Un diplomate luxembourgeois hors pair. Paul Schmit

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Название Un diplomate luxembourgeois hors pair
Автор произведения Paul Schmit
Жанр Биографии и Мемуары
Серия
Издательство Биографии и Мемуары
Год выпуска 0
isbn 9782919792009



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l’industriel Xavier de Saint-Hubert-Mongenast et la sœur d’Aline Mayrisch-de Saint-Hubert. Georges Brasseur s’est marié en 1922 avec Annette Mayrisch, petite-fille d’une Metz et donc parente d’Hugues. Ingénieur, l’ami Brasseur a été directeur et administrateur de la Compagnie des Mines et Métaux et attaché à la direction générale de l’Arbed.56 Cet ami d’Hugues Le Gallais a fait l’objet d’un courrier du ministre de la Justice Victor Bodson57 du 28 mai 1941. Georges Brasseur était venu en mai 1941 aux Etats-Unis « muni de papiers délivrés par les autorités allemandes qui lui ont fait défense de voir la Grande-Duchesse ou un membre du Gouvernement mais que sur requête spéciale de Brasseur il a été autorisé à vous [Hugues Le Gallais] voir comme ancien ami d’études… la visite intéresse quant aux questions exposées par le gouvernement… » Contacts plutôt confidentiels donc au beau milieu de la guerre. Brasseur était de retour à Washington en janvier 1942 où il rencontra Dupong et se rendit pour affaires en Ohio en mars. Lors de cette visite, il fut arrêté et Le Gallais dut intervenir auprès du Federal Bureau of Investigation (FBI). Une importante caution fut versée afin de mettre fin aux soupçons à l’encontre de Brasseur qui avait été considéré comme militaire et était porteur de lettres en allemand, le rendant suspect d’après Heisbourg.58 L’ami Brasseur était encore à Washington en janvier 1944 et a remis une note sur la sidérurgie expliquant les difficultés d’un sabotage dans un petit pays, ce qui allait encore avoir son importance plus tard pour expliquer l’attitude de l’Arbed et d’Aloyse Meyer durant la guerre. Au cours de la guerre, Brasseur a rejoint l’effort allié dans le rang des forces américaines, pas au front mais dans la fonction G2 (sécurité et intelligence) du Département de la Guerre.59 À Luxembourg, un autre couple figurait parmi les connaissances des Le Gallais. C’était le couple des Alexandre, la fille desquels, Madeleine, allait épouser Robert Flesch60 qui avait épousé en premières noces une Leclère, décédée jeune en 1915, nièce d’Emile Mayrisch et cousine des Le Gallais du côté des Metz. Ce n’est qu’à Washington que les Le Gallais allaient se faire de vrais amis, comme les époux Maurice Frère ou certains collègues ambassadeurs avec lesquels ils allaient rester en contact même au-delà de leur retraite. À Venise, Pisana n’avait plus trop de liens en dehors de sa famille, et après leur retour de Washington en 1958, les vraies amitiés s’y faisaient de plus en plus rares pour Hugues qui ne maîtrisait pas assez bien la langue italienne. Des résidents vénitiens en vue, comme Élie Ludovic Henri Christian Decazes,61 5e duc Decazes, propriétaire du Palais Contarini Polignac, ou l’héritière et collectionneur d’art moderne, Peggy Guggenheim,62 étaient presque des voisins, mais il est difficile de savoir s’ils étaient également devenus des amis. Ainsi va la vie des diplomates qui, la plupart du temps, perdent beaucoup d’attaches et d’amitiés en cours de route. Il y avait aussi le couple Curtis, issu d’une vieille famille de Boston, qui avait acheté le beau Palais Barbaro sur le Grand Canal, en face du Palais Polignac, qui menait une vie culturelle et artistique intéressante. Dans la mesure du possible, on restait entre soi, soignant des liens d’amitié nombreux et divers mais toujours choisis avec soin.

      Les deux rejetons de familles bourgeoises voire aristocratiques étaient liés non seulement par tous les talents de la jeunesse alliée à l’ambition, mais encore et surtout par le fait qu’ils voulaient échapper à des situations familiales compliquées, notamment en raison du remariage de leurs pères respectifs. L’entente avec les belles-mères de l’un et de l’autre n’était guère optimale et ni Luxembourg ni Venise ne retenaient suffisamment les deux audacieux qui, sans trop hésiter, ont pris le grand large. Hugues connaissait le grand monde et le grand jeu de la vie, et Pisana allait combler son indicible enthousiasme pour les contrées exotiques et son ambition de poursuivre une carrière somme toute prometteuse. Pisana est décrite par d’aucuns comme très gentille mais ne sachant pas faire le ménage.

