Название | L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793 |
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Автор произведения | Joseph Bertrand |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
L’auteur, qui bien vraisemblablement est Réaumur, cherche ensuite les moyens de relever l’Académie suivant lui prête à périr; il propose d’appliquer le savoir et l’esprit inventif des académiciens au perfectionnement des arts et métiers et de l’agriculture, et, descendant même au détail des questions que l’on pourrait proposer à chacun: «Qu’on se fasse, par exemple, dit-il, une loy de donner toujours à des académiciens la direction des monnoyes, comme le célèbre M. Newton l’a en Angleterre, et qu’on leur donne les inspections des différentes manufactures, les inspections généralles des chemins, ponts et chaussées. Croiroit-on trop faire, si on accordoit des entrées dans le conseil du commerce ou dans ceux des compagnies qui l’ont pour objet, aux sçavants qui ont fait des études particulières des matières que les arts et la médecine nous engagent à tirer des pays étrangers; à ceux qui se sont appliqués à s’instruire à fond des manufactures du royaume, de ses productions qui se sont négligées et qu’on pourroit mettre à proffit? Un gouvernement qui a les eaux pour objet, tel qu’est celuy de la Samaritaine, ne devroit-il pas entrer dans le partage des académiciens? Ce seroit une récompense pour un de ceux qui se seroit le plus appliqué aux hydrauliques; un pareil gouvernement l’engageroit à faire une étude particulière de tout ce qui a rapport à la conduitte des eaux; ce même gouvernement seroit un appas qui excitteroit un grand nombre d’autres sujets à travailler sur la même matière; au moins semble-t-il qu’il seroit mieux dans les mains d’un sçavant que dans celles d’un vallet de chambre d’un grand seigneur; à la Pépinière, il y a une place de quelque revenu qui conviendroit à un botaniste. On pourroit même donner à l’Académie une espèce d’inspection sur tous les arts mécaniques qui, sans leur être à charge, contribueroit extrêmement à leur progrez; un expédient assez simple rendroit nos ouvriers incomparablement plus habiles qu’ils ne sont, leur donneroit de l’émulation pour la perfection de leurs arts et augmenteroit par conséquent le débit de tous nos ouvrages d’industrie, car on se fournit des ouvrages de chacque espèce dans les pays où les ouvriers sont en réputation de mieux travailler; de là est venu le grand débit des montres d’Angleterre. L’expédient seroit que l’Académie proposast chaque année des prix pour ceux des ouvriers de chaque profession qui auroient inventé ou mieux fini quelque ouvrage; que ces prix fussent distribués aux arts mesmes qui semblent les plus grossiers, comme coutelliers, taillandiers, serruriers; on proposeroit par exemple aux taillandiers de chercher la manière la plus simple de faire une excellente faulx et à bon marché. Le succez de ce prix nous empêcheroit peut-estre d’avoir besoin à l’avenir des faulx d’Allemagne. Le royaume se trouveroit bien indemnisé de ce qu’il luy en coûteroit pour le prix.
«Mais, à vray dire, ajoute-t-il, on ne sçauroit attendre l’exécution de si grands projets d’une compagnie qui n’a que 30,000 livres à distribuer entre plus de vingt particuliers, et qui en a une trentaine d’autres à soutenir seullement par l’espérance d’entrer un jour en partage de cette petite somme. Les pensions n’étoient guères plus fortes du temps de M. Colbert; communément, elles étoient de 1,500 livres; mais 1,500 livres alors valloient plus que quatre ou cinq mille aujourd’huy. Celle de feu M. Cassini était de 9,000 livres, et a seulle produit bien des sçavants; des gratifications vinrent souvent au secours de la modicité des pensions; si ce grand ministre eust été plus longtemps conservé à la France, il eust apparemment mis sur un autre pied l’Académie dont il étoit le père; depuis qu’elle l’a perdu, elle a eu le temps d’apprendre combien on doit peu compter sur de petittes pensions, dont les payements peuvent estre suspendus par une infinité d’événements.
«Pour faire fleurir l’Académie, il faudroit donc luy donner des fondements inébranslables, luy assigner des fonds à l’épreuve de toutte révolution, comme sont les fonds en terre possédés par l’université d’Oxfort et de Cambridge; que ces fonds fussent suffisans pour faire vivre les académiciens d’une manière commode, leurs montrer des places distinguées où ils pussent se promettre d’arriver.
