Название | La Coupe; Lupo Liverani; Le Toast; Garnier; Le Contrebandier; La Rêverie à Paris |
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Автор произведения | Жорж Санд |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
La reine n'a rien dit de plus. Elle conseille et ne commande pas. Elle s'éloigne et les fées se dispersent. Quelques-unes restent avec Zilla et l'interrogent. «Que veux-tu donc faire de cet enfant? Il est beau, j'en conviens, mais tu ne peux l'aimer. Vierge consacrée, tu as jadis prononcé le vœu terrible; tu n'as connu ni époux ni famille; aucun souvenir de ta vie mortelle ne t'a laissé le regret et le rêve de la maternité. D'ailleurs l'immortalité délivre de ces faiblesses et quiconque a bu la coupe a oublié l'amour.
– Il est vrai, dit Zilla, et ce que je rêve pour cet enfant n'a rien qui ressemble aux rêves de la vie humaine: il est pour moi une curiosité, et je m'étonne que vous ne partagiez pas l'amusement qu'il me donne. Depuis tant de siècles que nous avons rompu tout lien d'amitié avec sa race, nous ne la connaissons plus que par ses œuvres. Nous savons bien qu'elle est devenue plus habile et plus savante, ses travaux et ses inventions nous étonnent; mais nous ne savons pas si elle en vaut mieux pour cela et si ses méchants instincts ont changé.
– Et tu veux voir ce que deviendra l'enfant des hommes, isolé de ses pareils et abandonné à lui-même, ou instruit par toi dans la haute science? Essaie. Nous t'aiderons à le conduire ou à l'observer. Souviens-toi seulement qu'il est faible et qu'il n'est pas encore méchant. Il te faudra donc le soigner mieux que l'oiseau dans son nid, et tu as pris là un grand souci, Zilla. Tu es aimable et douce, mais tu as plus de caprices que de volontés. Tu te lasseras de cette chaîne, et peut-être ferais-tu mieux de ne pas t'en charger.»
Elles parlaient ainsi par jalousie, car l'enfant leur plaisait, et plus d'une eût voulu le prendre. Les fées n'aiment pas avec le cœur, mais leur esprit est plein de convoitises et de curiosités. Elles s'ennuient, et ce qui leur vient du monde des hommes, où elles n'osent plus pénétrer ouvertement, leur est un sujet d'agitation et de surprise. Un joyau, un animal domestique, une montre, un miroir, tout ce qu'elles ne savent pas faire et tout ce dont elles n'ont pas besoin les charme et les occupe.
Elles méprisent profondément l'humanité; mais elles ne peuvent se défendre d'y songer et d'en jaser sans cesse. L'enfant leur tournait la tête. Quelques-unes convoitaient aussi le chien; mais Zilla était jalouse de ses captures, et, trouvant qu'on les lui disputait trop, elle les emmena dans une grotte éloignée du sanctuaire des fées et montra à l'enfant l'enceinte de forêts qu'il ne devait pas franchir sans sa permission. L'enfant pleura en lui disant: «J'ai faim.» Et quand elle l'eut fait manger, voyant qu'elle le quittait, il lui dit: «J'ai peur.»
Zilla, qui avait trouvé l'enfant vorace, le trouva stupide, et, ne voulant pas se faire son esclave, elle lui montra où les chevrettes allaitaient leurs petits, où les abeilles cachaient leurs ruches, où les canards et les cygnes sauvages cachaient leurs œufs, et elle lui dit: «Cherche ta nourriture. Cache-toi aussi, toi, pour dérober ces choses, car les animaux deviendraient craintifs ou méchants, et les vieilles fées n'aiment pas à voir déranger les habitudes de leur vie.» L'enfant du prince s'étonna bien d'avoir à chercher lui même une si maigre chère. Il bouda et pleura, mais la fée n'y fit pas attention.
Elle n'y fit pas attention, parce qu'elle ne se rappelait que vaguement les pleurs de son enfance, et que ces pleurs ne représentaient plus pour elle une souffrance appréciable. Elle s'en alla au sabbat, et le lendemain l'enfant eut faim et ne bouda plus. Le chien, qui ne boudait jamais, attrapa un lièvre et le mangea bel et bien. Au bout de trois jours, l'enfant pensa qu'il pourrait aisément ramasser du bois mort, allumer du feu et faire cuire le gibier pris par son chien; mais, comme il était paresseux, il se contenta des autres mets et les trouva bons.