      Et les voilà partis pour le Japon. Pour les déplacements des jeunes Le Gallais, l’avion, cette fabuleuse conquête de l’air par l’homme, ne semble pas avoir été à portée de mains. Pisana n’a d’ailleurs utilisé ce moyen de déplacement qu’une seule fois de sa vie pour se rendre à Cuba, Hugues peut-être aussi pour se rendre au Mexique, mais pas si souvent que cela leur aurait été possible avec une aviation qui n’en était plus à ses débuts mais toujours considérée comme dangereuse. L’automobile était inexistante et impossible à utiliser à Venise, de sorte que la quasi-exclusivité de leurs déplacements ont été entrepris en train et en bateau. En tout cas, au seuil de leur vie nouvelle, une page aventureuse allait s’ouvrir pour Pisana et Hugues. Le couple allait mener une vie de rêve en faisant habilement fructifier son talent, que ce soit à Tokyo, à Luxembourg, plus tard à Washington ou finalement à Venise.

      53 Comme le couple est resté sans enfants, la maison est revenue aux héritiers de Hugues et de Pisana.

      54 Par la suite, et pendant presque vingt ans, le rez-de-chaussée du palais a accueilli jusqu’en 2017 la participation luxembourgeoise aux Biennales de Venise.

      55 Télégramme de condoléances au colonel ou encore Lt. Gianni Velluti, demi-frère de Pisana, du 22 mars 1957 de Doody.

      56 Mersch, Jules : Biographie Nationale du Pays de Luxembourg depuis ses origines jusqu’à nos jours. Luxembourg 1972, fasc. 19, p. 68 ; Mémorial n°51 du 19 juillet 1920, p. 764.

      57 Victor Bodson (1902-1984), ministre de la Justice de 1940 à 1947.

      58 Heisbourg, Georges : Le gouvernement luxembourgeois en exil. 1942-43, p. 22.

      59 Documents du Département de la Guerre (War Department) de février 1944 et mars 1946 mis à disposition par la famille de M. Brasseur (Tom Elvinger).

      60 Robert Flesch (1882-1940), ingénieur, chef des laminoirs de l’usine de Dudelange.

      61 Élie Decazes, 5e duc Decazes (1914-2011).

      62 Peggy Guggenheim (1898-1979), collectionneuse et mécène.

      ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES AVANT LA GUERRE ET POSTE DIPLOMATIQUE À WASHINGTON

      La famille d’Hugues avait été à l’origine de l’Arbed dont le siège social a été le symbole de l’économie luxembourgeoise florissante. Le bâtiment reflète l’histoire glorieuse d’une époque de la sidérurgie dominante. L’édifice a marqué et continue de constituer l’emblème de l’avenue de la Liberté. L’architecture et l’urbanisme de la capitale restent imprimés par ce fleuron du patrimoine architectural et industriel du pays.

      D’après un membre de la famille, Hugues, après la Première Guerre mondiale, n’avait en fait pas de vraie position. Peu enclin à se montrer expansif, en public du moins, il n’avait pas non plus l’âme sœur qui allait vraiment lui permettre de jouer son rôle avec davantage d’ardeur et de fougue. Au bout de ses études, il était heureux de pouvoir représenter Columeta où quelqu’un a dû placer un mot en sa faveur et le recommander. Il n’était apparemment pas connu pour être trop assidu au travail de bureau, certains disant à l’époque que le numéro deux faisait une partie non négligeable du boulot. C’est aussi ce qui résulte d’une lettre d’Andrée Mayrisch à sa mère du 19 novembre 1921 alors qu’elle et Hugues étaient à Londres tous les deux : « Hugues devient de plus en plus comique en spats63 et gibus.64 Il prononce tellement de paroles mémorables qu’on ne les retient pas. Voici quelques-unes des meilleures : “Je trouve que c’est amoral pour quelqu’un d’aussi riche que Gaston65 de travailler”, “Je suis beau, je suis intelligent, j’ai des idées larges”. À propos des affaires, et de l’argent qu’il gagnera plus tard : “Quand je voudrais, je réussirai(s) toujours, dans n’importe quoi.” En plus de ses autres défauts, il est devenu snob et rempli de préjugés mondains – mais c’est un cher garçon tout de même, quoique Poussy66 et moi le croyions capables [sic] des pires canailleries, innocemment d’ailleurs. »67 Pas trop porté sur le travail donc, mais néanmoins intéressé à jouer dans la cour des grands, Hugues