Название | Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron |
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Автор произведения | Ciceron |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066373825 |
XLV. Il n’est pas difficile de réfuter un argument qui n’a que la forme d’un raisonnement rigoureux, sans en avoir la justesse ; et voici comme il faut s’y prendre. Si le dilemme, qui vous presse également des deux côtés, est vrai, n’y répondez pas. Est-il faux, on le réfute de deux manières : par la rétorsion, ou en infirmant l’une des deux propositions. Exemple de la rétorsion :
S’il a de la pudeur, pourquoi accuser un homme de bien ? S’il porte un cœur inaccessible à la honte, pourquoi accuser un homme qui s’inquiétera peu de vos reproches ?
Ainsi, qu’on le suppose vertueux ou incapable de pudeur, on conclut qu’il ne faut pas l’accuser. Vous rétorquez l’argument en disant : « C’est au contraire une raison pour l’accuser ; car s’il conserve encore quelque pudeur, accusez-le : il ne méprisera point votre accusation. A-t-il perdu toute pudeur, accusez-le, puisqu’il n’est pas vertueux. » Vous pouvez encore infirmer l’une des deux propositions : « S’il a conservé quelque pudeur, l’accusation pourra le ramener n dans le sentier de la vertu. »
Une énumération est vicieuse, quand vous pouvez répondre qu’on a passé sur quelque chose que vous voulez accorder, ou qu’on y a compris des raisons faibles, que vous pouvez tourner contre votre adversaire, ou que vous n’avez pas de motif raisonnable de ne pas accorder. Par exemple, voici une énumération qui n’est pas complète : « Puisque vous avez ce cheval, ou vous l’avez acheté, ou vous l’avez acquis par héritage, ou il vous a été donné en présent, ou il est né dans votre maison ; ou, si rien de tout cela n’est vrai, il faut que vous l’ayez dérobé. Or, vous ne l’avez ni acheté ni acquis par héritage ; il n’est point né chez vous, on ne vous l’a point donné en présent ; donc il faut que vous l’ayez dérobé. » ll est facile de réfuter ce raisonnement, si vous pouvez dire que ce cheval a été pris sur l’ennemi, et que vous l’avez reçu dans le partage du butin. Vous renversez toute l’énumération en rétablissant ce qu’elle avait omis.
XLVI. Vous pouvez encore attaquer une des parties de l’énumération, si vous êtes en mesure de le faire, et prouver, pour nous en tenir à l’exemple déjà cité, que vous avez eu ce cheval par héritage. Vous pouvez enfin convenir d’une chose qui n’a rien de honteux. Qu’un adversaire vous dise : « Ou vous méditiez une trahison, ou vous étiez guidé par la cupidité, ou vous aviez trop de complaisance pour un ami ; » pourquoi n’avoueriez-vous pas que vous avez agi par complaisance pour un ami ?
On peut réfuter une conclusion simple quand la conséquence n’est pas la suite nécessaire des antécédents. Si vous dites : « Cet homme respire, donc il vit. Le soleil brille, donc il fait jour, » le rapport de l’antécédent et du conséquent est sensible. Mais si vous dites : « Elle est mère, donc elle aime ses enfants ; — Il a commis quelques fautes, donc il est incorrigible, » il suffira, pour vous réfuter, de montrer qu’il n’y a pas de liaison nécessaire entre l’antécédent et le conséquent.
La théorie du raisonnement en général et de la réfutation a bien plus de profondeur et d’étendue que nous ne lui en donnons ici. Mais telle en est la nature qu’on ne peut la joindre à quelque partie de l’art oratoire, et qu’elle exige seule une étude particulière et une longue et sérieuse méditation. Aussi nous nous réservons de la développer ailleurs et dans un autre but, si nos faibles talents nous le permettent. Bornons-nous maintenant aux préceptes que donne la rhétorique sur l’éloquence. Nous venons d’exposer la manière de réfuter notre adversaire en niant une de ses propositions.
