne des sujets de 45 à 59 ans ne serait même que de 1m.622. On sait qu'elle s'abaisse au fur et à mesure qu'on se rapproche de la vieillesse.

      La taille assise (buste et tête) serait de 0m.890, c'est-à-dire un peu inférieure à la moyenne (0m.900) des individus de sa taille.

      L'envergure est ordinairement un peu plus grande que la taille. Celle de M. Zola est de 1m.77, supérieure à celle (1m.736) des individus de sa grandeur. Ses membres supérieurs sont donc plus longs que la moyenne.

      Quant au crâne, il est un peu supérieur à la moyenne, dans tous ses diamètres. Le diamètre antéro-postérieur est de 0,191. Le diamètre bi-zygomatique, qui mesure la largeur de la face, est de 0,146. Il ne semble pas que les os du crâne de M. Zola soient plus volumineux que chez d'autres. Il y a donc des probabilités pour qu'il ait un volume cérébral supérieur à la moyenne. L'oreille droite à 0,069, plus haute que large. Les cheveux sont droits, pleins d'épis, vaguement ondulés. Les avant-bras sont assez volumineux à leur extrémité supérieure, et minces à leurs attaches avec le poignet. C'est dire que leur forme est distinguée, dans le sens courant du mot. Les mains ont 0,112 de largeur sur 0,110 de longueur; elles sont donc larges. M. Zola gante du 7, 3/4 très large. Les ongles sont petits et ronds. Les pieds sont très cambrés. M. Zola chausse du 39, grande largeur.

      Le docteur Édouard Toulouse, qui a publié cet examen physique de Zola, dans son enquête médico-psychologique, ajoute, en résumé, que l'étude anthropologique de Zola révèle une constitution anatomique robuste et exempte de défectuosités notables. Les particularités qu'il a relevées ne dépassent pas les limites de la variation normale, et l'on n'est pas autorisé à y voir des stigmates de dégénérescence. Les organes circulatoires ne paraissent pas lésés, la percussion n'indique pas un cœur hypertrophié. Dans ses dernières années, Zola est devenu plus sujet aux inflammations légères des voies respiratoires. Les dents sont mauvaises, plusieurs ont été arrachées; les fonctions digestives ont été longtemps troublées; la digestion se fait bien et l'appétit est bon, depuis que l'embonpoint a diminué.

      On sait que Zola avait une forte tendance à l'engraissement. Avec l'énergie dont il fut doué, il lutta contre l'obésité, par le régime. Les repas pris sans boire, l'alimentation légère, le thé et l'exercice physique, à la campagne, comme les longues courses à bicyclette, ont amené un amaigrissement qui étonnait ceux qui l'avaient perdu de vue pendant quelque temps. Il était arrivé à avoir seulement 1m.06 de tour de taille, et il pesait 160 livres. Le système musculaire était développé; il était bon pédaleur. Sa sensibilité cutanée était vive. Il dormait peu, à peine huit heures. Sa vue, comme nous l'avons dit, était faible: il avait été réformé, comme myope. Son odorat était fin, «c'est réellement un olfactif», a dit le docteur Toulouse; les odeurs tiennent une grande place dans ses livres, et aussi dans sa vie.

      Il était sujet à des coliques nerveuses et à des crises d'angoisse confinant à l'angine de poitrine. «Le serrement dans une foule de Mi-Carême, dit le docteur Toulouse, a, une fois, provoqué chez M. Zola, une crise d'angoisse, avec phénomènes pseudo-angineux graves.»

      De cet examen médico-physique, il résulte que Zola avait une émotivité exagérée, et qu'il était un névropathe, mais sans altération organique. Il a pris la névrose comme point de départ de son œuvre, et il n'était pas un névrosé, dans le sens morbide du mot. Il n'avait aucune caractéristique de l'épilepsie ou de l'hystérie. Les déséquilibres nerveux constatés chez lui provenaient d'une source subjective, d'un surmenage intellectuel.

      Ces troubles nerveux, dit encore le docteur Toulouse, n'ont fait que s'accentuer, depuis la vingtième année, avec la persistance d'un travail psychique excessif, quoique réglé. On peut voir, dans le cas de M. Zola, la confirmation de cette idée, que la névropathie est la compagne fréquente de la supériorité intellectuelle, et que, même lorsqu'elle est d'origine congénitale, elle se développe avec l'exercice cérébral, qui tend à déséquilibrer peu à peu le système