Un peu plus tard, il oublia que les hommes font cuire la viande, et, voyant que son chien la mangeait crue avec délices, il y goûta et s'en rassasia. Quand la fée Zilla revint du concile, elle trouva l'enfant gai et frais, mais sauvage et malpropre. Il avait les dents blanches et les mains ensanglantées, le regard morne et farouche; il ne savait déjà presque plus parler; las de chercher où il était, et pourquoi son sort était si changé, il ne songeait plus qu'à manger et à dormir.
Le chien au contraire était propre et avenant. Son intelligence avait grandi dans le dévouement de l'amitié. La fée eut envie d'abandonner l'enfant et d'emmener le chien. Et puis elle se souvint un peu du passé et résolut de civiliser l'enfant à sa manière; mais il fallait se décider à lui parler, et elle ne savait quelle chose lui dire. Elle connaissait bien sa langue, elle n'était pas des moins savantes; mais elle ne se faisait guère d'idée des raisons que l'on peut donner à un enfant pour changer ses instincts.
Elle essaya. Elle lui dit d'abord: «Souviens-toi que tu appartiens à une race inférieure à la mienne.» L'enfant se souvint de ce qu'il était et lui répondit: «Tu es donc impératrice? car, moi, je suis prince.» La fée reprit: «Je veux te faire plus grand que tous les rois de la terre.» L'enfant répondit: «Rends-moi à ma mère qui me cherche.» La fée reprit: «Oublie ta mère et n'obéis qu'à moi.» L'enfant eut peur et ne répondit pas. La fée reprit: «Je veux te rendre heureux et sage, et t'élever au-dessus de la nature humaine.» L'enfant ne comprit pas.
La fée essaya autre chose. Elle lui dit: «Aimais-tu ta mère? – Oui, répondit l'enfant. – Veux-tu m'aimer comme elle? – Oui, si vous m'aimez. – Que me demandes-tu là? dit la fée souriant de tant d'audace. Je t'ai tiré du glacier où tu serais mort; je t'ai défendu contre les vieilles fées qui te haïssaient, et caché ici où elles ne songent plus à toi. Je t'ai donné un baiser, bien que tu ne sois pas mon pareil. N'est-ce pas beaucoup, et ta mère eût-elle fait pour toi davantage? – Oui, dit l'enfant, elle m'embrassait tous les jours.»
La fée embrassa l'enfant, qui l'embrassa aussi en lui disant: «Comme tu as la bouche froide!» Les fées sont joueuses et puériles comme les gens qui n'ont rien à faire de leur corps. Zilla essaya de faire courir et sauter l'enfant. Il était agile et résolu, et prit d'abord plaisir à faire assaut avec elle; mais bientôt il vit des choses extraordinaires. La fée courait aussi vite qu'une flèche, ses jambes fines ne connaissaient pas la fatigue, et l'enfant ne pouvait la suivre.
Quand elle l'invita à sauter, elle voulut, pour lui donner l'exemple, franchir une fente de rochers; mais, trop forte et trop sûre de ne pas se faire de mal en tombant, elle sauta si haut et si loin que l'enfant épouvanté alla se cacher dans un buisson. Elle voulut alors l'exercer à la nage, mais il eut peur de l'eau et demanda une nacelle, ce qui fit rire la fée, et lui, voyant qu'elle se moquait, se sentant méprisé et par trop inférieur à elle, il lui dit qu'il ne voulait plus d'elle pour sa mère.
Elle le trouva faible et poltron. Pendant quelques jours, elle l'oublia; mais comme ses compagnes lui demandaient ce qu'il était devenu et lui reprochaient de l'avoir pris par caprice et de l'avoir laissé mourir dans un coin, elle courut le chercher et leur montra qu'il était bien portant et bien vivant. «C'est bon, dit la reine; puisqu'il peut se tirer d'affaire sans causer trop de dommage, je consens à ce qu'il soit ici comme un animal vivant à la manière des autres, car je vois bien que tu n'en sauras rien faire de mieux.»
Zilla comprit que la sage et bonne reine la blâmait, et elle se piqua d'honneur. Elle retourna tous les jours auprès de l'enfant, y passa plus de temps chaque jour, apprit à lui parler doucement, le caressa un peu plus, mit plus de complaisance à le faire jouer en ménageant ses forces et en exerçant son courage. Elle lui apprit aussi à se nourrir sans verser le sang et elle vit qu'il était éducable, car il s'ennuyait d'être seul, et pour la faire rester avec lui, il obéissait à toutes ses volontés, et même il avait des grâces caressantes qui flattaient l'amour-propre de la fée.
Pourtant