Название | Contes Français |
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Автор произведения | Divers Auteurs |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066089320 |
oreille contre l'huis, elle demanda:
--Qui êtes-vous?
[20] La voix répondit:
--Che suis le tétachement de l'autre chour.
La jeune femme reprit:
--Qu'est-ce que vous voulez?
--Che suis berdu tepuis ce matin, tans le pois, avec mon
[25] tétachement. Oufrez ou che gasse la borte.
La forestière n'avait pas le choix; elle fit glisser vivement
le gros verrou, puis tirant le lourd battant, elle
aperçut dans l'ombre pâle des neiges, six hommes, six
soldats prussiens, les mêmes qui étaient venus la veille.
[30] Elle prononça d'un ton résolu:
--Qu'est-ce que vous venez faire à cette heure-ci?
Le sous-officier répéta:
--Che suis berdu, tout à fait berdu, ché regonnu la
maison. Che n'ai rien manché tepuis ce matin, mon
tétachement non blus.
Berthine déclara:
[5]--C'est que je suis toute seule avec maman, ce soir.
Le soldat, qui paraissait un brave homme, répondit:
--Ça ne fait rien. Che ne ferai bas de mal, mais fous
nous ferez à mancher. Nous dombons te faim et te
fatigue.
[10] La forestière se recula:
--Entrez, dit-elle.
Ils entrèrent, poudrés de neige, portant sur leurs casques
une sorte de crème mousseuse qui les faisait ressembler à
des meringues, et ils paraissaient las, exténués.
[15] La jeune femme montra les bancs de bois des deux côtés
de la grande table.
--Asseyez-vous, dit-elle, je vais vous faire de la soupe.
C'est vrai que vous avez l'air rendus.
Puis elle referma les verrous de la porte.
[20] Elle remit de l'eau dans la marmite, y jeta de nouveau
du beurre et des pommes de terre, puis décrochant un
morceau de lard pendu dans la cheminée, elle en coupa
la moitié qu'elle plongea dans le bouillon.
Les six hommes suivaient de l'oeil tous ses mouvements
[25] avec une faim éveillée dans leurs yeux. Ils avaient posé
leurs fusils et leurs casques dans un coin, et ils attendaient,
sages comme des enfants sur les bancs d'une école.
La mère s'était remise à filer en jetant à tout moment
des regards éperdus sur les soldats envahisseurs. On n'entendait
[30] rien autre chose que le ronflement léger du rouet
et le crépitement du feu et le murmure de l'eau qui
S'échauffait.
Mais soudain un bruit étrange les fit tous tressaillir,
quelque chose comme un souffle rauque poussé sous la
porte, un souffle de bête, fort et ronflant.
Le sous-officier allemand avait fait un bond vers les
[5] fusils. La forestière l'arrêta d'un geste, et souriante:
--C'est les loups, dit-elle. Ils sont comme vous, ils
rôdent et ils ont faim.
L'homme incrédule voulut voir, et sitôt que le battant
fut ouvert, il aperçut deux grandes bêtes grises qui
[10] s'enfuyaient d'un trot rapide et allongé.
Il revint s'asseoir, en murmurant:
--Ché n'aurais pas gru:
Et il attendit que sa pâtée fût prête.
Ils la mangèrent voracement, avec des bouches fendues
[15] jusqu'aux oreilles pour en avaler davantage, des yeux
ronds s'ouvrant en même temps que les mâchoires, et des
bruits de gorge pareils à des glouglous de gouttières.
Les deux femmes, muettes, regardaient les rapides
mouvements des grandes barbes rouges; et les pommes de
[20] terre avaient l'air de s'enfoncer dans ces toisons
mouvantes,
Mais comme ils avaient soif, la forestière descendit à la
cave leur tirer du cidre. Elle y resta longtemps; c'était
un petit caveau voûté qui, pendant la révolution, avait
[25] servi de prison et de cachette, disait-on. On y parvenait
au moyen d'un étroit escalier tournant fermé par une
trappe au fond de la cuisine.
Quand Berthine reparut, elle riait, elle riait toute seule,
d'un air sournois. Et elle donna aux Allemands sa cruche
[30] de boisson.
Puis elle soupa aussi, avec sa mère, à l'autre bout de la
Cuisine.
Les soldats avaient fini de manger, et ils s'endormaient
tous les six, autour de la table. De temps en temps un
front tombait sur la planche avec un bruit sourd, puis
l'homme, réveillé brusquement, se redressait.
[5] Berthine dit au sous-officier:
--Couchez-vous devant le feu, pardi, il y a bien d'la
place pour six. Moi je grimpe à ma chambre avec
maman.
Et les deux femmes montèrent au premier étage. On
[10] les entendit fermer leur porte à clef, marcher quelque
temps; puis elles ne firent plus aucun bruit.
Les Prussiens s'étendirent sur le pavé, les pieds au feu,
la tête supportée par leurs manteaux roulés, et ils ronflèrent
bientôt tous les six sur six tons divers, aigus ou
[15] sonores, mais continus et formidables.
Ils dormaient certes depuis longtemps déjà quand un
coup de feu retentit, si fort, qu'on l'aurait cru tiré contre
les murs de la maison. Les soldats se dressèrent aussitôt.
Mais deux nouvelles détonations éclatèrent, suivies de
[20] trois autres encore.
La porte du premier s'ouvrit brusquement, et la forestière
parut, nu-pieds, en chemise, en jupon court, une