«Quelques considérables que fussent les fonds assignés, l’Académie ne seroit peut-estre pas un an ou deux à en dédommager le royaume. Une seulle découverte pourroit les remplacer.»
Ce plaidoyer habile et sincère resta sans résultat. L’Académie n’en vécut pas moins en se recrutant souvent fort heureusement, en dépit des sinistres prédictions de son défenseur; elle fut même un instant menacée de la concurrence d’une compagnie rivale, dont les membres paraissaient assez considérables pour lui porter sérieusement ombrage.
Vers l’année 1726, Julien et Pierre Leroy et Henri Sulli, célèbres tous trois dans l’histoire de l’horlogerie, instituèrent des conférences réglées sur les moyens de perfectionner leur art. Ils s’associèrent Clairaut père et fils et un fabricant d’instruments mathématiques, nommé Jacques Lemaire, et convinrent de se réunir tous les dimanches dans le jardin du Luxembourg; tout marcha bien pendant l’été; mais, à la mauvaise saison, il fallut chercher un autre asile; on le trouva dans la cour du Dragon, chez un M. Puisieux, qui devint membre de la société, à laquelle Degua, Nollet, La Condamine, Grand Jean Fouchy, Renard du Tosta directeur de la Monnaie, le célèbre orfévre Germain et le compositeur Rameau, se joignirent bientôt en l’engageant à étendre ses études et ses travaux à la totalité des arts et à augmenter encore le nombre des associés. La compagnie, selon les habitudes du temps, devait avoir un protecteur; on s’adressa au comte de Clermont, qui, flatté de ce rôle, offrit pour les séances une salle de son palais et obtint la permission royale, qui fut donnée en 1730. La société, devenue de plus en plus importante et honorée des fréquentes visites du prince de Clermont, se partagea, comme l’Académie, en honoraires et en associés, forma comme elle des sections, et nomma même des correspondants. L’un d’eux fut l’astronome danois Horrebow qui, dans son livre intitulé Basis astronomiæ, imprimé en 1735, à Copenhague, prend le titre de membre de la Société des arts de Paris. Réaumur et Dufay, inquiets des succès et de l’influence d’une compagnie nouvelle, proposèrent au prince de Clermont, dont ils étaient connus, que l’Académie s’engageât à choisir, autant qu’il se pourrait, ses sujets parmi les théoriciens de la société, à la condition de les posséder tout entiers en les autorisant seulement à garder dans l’autre compagnie le titre de vétéran. Un tel arrangement n’était pas acceptable et fut rejeté; les deux académiciens déclarèrent alors nettement qu’ils feraient tomber la société. Leur moyen fut très-simple: L’Académie s’adjoignit successivement La Condamine, Clairaut, Fouchy, Nollet et Degua en leur imposant l’obligation d’opter. L’effet ne se fit pas attendre, et la Société des arts, privée de ses membres les plus actifs, ne tarda pas à s’affaiblir et à tomber complétement, sans avoir produit aucune œuvre qui en perpétuât le souvenir.
L’Académie, outre les 36,000 livres destinées aux pensions, recevait, chaque année, sur le trésor royal une allocation de 12,000 livres attribuée aux dépenses générales et aux expériences jugées utiles mais employée, en grande partie, à aider ou à secourir les pensionnaires ou les associés les plus pauvres ou les plus en faveur.
Ces fonds bien insuffisants paraissent d’ailleurs avoir été, pendant longtemps au moins, administrés avec beaucoup de désordre. Une fois, par exception, en 1725, le maréchal de Tallard, président de l’Académie, avant d’approuver les dépenses, voulut en connaître le détail; peu satisfait d’un premier examen, il nomma une commission dans laquelle siégeaient l’abbé Bignon, Réaumur et Cassini; leur rapport est réellement curieux:
«Les registres du sieur Couplet, trésorier de l’Académie, disent les commissaires, n’ont aucune forme de livre de comptable. Il rapporte uniquement les articles de dépense, sans faire aucune mention de la recette, et c’est ou une ignorance inexcusable