XLVII. Si vous les accordez toutes deux, vous pouvez encore attaquer la conséquence, et la comparer avec les prémisses. Vous dites, par exemple, que « vous étiez parti pour l’armée. » On vous répond par cet argument : « Si vous étiez venu à l’armée, vous auriez été vu par les tribuns militaires ; or, ils ne vous ont point vu ; donc vous n’étiez point parti pour l’armée. » Ici vous accordez la proposition et l’assomption, mais vous niez la conséquence, qui n’est pas exacte.
Pour nous rendre plus clairs, nous avons choisi un exemple où ce défaut était saillant ; mais souvent on se laisse vaincre par un raisonnement faux, mais subtil, soit parce qu’on oublie ce qu’on a accordé, soit parce qu’on accorde une proposition douteuse. Admettez-vous, dans le sens que vous lui donnez, une chose douteuse que votre adversaire, dans sa conclusion, envisage sous un autre point de vue, démontrez qu’il ne tire point sa conséquence de ce que vous lui accordez, mais de ce qu’il établit. L’exemple suivant donnera une idée de ce genre de réfutation : « Si vous avez besoin d’argent, vous n’en avez pas ; si vous n’avez pas d’argent, vous êtes pauvres : or, vous avez besoin d’argent, autrement vous n’auriez point embrassé le commerce ; donc vous êtes pauvres. » Il est facile de répondre : Quand vous me dites : « Si vous avez besoin d’argent, vous n’en avez pas ; » j’entends : « Si vous êtes dans un dénuement absolu, vous n’avez point d’argent, » et voilà pourquoi je vous l’accorde. Quand vous ajoutez : « Or, vous avez besoin d’argent ; » je comprends : « Vous voulez en avoir davantage ; » et de ces deux propositions que je vous accorde, il ne faut pas conclure : « Donc vous êtes pauvres : » conclusion qui serait juste, si j’étais demeuré d’accord avec vous que « celui qui veut augmenter son argent n’a pas d’argent. »
XLVIII. Souvent on suppose que vous avez oublié ce que vous avez accordé, et l’on fait entrer dans la conclusion, comme conséquence, ce qui ne l’est nullement ; par exemple : « S’il avait des droits à sa succession, il est probable qu’il est son assassin. » On prouve longuement la majeure ; ensuite on ajoute : « Or il y avait des droits ; donc il est son assassin ; » ce qui n’est nullement la conséquence de ce qu’on a établi.
Aussi faut-il donner la plus grande attention et aux prémisses et à la conséquence.
Quant au genre du raisonnement, on prouve qu’il est défectueux, lorsqu’il renferme quelque vice en lui-même, ou qu’il est mal appliqué. Le vice est en lui-même, s’il est absolument faux, commun, vulgaire, futile, tiré de trop loin ; si la définition n’est pas juste ; s’il est litigieux, trop évident, contesté ; enfin, s’il renferme quelque chose de honteux, d’offensant, de contraire, d’incohérent ou de contradictoire. il est faux, quand le mensonge est grossier : « Celui qui méprise l’argent ne saurait être sage ; or Socrate méprisait l’argent, donc il n’était point sage ; » commun, quand il ne fait pas moins pour notre adversaire que pour nous : « Peu de mots me suffisent, juges, parce que ma cause est bonne ; » vulgaire, quand ce qu’on accorde peut s’appliquer également à une chose peu probable, comme : « Si sa cause n’était pas bonne, juges, il ne s’abandonnerait pas à votre sagesse ; futile, quand l’excuse est déplacée ; » par exemple : « Il ne l’aurait point fait, s’il y avait pensé ; » ou quand on s’efforce de jeter un voile transparent sur une action dont la honte est évidente :
Pendant que chacun vous recherchait avec ardeur, je vous ai laissé sur un trône florissant ; maintenant on vous abandonne ; seule, malgré le péril, je dispose tout pour vous y replacer.
XLIX. L’argument est tiré de trop loin, quand on remonte plus haut qu’il n’est nécessaire : «